Régal traditionnel des Fêtes outre Rhin, Hansel et Gretel rencontre, ces dernières années, les faveurs récurrentes des opéras hexagonaux. C’est le cas cet hiver à Nantes dans la production très inspirée d’Emmanuelle Bastet.
La metteuse en scène est une habituée des lieux. Sa version mêle avec beaucoup de charme et de pertinence modernité et féerie : la famille des héros est sans domicile fixe et vit dans une poubelle. Leur mère est moins une marâtre qu’une femme épuisée, à bout de ressources, qui chasse ses petits dans un moment de colère. Cet univers urbain, tout en grisaille est également celui du « bois » où se perdent les deux enfants : cette forêt de lampadaires est une vraie réussite esthétique et permet d’offrir une actualité évidente au propos : Hansel et Gretel ont faim, ils parlent sans cesse de nourriture ; perdus dans la jungle urbaine ils cherchent désespérément une issue qui ne peut venir que d’un monde imaginaire. Le contraste entre leur univers monochrome, cette grisaille du quotidien et la féerie acidulée du palais de la sorcière est parfaitement réussi grâce à Barbara de Limburg qui convoque ses racines belges avec Magritte et Spilliaert pour offrir un petit twist surréaliste à ses décors.
Norma Nahoum et Marie Lenormand © Jef Rabillon
Nos deux affamés sont un frère et une sœur plein d’ingéniosité et de joie de vivre. Leur connivence est merveilleusement rendue par Marie Lenormand (Hansel) et Norma Nahoun (Gretel) qui se glissent avec un plaisir évident dans les oripeaux de l’enfance. Les deux chanteuses bénéficient d’une diction impeccable, elles maitrisent parfaitement les difficultés de la partition et leurs voix, très équilibrées, donnent un charme tout particulier à leurs duos. De comptines en prières naïves, ces moments où l’action est suspendue se goûtent comme une mignardise. Cette complicité fraternelle est d’autant plus touchante à observer sur scène lorsque l’on sait que c’est Adelheid Wette, la soeur de Engelbert Humperdinck qui avait écrit le livret de l’oeuvre avant de la soumettre au compositeur pour une création lors d’une fête de famille.
Face aux deux turbulents bambins, Eva Vögel et Vincent Le Texier incarnent leurs parents avec un peu moins d’éclat. La prestation du baryton français – que l’on se réjouit toujours d’applaudir – nous laisse ici un peu désappointés car malgré un engagement scénique impeccable, il manque de longueur de souffle et certains aigus sont au bord du décrochage.
Le troisième personnage phare de la distribution est sans conteste Jeannette Fischer qui campe avec jubilation la sorcière sous l’apparence d’une espèce de Gilda sur le retour, déglinguée et absolument irrésistible. Délicieuse grand-mère en pastel total look, elle se transforme en un clin d’oeil en vamp à la Cruella sans jamais perdre de son abattage.
Veronique Seymat s’est sans doute beaucoup amusé avec ce costume à transformation, tout comme elle réussit à donner une singulière poésie au marchand de sable travesti sous les frusques d’un éboueur ou encore à la fée Rosée, parée contre l’humidité avec bottes en caoutchouc et cape de pluie. C’est la délicieuse Dima Bawab qui illumine ces deux petits rôles de son timbre solaire de soprano léger.
Tout au long de la soirée, si le spectateur se régale, c’est également le cas de l’auditeur : la partition est un plat de roi, entre héritage wagnérien, comptines ou « Märchenoper » et sous la baguette experte de Thomas Rösner, l’orchestre des Pays de la Loire est à son meilleur. La délicatesse des cordes répond au moelleux des vents et au brillant des cuivres qui sont à la fête avec cette partition dirigée à l’origine par Richard Strauss puis Gustav Mahler, excusez du peu !
A écouter sur France Musique samedi 26 décembre 2015 à 19h et à voir à Angers le Quai, les 5 et 6 janvier prochains à 20h.