Théotime Langlois de Swarte (violon), Sophie de Bardonnèche (violon), Hanna Salzenstein (violoncelle) et Justin Taylor (clavecin) fêtaient les dix ans de leur ensemble Le Consort à la Salle Gaveau. C’est au départ autour de la sonate en trio que les quatre artistes se sont réunis, une forme instrumentale qu’ils reprendront ce soir à plusieurs reprises. Tous mènent avec succès une carrière soliste, comme en témoignent les divers CD publiés en leur nom depuis plusieurs années. Élargissant son effectif, Le Consort a également accompagné en récital plusieurs chanteurs lyriques, certains sont ici ce soir, tout comme Louise Pierrard, viole de gambe, présente à la création de l’ensemble.
Le concert anniversaire est un exercice de style, à la fois excitant et périlleux. Les morceaux instrumentaux font ce soir la démonstration éclatante des qualités à la fois propres à chaque soliste mais également dans l’aspect collectif du quatuor. Quelle merveille d’équilibre dans ces sonates en trio de Vivaldi ou de Dandrieu. Quelle liberté dans ces Follia ou ces quasi-improvisations sur le fil. Quelle beauté enfin dans ces sons frottants et quasi-dissonants de Corelli, compositeur dans lequel Le Consort ferait sans doute merveille.
La partie vocale appelle légèrement plus de réserve, même s’il faut souligner la générosité des chanteurs présents, tout particulièrement celle d’Eva Zaïcik, souffrante, et qui a crânement accepté d’affronter sur scène une toux intempestive. En début de concert, la mezzo française se montre un rien dépassée par les coloratures et la folie de Déjanire dans Hercules de Haende. On fond en revanche dans une mort de Didon (Purcell) bouleversante, et admire chez elle un style de tragédie lyrique royal – port de voix, déclamation, sens du mot – dans le magnifique « Venez chère ombre » de Louis-Antoine Lefebvre. Dans Vivaldi, Adèle Charvet impressionne dans le « Sovvente il sole », extrait de l’Andromeda liberata, avec un superbe dialogue entre la voix et le violon solo : legato souple, ligne tenue, expressivité juste. Elle affronte ensuite avec courage un tempo endiablé dans l’« Alma oppressa » de La Fida ninfa, au risque de négliger parfois la netteté de la vocalise. Le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian s’avère, quant à lui, parfait dans des extraits de Purcell, dont un grisant « Strike the viol ».
Ne boudons pas notre plaisir : c’est sur un sentiment véritablement festif que le concert se clôt. D’abord avec le « Pur ti miro » de Monteverdi, chanté à trois, les deux mezzos et le contre-ténor se partageant délicieusement les répliques de Poppée et Néron. Puis, avec l’inévitable « Danse des sauvages » des Indes galantes, et, pour finir, la Gavotte finale de la Sonate en trio RV 73 de Vivaldi, morceau emblématique du Consort. On souhaite aux musiciens dix prochaines années aussi inventives et inspirées que celles qui viennent de s’écouler. Le quatuor s’apprête d’ailleurs à relever un nouveau défi : une première production lyrique en fosse, avec grand orchestre, prévue dans quelques semaines à l’Opéra Comique, l’Iphigénie en Tauride de Gluck.