A l’occasion de ses 20 ans, le site ODB Opéra organisait un splendide concert lyrique, une occasion de découvrir ou de redécouvrir des jeunes chanteurs, mais aussi des artistes plus expérimentés, dans une ambiance festive. Difficile, voire impossible de citer l’ensemble des participants et leurs multiples interventions : un tel compte-rendu serait d’ailleurs par trop fastidieux ! Eve-Maud Hubeaux, qui triomphe actuellement dans la Reine Gertrude d’Hamlet à l’Opéra-Bastille offre une délicieuse Séguedille en prélude à ses débuts en Carmen à l’Opéra de Vienne. Sahy Ratia, qui sera Tonio de La Fille du régiment en concert au Théâtre des Champs-Elysées les 3 et 5 avril prochains, dispense une délicieuse romance de Nadir, pleine de nuances, et d’un style très français. Claire de Monteil crée la surprise avec un « Vissi d’arte », finement ciselé, tout à fait impressionnant. Son timbre, sombre, assez unique, fait également merveille dans le Youkali de Weill. Marlène Assayag interprète l’air d’entrée de Lucia di Lammermoor dans sa version originale : la voix, charnue et large, n’y rencontre aucune difficulté et impressionne peut-être encore plus dans un « Der Hölle Rache » de Die Zauberflöte, confondant d’assurance. Membre du Mozarteum Orchester Salzburg et l’Orchestre Les Siècles, l’altiste Alexandre Baldo est aussi un baryton-basse plein de charisme, particulièrement charmeur dans ses extraits des Nozze di Figaro. Camille Chopin assume crânement l’air de la Comtesse Adèle du Comte Ory, « En proie à la tristesse », d’une grande virtuosité : les vocalises sont précises sans que la prononciation ne soit jamais sacrifiée. Le timbre de Lucie Louvrier est très séduisant : elle interprète un difficile extrait de Semiramide aux côtés d’un efficace Jacques François Loiseleur des Longchamps qu’on n’attendait pas nécessairement dans ce répertoire. Blerta Zhegu est une Juliette vive et pleine d’allant, à l’aise également dans « Après un rêve », la mélodie intimiste de Gabriel Fauré demandant pourtant des qualités très différentes. Nadège Meden offre un « My man’s gone now » de Porgy and Bess d’une émotion à fleur de peau. Juliette Gauthier est un délicieux Cherubino. Raluca Vallois est désopilante dans l’étonnant « It’s my wedding! », extrait de The Enchanted Pig, avec un timbre original et un chant maîtrisé. Yara Kasti est une Musetta prête pour les grandes scènes et son « Somewhere », extrait de West Side story, est très émouvant. Anouk Defontenay offre un « J’ai perdu mon Eurydice » bien en place. Ziyan Wang est plus qu’une promesse pour de futurs rôles de grands mezzos avec une « Acerba voluta », d’Adriana Lecouvreur, plein de mordant, et un « Mon cœur s’ouvre à ta voix » de Samson et Dalila d’une belle sensualité. Extrait de Così fan tutte, le difficile « E amore un Ladroncello » est parfaitement maîtrisé par Ania Wozniak. La chanson « Aatini Al Naya Wa Ghanni », interprétée par May Chedi, est un moment de grâce par la pure magie du son. Du côté des artistes plus expérimentés, Kristian Paul est impressionnant en Rigoletto comme en Escamillo et en Zurga : la voix est puissante, la musicalité jamais en défaut et l’interprétation remarquable. On notera les talents décidément très divers d’Adrian Salman, belle voix de basse aux graves profonds, également à l’aise dans le Zapateado du Flamenco. C’est effectivement une des caractéristiques plaisantes de ce concert : les artistes n’y viennent pas seulement défendre l’art lyrique. Un jeune garçon vient ainsi faire une démonstration de Hip-Hop, Isabelle Carrar défend avec émotion Gainsbourg et Barbara, et quand Fabrice di Falco chante, d’une splendide voix de velours, le célébrissime Air du froid (Cold song), extrait de King Arthur, il est accompagné d’une danseuse contemporaine, Cynthia Dariane, dans une envoûtante chorégraphie. Le spectacle est animé avec humour et énergie par Stéphane Sénéchal, assisté de Marie Vasconi, dans un style à la Michel Fau, en plus débridé, mais aussi avec certains moments d’émotion. On saluera le talent discret des trois pianistes, unanimement impeccables, Guillem Aubry, Maxime Neyret et Genc Tukici.
On espère que l’événement puisse devenir annuel car il offre, avec l’appui de chanteurs expérimentés, une exposition de choix à de jeunes artistes pour la plupart peu connus du grand public, et ce dans des conditions plus détendues que celles d’un concours, ce qui leur permet de donner sans risque le meilleur d’eux-mêmes. Précisons enfin que les bénéfices du concert ont été reversés à la Ligue contre le cancer.