Enfant de savetiers, Spontini nait le 14 novembre 1774 à Maiolati, une bourgade des Marches. Son buste trône aujourd’hui en majesté au fronton de l’Opéra Garnier à Paris. Entre ces deux extrêmes, il y a l’histoire d’une ambition racontée par Patrick Barbier dans un nouveau numéro de L’Avant-Scène Opéra consacré à La Vestale. Si grande fût la renommée du compositeur sous l’Empire, si vaste soit son œuvre lyrique avec pas moins d’une vingtaine de titres au catalogue, seul cet opéra figure aujourd’hui au répertoire.
La dimension tragique du rôle-titre n’est pas étrangère à sa – relative – popularité. Les plus grandes cantatrices ont voulu se mesurer à la partition, dans sa version italienne autant que française. Alfred Caron prétexte le passage en revue des Julia transalpines pour évoquer longuement l’interprétation de Maria Callas en 1954 à Milan ; Pierre Girod trace le portrait vocal de Caroline Branchu, la créatrice du rôle, « une grande voix sans fioriture », « rompue à la déclamation française » ; et Alexia Cousin donne quelques clés sur le style et l’interprétation de « toi que j’implore », la grande scène du dilemme au deuxième acte de l’opéra. « Spontini a pensé à l’architecture de cette scène avec beaucoup de précaution » analyse Justin Ratel dans son guide d’écoute, « un premier air d’une structure ABA’ puis un premier récitatif accompagné où alternent parties libres et mesurées qui virent rapidement à l’arioso, un second récitatif puis un dernier air » où « la ligne vocale se fait virtuose – comme rarement dans cette œuvre ».
Ainsi se révèle article après article un opéra auquel sa position, entre deux écoles – classique et romantique –, confère un intérêt particulier. Maxime Margollé dresse un état de la tragédie lyrique au début du XIXe siècle qui aide à comprendre pourquoi La Vestale constitue une « étape déterminante » dans l’histoire de l’art lyrique, entre l’héritage gluckiste – par le choix d’un sujet antique, la simplicité du livret, ses thèmes, son lieto fine – et l’ouverture sur l’avenir – par l’effectif orchestral, la place accordée aux chœurs et la dimension spectaculaire, annonciateurs de l’évolution du genre dans les décennies à venir.
Cette situation ambigüe explique les points de vue divergents sur la musique de Spontini. D’autres récolteront les fruits des graines que le compositeur avait semées. « C’est Rossini par qui s’est accomplie l’œuvre plutôt entrevue que commencée par Spontini […] En osant le premier, Spontini n’a pas osé assez longtemps », juge Adolphe Adam, cité par Alban Ramaut qui pour défendre le musicien convoque Berlioz et Wagner, l’un et l’autre séduits en leur temps par La Vestale.
L’évocation par Sabine Teulon-Lardic des représentations commémoratives du centenaire de l’œuvre au Théâtre des Arènes de Béziers en 1906 complète le panorama. Au sein d’une discographie généreuse pour un ouvrage qui n’est pas joué si souvent, l’enregistrement par Christophe Rousset en 2022 offre selon Pierre Flinois « l’exemple abouti et nécessaire à toute discothèque ».
« Abouti » et « nécessaire » deux adjectifs qui s’appliquent également à cette nouvelle publication de L’Avant-Scène Opéra.