Claire de Monteil avait créé la surprise à Milan en remplaçant au pied levé la titulaire du rôle de Médée. Nous la retrouvons ce soir pour un concert entre amis et presque en famille dans l’église de Bagneux où elle s’est déjà produite à plusieurs reprises accompagnée d’Aymeric Gracia, violoniste, pianiste, compositeur et chef d’orchestre !
Le programme de la soirée s’ouvre justement avec une de ses compositions. Après avoir étudié à La Sorbonne et au CRR de Rueil-Malmaison en tant que violoniste, Aymeric Gracia a intégré la Haute École de Musique de Genève où il a obtenu son Master d’Interprétation en 2015. Il a également reçu le Prix Spécial Adolphe Neuman de la ville de Genève. Le musicien a donné des concerts en soliste ou au sein de formations orchestrales (il est l’un des premiers violon de l’Orchestre Colonne) et il est également pianiste doué, comme on aura pu le voir au cours de ce concert. Gracia est aussi auteur, ayant appris la composition avec Francine Aubin*. Ce concert nous permet d’apprécier quelques une de ses oeuvres. Dédié au danseur-étoile Jean-Guillaume Bart, présent dans la salle, artiste qu’il découvrit en résidence à l’Académie de l’Opéra national de Paris, Le Jardin éveillé est un poème chorégraphique dont nous entendrons ici la délicate valse. Son cycle de Cinq mélodies à la manière de Reynaldo Hahn (auquel il a ajouté une ouverture-féérie) est d’un charme délicieusement suranné avec une musique élégante au idéales pour ces poèmes d’Armand Silvestre qui semblent avoir été écrits pour être chantés. On y appréciera cette distance faussement désengagée, très typique du style français de cette époque, où le je-ne-sais-quoi et le presque-rien l’emportaient sur la boursouflure romantique. Le cycle est dédié à Claire de Monteil qui l’interprète avec goût, délicatesse et intelligence.
Le jeune soprano, qui se produit depuis quelques mois dans plusieurs villes italiennes dans une coproduction d’Il Trovatore, consacre l’autre partie du concert à quelques grands airs d’opéra. Bien sûr, la voix est encore verte, mais ces pages ambitieuses laissent déjà augurer de belles prises de rôles futures (à condition toutefois de savoir prendre son temps pour ne pas forcer ses moyens). Le « Casta diva » est chanté avec la délicatesse requise et le souffle est impeccablement géré tout au long de ce périlleux morceau. Après une délicate « Élégie » de Massenet, « Un bel di vedremo » offre une émotion sincère et retenue, et le soprano y fait la démonstration d’un aigu généreux. Toutefois, c’est surtout chez les compositeurs hispanophones (Astor Piazzola pour Maria de Buenos Aires et Ruperto Chapí pour la zarzuela Las Hijas del Zebedeo) que Claire de Monteil peut déployer ce registre grave naturel, coloré et profond, qui est une de ses spécificités comme nous l’avions déjà souligné l’année passée. Deux bis viennent conclure la soirée : un endiablé « I Could Have Danced All Night » extrait de My Fair Lady, et une reprise des Feuilles mortes, avec un accompagnement très original d’Aymeric Gracia au piano, qui achève d’enthousiasmer un public qui sortira le sourire aux lèvres. Le programme est accompagnée par une belle phalange de jeunes artistes doués dont la visible complicité contribue au plaisir de la soirée.
-
* Francine Aubin, née Francine Agnès Gisèle Marie-Thérèse Tremblot de la Croix le 6 février 1938 à Paris et morte le 14 août 2016 à Boulogne-Billancourt, était une compositrice, chef d'orchestre, enseignante et artiste peintre française, connue pour être la première femme à avoir obtenu le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur de conservatoire et en avoir occupé la fonction (source Wikipedia)