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MOZART, Die Entführung aus dem Serail – Saint-Etienne

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Spectacle
16 juin 2025
Mozart à Istambul

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Wolfgang Amadeus Mozart
Die Entführung aus dem Serail
Singspiel comique, en trois actes, K. 384
Texte d’après Christoph Friedrich Bretzner, adapté par Stephanie le Jeune
Création à Vienne, au Burgtheater, le 16 juillet 1782

Détails

Mise en scène
Jean-Christophe Mast

Décors, costumes
Jérôme Bourdin

Lumières
Michel Theuil

 

Konstanze
Ruth Iniesta

Blondchen
Marie-Eve Munger

Belmonte
Benoît-Joseph Meier

Pedrillo
Kaëlig Boché

Osmin
Sulkhan Jaiani

Bassa Selim
Denis Baronnet

 

Chœur lyrique Saint-Etienne Loire

Chef de chœur

Laurent Touche

Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire

Direction musicale
Giuseppe Grazioli

Saint-Etienne, Opéra Massenet, le 13 juin 2025, 20h

On se souvient de la singulière histoire de Constance, Blondchen et Pedrillo, tombés aux mains des pirates et captifs du sultan Selim, qui s’est épris de la première. Il a donné Blondchen au gardien de son harem, Osmin, et a fait de Pedrillo son jardinier.  Ils devront leur liberté à la magnanimité du souverain, après une tentative avortée d’évasion, conduite par le fiancé de Constance, Belmonte.

Jean-Christophe Mast, à qui l’on doit la mise en scène, connaît bien l’ouvrage, pour l’avoir déjà monté, ici même, en 2007. L’action est transposée à Istambul, dans la première moitié du siècle dernier, alors que les idées progressistes d’Atatürk s’opposent au conservatisme rétrograde. Pourquoi pas, d’autant que le personnage attachant de Selim, inspiré des Lumières, y trouve une vraisemblance bienvenue ? Cependant, le réalisme de cette proposition en limite la fantaisie, intemporelle. L’Orient de pacotille se traduit essentiellement par les costumes. Ceux des Janissaires, tout de blanc vêtus, surprennent, choquent même (les femmes sont en niqab….). S’il y a longtemps que l’on ne convoque plus les Mille et une nuits pour mettre le sérail en scène, les décors ne conservent de la turquerie qu’un ingénieux assemblage central de cages, volières, rappel stylisé de moucharabieh, qui sera mur d’enceinte, chambre, prison, observatoire, à la faveur de quelques transformations, réalisées par les quatre serviteurs – muets – du sultan.

Est-il œuvre plus malaisée, plus subtile à réaliser ? Comment créer cette fluidité entre les scènes, construire une dramaturgie qui captive l’auditeur ? Le passage du récit parlé au chant, qui se double ici de la maîtrise de l’allemand et du français, puisque les dialogues sont traduits, soulève bien des interrogations, particulièrement avec une distribution dépourvue de germanophones de naissance.

Le premier acte déçoit, plus fébrile qu’exubérant, sans jeunesse ni sensualité, souffrant des passages parlés dans un français parfois approximatif (pourquoi ce choix ?). L’humour est chichement mesuré, limité à des jeux de scène. Par chance, l’entrée en jeu de Blondchen et de Pedrillo au deuxième acte marquera d’une aisance et d’un naturel nouveaux cette production, qui se terminera dans la bonne humeur de sa conclusion moralisatrice. La distribution, par trop inégale et disparate, ne convainc qu’à moitié. Ainsi, le couple central ne recueillera que des applaudissements polis au terme du spectacle alors que celui formé par Blondchen et Pedrillo sera acclamé, comme Osmin et Selim. D’autre part, le redoutable exercice consistant à jouer la comédie, en français, accuse les limites de nos deux aristocrates.

Etonnante Constance, on connaît et apprécie Ruth Iniesta, sa belle étoffe vocale, son agilité comme son engagement. La voix est ample, épanouie, sûre. Hélas, pour ce qui doit être une prise de rôle, elle imprime à Mozart sa technique belcantiste, sa projection, son puissant medium. Aussi, après son Traurigkeit, plus formel que pathétique, les décoiffantes vocalises, les aigus filés, les effets pyrotechniques de Marten alle Arten en font-il ce soir un air de concert, démonstratif, hors contexte. Son Belmonte fait assez pâle figure, écrasé par l’orchestre au premier acte. Pourtant Benoît-Joseph Meier, ténor usant d’une belle voix mixte, souple, suave, mais trop faible pour le lieu, ne démérite pas toujours. N’était la puissance, l’élégance, le phrasé, renvoient à Leopold Simoneau. Méforme passagère ou difficulté à passer d’un baroque intime à Mozart ? Son air d’entrée, comme le « Constance » suivant nous laissent sur notre faim. Par contre, sa participation au trio, au quatuor comme au finale s’avère convaincante.

Blondchen est ici une soubrette délicieusement effrontée, piquante et énergique. Marie-Eve Munger, épanouie, a l’abattage requis. Le timbre séduit, empreint de fraîcheur, le charme joue dès son premier air, moqueur, dont le trait final, superbe, est un régal. « Welche Wonne », tendre, primesautier, la confirme comme mozartienne. Son Pedrillo (Kaëlig Boché) est remarquable, aussi à l’aise dans les dialogues en français que dans ses airs ou ensembles. La sûreté de l’émission, la facilité dans la plus large tessiture sont bien là. Non seulement en pleine possession de ses moyens, son jeu, ses talents de comédien s’épanouissent pour le plus grand bonheur de chacun. Entre la crainte et la résolution, toujours tendre, la composition est réussie. Les deux couples réunis dans le grand quatuor nous font oublier les inégales performances des chanteurs.

Osmin, l’eunuque gardien du sérail, est campé par Sulkhan Jaijani. Svelte, séduisant, à rebours des clichés, le bouffe est quelque peu gommé, estompé, au profit de la vérité humaine. La richesse du bas-medium, les solides graves, la clarté de l’élocution, la puissance sont au rendez-vous, même si les aigus manquent d’aisance. La dissonance entre le personnage dessiné, bourru et cruel, mais sensible, et la mise en scène interroge (la description des supplices se traduit ainsi par du grand guignol). Son ivresse soporifique est privée des bouffonneries éthyliques attendues. Pour parlé que soit le rôle, celui de Selim est essentiel, par sa dimension, par sa générosité comme par son amour pour Constance. Le metteur en scène ne s’y est pas trompé, qui nous le montre, seul, devant le rideau de scène, pensif, dès l’ouverture, puis accablé après les dernières notes. Excellent comédien, Denis Baronnet traduit remarquablement, la classe, l’élégance, l’aristocratie du maintien comme la bonté d’âme d’une sorte de prémonition de Sarastro.

Pour traduire les exaltations juvéniles du cœur comme les échos de l’amour opprimé, l’allégresse, le sourire et les larmes, on attendait de Giuseppe Grazioli une direction malicieuse, sensuelle et raffinée, tendre et mélancolique, jeune, bondissante, exubérante, alliant précision, poésie et vigueur. L’entrain joyeux, assorti de savoureuses turqueries, paraît quelque peu appliqué. L’équilibre privilégie les cordes. Les vents ne méritaient-il pas d’être valorisés par un déplacement qui aurait favorisé leur mise en évidence ? Andante est un caractère, on peut être allant sans que le mouvement métronomique soit rapide. Wenn ein Liebchen hat gefunden, nous présente un Osmin tendre, émouvant, qui va se révéler possessif jusqu’à la séquestration. Ce soir, l’air est défiguré, dépourvu de respiration, indifférent. La remarque vaut à d’autres moments. Les contrastes, de tempi comme de nuances, sont amoindris, et ce, dès l’andante central de l’ouverture. Alors que Mozart a voulu établir un lien fort avec le premier air de Belmonte, cette production apparaît comme une succession de numéros plutôt qu’une fresque construite, avec ses progressions, ses ruptures dramatiques. Le choix de dialogues en français ajoute à ce sentiment. La jubilation finale, bienvenue, nous fera oublier bien des réserves. L’Enlèvement au sérail est inaltérable !

L’orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, en fosse, reste en-deçà de nos attentes. Les cordes, abondantes, sont trop souvent pâteuses, lourdes ou ternes, les bois insuffisamment articulés et privés de verdeur. Ainsi, la petite symphonie concertante qui introduit le Marten alle Arten, une merveille d’écriture, est-elle un peu fade. C’est propre, à quelques rares exceptions près, mais on cherche trop souvent la fraîcheur, la ductilité, la jeunesse, la vie. Les deux interventions des vingt chanteurs du chœur (celui des Janissaires, puis le vaudeville final), purement décoratives, sont parfaitement en place, comme attendu. Il en va de même de ses quatre solistes intervenant ponctuellement.

Au sortir de ce spectacle, malgré les quelques frustrations soulignées, on retiendra la proposition de mise en scène, et le couple Blondchen-Pedrillo, comme les ensembles, équilibrés et musicalement bien conduits.

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Die Entführung aus dem Serail
Singspiel comique, en trois actes, K. 384
Texte d’après Christoph Friedrich Bretzner, adapté par Stephanie le Jeune
Création à Vienne, au Burgtheater, le 16 juillet 1782

Détails

Mise en scène
Jean-Christophe Mast

Décors, costumes
Jérôme Bourdin

Lumières
Michel Theuil

 

Konstanze
Ruth Iniesta

Blondchen
Marie-Eve Munger

Belmonte
Benoît-Joseph Meier

Pedrillo
Kaëlig Boché

Osmin
Sulkhan Jaiani

Bassa Selim
Denis Baronnet

 

Chœur lyrique Saint-Etienne Loire

Chef de chœur

Laurent Touche

Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire

Direction musicale
Giuseppe Grazioli

Saint-Etienne, Opéra Massenet, le 13 juin 2025, 20h

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