Depuis sa réouverture en 2003, l’Opéra de Lille propose chaque saison des concerts le mercredi en fin d’après-midi. Nom de la série ? Les concerts du mercredi – pourquoi chercher midi à dix-huit heures ! Prix du billet, plein tarif : 10€.
La programmation explore tous les genres et tous les répertoires. Par exemple, la valse mandingue, la viole de gambe, la musique savante et populaire d’Arménie ou – davantage dans nos cordes –, l’opérette le 19 juin en clôture de saison et, ce 10 avril un récital d’Antoine Palloc et Alexandre Baldo, un jeune baryton basse sur lequel un récent album Caldara a attiré l’attention,.
Dans le grand foyer, rideaux tirés pour favoriser l’obscurité nécessaire à la concentration, les sièges ont été disposés en éventail autour d’une estrade. Plus une place de libre ! Qui doutera de l’intérêt du public pour la musique dite savante, lorsqu’elle est mise à sa portée ?
« Les plus beaux cris du cœur » : le thème du concert a offert aux deux artistes toute latitude pour composer le programme. Leur choix s’est porté sur des pages romantiques françaises et italiennes en une carte du tendre qui chemine de la mélodie à l’opéra. En bis – cherchez l’intrus ! –, une pièce de Zoltàn Kodaly par laquelle Alexandre Baldo rend hommage à ses origines hongroises maternelles.
Les fées se sont penchées nombreuses sur le berceau du chanteur, enfant de la balle – sa mère est la soprano colorature Ilona Baldo –, licencié en musicologie, altiste professionnel formé au Mozarteum, avant de mettre à profit la pandémie pour changer son fusil d’épaule. Peu d’années, un album et quelques prix plus tard, le voilà déjà lancé. Avec le temps, nul doute que la voix gagnera en relief, que le vocabulaire expressif s’enrichira. Mais sa maturité artistique étonne eu égard à la jeunesse de son parcours.
Du répertoire mélodique, Alexandre Baldo sait préserver l’intimité, créer le contact avec le public, ne pas abuser de puissance mais au contraire alléger l’émission, travailler la couleur pour habiter le texte. « Non t’amo più », une des plus belles pages de Tosti, prend à la gorge lorsqu’elle obéit à ces principes, et que le pianiste ajoute à la sentimentalité, sans surenchère, ni abus de rubato, avec naturel et sincérité.
Les airs d’opéra font valoir l’étendue d’une voix moins barytonnale que basse, même si l’aigu ne pose aucun problème. La volonté interprétative se double d’une souplesse, une facilité à vocaliser qui prédestine aujourd’hui Alexandre Baldo au répertoire baroque et l’autorise à envisager le belcanto romantique. La conduite de la ligne dans l’extrait de La sonnambula le suggère. La première partie de la scène d’Assur dans Semiramide le confirme, du récitatif dessiné d’un trait large et assuré, à l’air en lui-même, non abordé à la hussarde comme une occasion de prouesse mais animé d’une juste théâtralité. Là encore comme précédemment, le piano d’Antoine Palloc se fait allié ; l’instrument règle sa respiration sur la voix.
L’art du pianiste s’épanouit au premier plan dans un nocturne de Chopin, effeuillé, effleuré, infusé jusqu’à ce que survienne la fameuse note bleue, qui donne à elle seule la tonalité de l’instant, puis dans une pièce de Catalani, elle aussi éclairée d’une douce lumière mélancolique.
Les fanfaronnades du Caid mettent un point final au programme. L’air n’est pas des plus célèbres. C’est au disque que nous devons de le connaître. Il figure au programme du récital d’opéra français de Samuel Ramey. Simple coïncidence ?