Après Rennes, c’est à Nantes que Damien Guillon fait escale avec ses troupes du Banquet Céleste et le chœur de chambre Mélisme(s). Ils auront troqué l’acoustique intime de l’Opéra de Rennes pour celle ample et remarquable de la Cité des Congrès de la cité des Ducs de Bretagne. Des conditions idéales et un public venu en nombre pour assister à trois heures d’excellence musicale et interprétative.
La formation du jeune chef jouit d’une préparation sans faille, couronnée d’une exécution irréprochable qui donne à entendre un Bach sans ostentation, dans toutes ses dimensions. L’évidence frappe dans la juste balance des tempi, du contrepoint, des volumes et des masses qui transforme tour à tour cette Passion en pieuse cérémonie et en opéra baroque haut en couleurs. Le Banquet Céleste compte parmi ses rangs des solistes hors pair dont le dialogue permanent avec le plateau participe à cette interprétation protéiforme. Le chœur de chambre Mélisme(s) et la Maîtrise de Bretagne s’installent dans l’ensemble avec la même évidence et la même capacité à suivre Damien Guillon dans les méandres de l’œuvre et de ses stations : la véhémence du peuple avide de sang ou les louanges des suiveurs du Christ.
A une exception près, ce sont les mêmes chanteurs qu’à Rennes qui se présentent devant les Nantais. Zachary Wilder remplace au pied levé Juan Sancho en Evangéliste sans qu’il n’y paraisse rien. Il déploie un récit limpide, assis sur une diction précise, qui vient se colorer d’affects discrets au service de la scansion du drame. Edward Grint sert le Christ d’un timbre plutôt clair et d’une sobriété tout à propos. Paul-Antoine Bénos-Djian marque le plateau d’un sceau particulier : projection remarquable, technique chevronnée et qualités interprétatives variées font de chacune de ses interventions des moments suspendus qu’il tisse dans la trame narrative. Marco Saccardin passe de Pierre à Pilate avec une aisance confondante : la foi et les doutes du premier sont évoqués dans un des accents timides quand la morgue du second trouve son assise dans un volume généreux et un timbre sombre et mat. Chez les dames, Céline Scheen tient le soprano le plus exposé avec brio : le phrasé est élégant, le timbre fruité. Maïlys de Villoutreys et Blandine de Sansal, toutes deux très sensibles, complètent élégamment la distribution.