Le vaste auditorium de l’Académie Royale de Musique – au design tout scandinave puisqu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse de l’architecte de l’opéra de Sydney, Jørn Oberg Utzon – est quasi comble en ce dimanche ensoleillé.
L’objectif avoué du récital organisée par l’excellent Concerto Copenhagen est de mettre en valeur son pupitre de cuivres. Très à leur aise la veille lors de la représentation de Griselda, ils tiennent ici le haut du pavé avec un rôle de soliste partagé avec la soprano suisse Marie Lys pour une proposition joliment construite autour du prêtre roux et de ses contemporains avec Venise en toile de fond.
Le chef Lars Ulrik Mortensen connaît parfaitement ses musiciens ; il dirige à peine depuis son clavecin, lançant ici un regard, décrivant là un volute dans l’air pour souligner une intention. Après chaque morceau, il leur adresse un sourire complice pour remercier de cette riche pâte sonore, d’attaques pleines d’acuité, de finales savoureuses, de cette respiration ample et généreuse qui fait du bien.
Cette Matinée débute avec une Sinfonia de Tomaso Albinoni. Déjà Robert Farley est à la fête, avec une trompette parfaitement juste, ce qui est toujours une gageure avec cet instrument. Il intervient à nouveau avec la Vendetta d’amore, de Carlo F. Pollardo, dansante et joliment contrastée avec sa partie centrale si recueillie. Enfin, l’impeccable instrumentiste est rejoint par son commensal Christopher Pigram. Ce dernier amuse l’assistance car, de sa haute stature, il hausse au maximum le pupitre – que le chef, pour sa part, ne cesse de baisser à chaque intervention de la chanteuse – manquant de le désarticuler. Ayant la tâche ingrate de n’intervenir que pour un seul morceau, il s’avère moins précis ce qui n’empêche pas de profiter des réjouissants mélismes du Concerto pour 2 trompettes d’Antonio Vivaldi.
En effet la pyrotechnie vocale est au cœur d’un programme dont le titre, ambitieux, pourrait se traduire en « Dynamiter Vivaldi ». Marie Lys relève le gant, d’abord avec deux extraits de la Fida Ninfa. Intelligemment, elle commence avec « Selve Annose, erme foreste » plutôt posé, qui met en valeur son timbre joliment fruité, équilibré, bien vertical sans oublier sa remarquable conduite de la ligne vocale. Après une superbe introduction orchestrale, « Destino avaro » nous faire entrer dans le vif du sujet avec des vocalises très exigeantes dans le bas médium dont la cantatrice ne fait qu’une bouchée. Le souffle est long, le focus précis ; surtout, elle allie l’indispensable implication vocale à un investissement émotionnel qui fait mouche, prenant à témoins les spectateurs d’un regard, d’un geste.
Lors de ses trois autres interventions, l’artiste démontre l’amplitude de sa palette vocale. Lars Ulrik Mortensen s’empare de l’orgue pour Nulla in mundo pax sincera avec une merveilleuse introduction qui nous projette immédiatement dans un répertoire religieux entre brûlante ferveur et recueillement. Marie Lys joue des nuances avec brio pour mieux souligner chaque inflexion narrative.
C’est également le cas pour l’un des meilleurs moments du concert lorsqu’elle dialogue avec la trompette dans A battaglia pensieri d’Alessandro Scarlatti. A l’unisson de cette énergie communicative, l’orchestre est, là encore, inventif, rythmique, brillant.
Suit une brève incursion chez Haendel avec Delirio amoroso, tout de fougue juvénile, où la virtuosité de la colorature ne se dément pas à l’exception d’un aigu difficile à attraper, aléa de ce métier de funambule perpétuellement suspendu au dessus du vide.
La soprano pourrait également plus varier ses couleurs, comme elle le fera brillamment dans le bis flamboyant extrait du Lotario de Haendel, « Scherza il mar, la navicella » où explose la plus pure jubilation assortie d’un engagement scénique au diapason, de suraigus superbement projetés et de graves bellement poitrinés. Adelaïde est un rôle qu’affectionne Marie Lys, qui clôt régulièrement ses récitals avec cet air.
Le concert met également à l’honneur le cor d’Emmanuel Frankenberg et Daniele Bolzonella qui partagent la vedette pour deux Concerti, respectivement d’Antonio Vivaldi et Johann D. Heinichen. Un peu en délicatesse avec la justesse, les cornistes offrent néanmoins une prestation qui fait honneur aux talents de mélodistes du prêtre roux
Naturellement en danois, les interventions musicologiques et apparemment humoristiques de la récitante nous sont restées absconses sans que cela nuise aucunement à notre plaisir. Guettez la diffusion de ce beau programme sur le site de la radio danoise DR P2, le 14 mai prochain à partir de 19h20 puis le 17 mai à 12h15.