Il faut aller au Festival Verdi si l’on veut voir des opéras dans quelques-uns des plus petits théâtres au monde. Nabucco à Fidenza – 400 places – et, plus modeste encore, Falstaff à Busseto – 300 places. Au risque d’une inévitable frustration. L’exiguïté de la fosse a obligé la révision du dernier chef d’œuvre de Verdi pour une formation de chambre, une dizaine d’instrumentistes dirigés par Alessandro Palumbo, auxquels il incombe de restituer le miroitement orchestral de la partition. Mission impossible, si habile soit l’arrangement réalisé par le maestro. L’orchestre grince, gratte, coince en dépit d’une mécanique rythmique habilement huilée – ce qui représente en soi un exploit dans une œuvre réglée comme une horloge infernale, avec ses incessants changements de tempo et ses ensembles à large échelle.
La mise en scène de Manuel Renga respecte la lettre du livret transposé dans des fifties mohair et tartan. Certaines situations sont mieux traduites que d’autres – le finale du 2e acte rate son effet – mais le travail de caractérisation des personnages aide la comédie à remplir son office. Cette recherche de vérité comique se traduit également dans l’expression des visages, que la proximité de la scène aide à mieux percevoir.
© Roberto Ricci
Commères et compères de Windsor s’ébrouent avec un bonheur variable qui ne tient pas à l’importance de leur rôle. Au contraire même si l’on en juge à l’efficacité des comprimari : Bardolfo (Roberto Covatta), Pistola (Andrea Pellegrini), Dr Cajus (Gregory Bonfatti), et même Meg (Shaked Bar) que l’on a rarement vue aussi présente, tous investis d’une parole verdienne qu’ils propagent joyeusement articulée, timbrée, projetée– même si la taille du théâtre rend secondaires les questions de puissance. Les protagonistes laissent une impression plus mitigée, à commencer par Elia Fabbian, Falstaff tonitruant frelaté par les problèmes de justesse et une tendance à la monochromie quand la fantaisie du Pancione aime au contraire s’épancher en une large variété de couleurs. Vassyli Solodkyyi ne parvient pas à adapter une émission trop franche à la grâce et la légèreté de Fenton. Le baryton d’Andrea Borghini flotte dans le costume de Ford. Les soupçons du mari trompé, ses angoisses, sa colère se dissolvent dans l’eau tiède d’un chant qui voudrait plus de charpente et d’ampleur ; et Alice selon Ilaria Alida Quilico pâtit de trop de duretés.
Restent les aigus filés, tenus, enflés, diminués de Veronica Marini en Nanneta et les « Reverenza » débarrassés de leur empois par Adriana Di Paola. Cette Quickly ne ferait sans doute pas le même effet dans un théâtre plus vaste mais telle que brossée dans le bon sens du poil par la mezzo-soprano italienne – malicieuse, intrigante, élégante presque –, elle rafle la mise.