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HAENDEL, Sémélé – Athènes

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Spectacle
14 novembre 2023
Quand le plaisir nait de la connivence

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes

Musique de Georg Friedrich Haendel

Livret adapté du livret homonyme de William Congreve

Création à Londres, Théâtre Royal de Covent Garden, 10 février 1744

Détails

Coproduction avec le Festival International Haendel de Göttingen

Mise en scène
George Petrou

Conception des décors et des costumes
Paris Mexis

Conception lumière
Stella Kaltsou

Assistante à la mise en scène
Constantina Psoma

Assistante aux costumes
Elephteria Petrova

 

Sémélé
Marie Lys

Jupiter/ Apollon
Jeremy Ovenden

Ino/ Junon
Dara Savinova

Athamas
Rafal Tomkiewicz

Cadmus/ Somnus/ Grand Prêtre
Gianluca Margheri

Iris / Cupidon
Marilena Striftobola

 

Chœur de Chambre d’Athènes

Chef de chœur
Agathangelos Georgakatos

Orchestre symphonique de la ville d’Athènes

Direction musicale
George Petrou

Athènes, Théâtre Olympia, samedi 4 novembre 2023 à 18h

 

 

C’est fini, le rideau est tombé, les applaudissements sont inlassables, et on crierait, si on l’osait, « encore ! » comme un enfant qui a du mal à se résigner à la clôture d’une histoire. Peut-être parce que le spectacle conçu par George Petrou, commencé par un rêve de Sémélé qui se voit morte, s’achève effectivement par sa mort, et son enfant a survécu, le futur Bacchus qu’Apollon en personne est venu annoncer aux humains. La boucle est bouclée, et pourrait recommencer. Ce jeu entre texte et contexte, entre le livret et son terreau mythologique, la mise en scène l’exploite avec une malice subtile, en faisant revenir Sémélé sur scène, désormais purifiée de son ambition mortifère, pour renouer avec son Dieu à l’apparence humaine…Mais c’est invraisemblable, puisqu’elle est censée être morte !…Mais a-t-on protesté quand un aigle l’a enlevée au ciel ? Alors, sans piper, on attend la suite… Las, Jupiter est prisonnier de ce qui s’est produit, et à l’élan qui la pousse vers lui il ne peut répondre car l’Amour, cette autre divinité, lui impose de remonter dans l’ascenseur céleste, la nacelle dorée qui abritait le séjour de Sémélé. Sommes-nous bon public ? Les références littéraires ou autres existent et George Petrou les utilise avec finesse pour établir avec les spectateurs une connivence qui fait de cette proposition une réussite.

© Théâtre Olympia

Comme Cassandre pouvait annoncer l’avenir, Sémélé a rêvé sa fin, mais sans le savoir. Quand elle s’éveille en sursaut de ce cauchemar la réalité la rattrape : ses suivantes viennent la parer pour son mariage prévu dans l’heure. Hélas, son futur n’est pas celui qu’elle aime passionnément : Jupiter va-t-il intervenir pour la sauver et prouver ainsi sa puissance et son amour ? Réticente, récalcitrante, elle oppose sa mauvaise humeur au père qui a choisi le prétendant et ses rebuffades à celui-ci, Athamas, tandis que les invités sont à fond dans les hymnes de circonstance. L’arrivée d’Ino, la sœur de Sémélé, un laideron myope et fessu, ne change rien : les feux sur l’autel prouvent que la déesse du mariage approuve cette union. Alors Jupiter tonne et éteint ces flammes, Junon les rallume, Jupiter détruit l’autel et enfin sous la forme d’un aigle emporte Sémélé dans le ciel. Athamas se lamente, et Ino espère, car elle aime tant ce nigaud qu’elle finit par le lui dire pour lui reprocher aussitôt de l’avoir forcée à cet aveu.

© Théâtre Olympia

On a beau connaître la suite, le spectacle ravit par l’état d’esprit qui semble avoir été le fil conducteur : surtout ne jamais appuyer ! Les options se succèdent avec une candeur apparente où quelque chose d’enfantin survit qui relie les références mythologiques aux références d’un contemporain. Ainsi de l’accoutrement d’Ino et sa prothèse de caoutchouc au striptease de Junon qui va les revêtir  pour tromper Sémélé et pousser l’oiselle vaniteuse à sa perte en déchaînant son hubris, du mendiant sous la couverture duquel on pourrait reconnaître le maître des Dieux, de la maladresse d’Athamas qui a dû voir les comédies musicales avec Cary Grant et s’applique à s’y conformer,  des accessoires en situation – le bouquet de fleurs – qui deviennent les truchements de ce qu’on voudrait dire, des Amours et des Zéphyrs dont les pyjamas, nounours et oreillers reconstituent la publicité d’un marchand de literie, des châssis et des toiles peintes qui viennent représenter le jardin d’Arcadie comme on le faisait ∗du temps de Haendel, avec des robes à paniers dans les allées. Et aussi la tenue d’hôtesse de l’air d’Iris la messagère et le truc en plumes de l’Amour en hôtesse sexy qui aurait fait florès à la télévision berlusconienne…Et nous allions oublier la gloriette, l’ascenseur doré qui représente le palais dédié par Jupiter à Sémélé et qui pourrait bien ressembler à une cage…

Ce plaisir ininterrompu de l’image et du geste qui se renouvellent doit beaucoup à la performance des douze choristes, dont la mobilité en scène a dû être particulièrement bien préparée car à aucun moment on n’a l’impression qu’ils devraient être plus nombreux.  Ni leur entrain, ni leur endurance ni leur musicalité ne souffrent la moindre baisse de niveau, alors qu’ils changent si souvent de costumes et adoptent à chaque situation un comportement scénique différent. Sans doute étaient-ils déjà de l’aventure lors de la création en Allemagne, et cela peut expliquer pourquoi la qualité de leur participation est telle, à béer d’admiration, mais le savoir ne diminue en rien leur mérite !

Autre motif de plaisir, la qualité des solistes. Que Jeremy Ovenden soit un Jupiter de premier ordre, on ne saurait s’en étonner, mais on se réjouit d’entendre cette voix ferme, souple, enjôleuse, si bien en situation avec le personnage dont elle révèle avec clarté les ardeurs et les craintes, la virtuosité bien connue n’étant jamais l’objectif mais le moyen de les transmettre. Remarque qui, cela coule de source, vaut pour le reste des solistes. Marie Lys interprète le rôle-titre depuis un certain temps ; ses difficultés techniques n’ont plus de secret pour elle et elle peut désormais se concentrer sur le personnage, ce qu’elle fait avec talent et conviction. Le rôle est difficile, car il faut représenter la fragilité et l’ entêtement d’une nunuche, mais aussi sa fatuité. On sent l’interprète si déterminée que la fragilité n’est pas aussi perceptible qu’espéré, mais le parcours vocal est sans faille et le ramage enivrant confirme le bien-fondé de la déjà flatteuse réputation. C’est dans sa dernière apparition qu’elle sera la plus émouvante, ayant compris, mais trop tard, que le bonheur était à jamais perdu. Belle découverte, dans le double personnage d’Ino et de Junon, de Dara Savinova, mezzosoprano dont la couleur du timbre et les ports de voix suscitent aussitôt le désir de l’entendre en Ariodante. Elle aussi a le bagage technique requis par le vocabulaire haendélien et impose une présence scénique indiscutable, en campant une Junon courroucée et intrigante des plus réjouissantes. En Ino, le duo qu’elle chante avec Marie Lys dans la scène au jardin d’Arcadie soumet littéralement l’auditeur aux sortilèges des voix et de la musique.

© Théâtre Olympia

Double rôle aussi pour l’interprète d’Iris, qui d’hôtesse de l’air un peu trop vibrionnante et familière avec sa patronne – la mise en scène ? – deviendra un Cupidon femelle avec le même aplomb, ce qui permet à Marilena Striftobola de démontrer toute l’étendue de ses ressources et leur adéquation à ce répertoire. Double, voire triple rôle pour Gianluca Margheri, de quoi combler avec Somnus et le Grand Prêtre les occasions de chanter que le rôle de Cadmus ne fournit pas. Le comédien est doué, passant de la componction impatiente du père qui doit dompter une fille rétive à son autorité au moment le moins opportun à la composition hilarante de Somnus, le gourou somnolent dont la voix est assez profonde pour rendre justice à son air célèbre. Excellente surprise aussi que le contreténor Rafal Tomkiewicz, dans le rôle périlleux d’Athamas, l’amoureux transi que Sémélé repousse, représenté ici dans son conformisme bourgeois et qui au gré des rythmes se lancera dans des pirouettes et des mouvements que Fred Astaire n’aurait pas reniés sans que le souffle fasse défaut, alors que souplesse et agilité sont ce qu’il faut.

Sémélé, c’est aussi un ensemble de musiciens et une orchestration. Quand il n’y a pas d’orchestre baroque, comment fait-on ? On tâche, avec les musiciens de l’orchestre symphonique de la ville d’Athènes, de les rapprocher autant que possible des impératifs techniques et sonores d’une exécution conforme aux pratiques de la composition haendélienne, en se procurant si possible les instruments prévus*. On ne saurait mesurer la quantité de travail qu’il aura fallu pour atteindre la qualité entendue, mais elle n’aurait pas été atteinte sans un investissement des instrumentistes à la mesure du défi. Sans grand risque de nous tromper affirmons qu’il s’agit très probablement d’un nouvel exemple de « l’effet Petrou », cet esprit de coopération dans le but de se surpasser que ce chef sait insuffler à des équipes a priori peu préparées pour le répertoire qu’il leur propose le désir de remporter l’enjeu ou sinon de s’en être rapprochées autant que possible, à la limite de leur bonne volonté. Et cela fonctionne : si la première ouverture à la française n’a pas exactement le rythme et toutes les couleurs que l’on aime,  la deuxième aura le tombé qui nous plait. L’enjouement, la légèreté, la prestesse, la profondeur, la menace, la puissance, tout passe dans cette exécution où la souplesse rythmique est reine, à l’image du traitement dramatique de l’œuvre. George Petrou n’est pas le premier chef à affronter le défi de mettre en scène, mais ce spectacle intelligent et sensible prouve indiscutablement qu’il fait partie des plus doués !

∗ Remerciements spéciaux à la Onassis Stegi pour les timbales baroques

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George Petrou

Conception des décors et des costumes
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Conception lumière
Stella Kaltsou

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Jeremy Ovenden

Ino/ Junon
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Athamas
Rafal Tomkiewicz

Cadmus/ Somnus/ Grand Prêtre
Gianluca Margheri

Iris / Cupidon
Marilena Striftobola

 

Chœur de Chambre d’Athènes

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