Le Festival de Glanum, qui investit tous les ans le site archéologique éponyme à Saint-Rémy-de-Provence, fête ses dix ans. Il s’agit en même temps de la première édition que Mathieu Herzog signe en tant que nouveau directeur artistique. Les enjeux qu’il a précisés l’année dernière commencent à prendre forme. « La nouvelle marque de Glanum, c’est l’idée d’avoir systématiquement un concert symphonique, une soirée avec du chant ainsi qu’une soirée cross-over, en restant pourtant tout près de la musique classique », explique Herzog, « cette année, nous affichons complet trois jours de suite, et je rêve d’imaginer qu’on puisse faire un quatrième jour, par exemple. J’ai aussi l’intention de reprendre “Glanum off”, un format plus expérimental que nous avons malheureusement dû sacrifier cette fois-ci pour des raisons de budget. » Herzog dit vouloir relever le défi qui consiste à rester à l’écoute du public, sans pour autant perdre de vue ses aspirations créatives. « Je souhaite que ma programmation soit “intelligente” dans le sens où je tiens à réfléchir à ce que veut le public, tout en gardant mon exigence, mon esthétique, et tout cela dans une enveloppe financière – tout ces paramètres entrent en ligne de compte pour que le nom de Glanum puisse grandir petit à petit. »

L’édition 2025 propose d’abord un spectacle consacré à Tchaïkovski, avec le violoniste Maxime Vengerov, l’Orchestre national Avignon-Provence sous la baguette de Débora Waldman, et – autre signe d’un « esprit de Glanum » – une chorégraphie pour deux danseurs conçue par Alice Psaroudaki. Le deuxième concert, intitulé De Broadway à Hollywood, aborde les plus grands succès de plusieurs types de comédie musicale, allant d’exemples modernes (Porgy and Bess), plus hybrides (West Side Story), plus ouvertement jazzy (All that jazz), jusqu’à nos jours (Cats, Miss Saigon). L’Orchestre Appassionato rejoint un effectif de jazz, et les arrangements très colorés, signés Jérémy Bruyère et Mathieu Herzog, se plaisent à faire alterner des moments davantage classiques, avec des éruptions propres au jazz pur. La chanteuse Neïma Naouri fait preuve d’une grande versatilité ainsi que d’une intuition scénique certaine. Dotée d’un inépuisable répertoire de couleurs, sa voix réserve des surprises et convainc aussi lors d’improvisations vocales sans paroles (scat). Son partenaire sur scène, Bastien Jacquemart, passe habilement du crooner au jeune premier, ajoutant un autre aspect à ce programme entre tradition et modernité.
Enfin, la troisième soirée présente un « monochrome » Mozart, faisant dialoguer deux éléments de l’œuvre du compositeur : le mezzo-soprano lyrique et la clarinette. Karine Deshayes maîtrise à merveille ce répertoire entre Don Giovanni, Così fan tutte et La Clémence de Titus. Sa voix est à la fois puissante et souple. En laissant naître, par les seuls moyens de son timbre, des moments de « mise en scène », elle rend aux œuvres leur caractère dramatique dans un cadre concertant. Sous la direction de Débora Waldmann, l’orchestre développe un son particulier, délicat et très juste, ni trop exubérant ni trop discret. La prestation du clarinettiste Pierre Génisson – entre effervescence et notes aériennes et éthérées – se marie parfaitement à cette conception sonore. S’il braconne sur les terres de Karine Deshayes, interprétant quelques airs à la clarinette et soulignant ainsi la « vocalité » de son instrument, les deux musiciens se retrouvent finalement lors des deux deniers airs. Dans « Parto, ma tu ben mio… », Mozart lui-même crée un duo intime entre la voix et la clarinette.
Pour l’année prochaine, Mathieu Herzog annonce déjà un temps fort vocal ainsi qu’une excursion dans le domaine du baroque. « J’explore des pistes. » Si l’idée de consacrer une édition du festival aux relations diplomatiques entre la France et les États-Unis – enjeu fort actuel –, vues à travers le prisme de la musique, n’a pas été retenue, ces considérations font partie des réflexions qui l’animent.