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WAGNER, Siegfried – Milan

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Spectacle
21 juin 2025
Chef et phalange au sommet

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes, 2e journée du Ring des Nibelungen, livret et musique de Richard Wagner (1813-1883), créé le 16 août 1876 à Bayreuth (Bayreuther Festspiele)

Détails

Mise en scène
David Mc Vicar
Décors
David Mc Vicar & Hannah Postlethwaite
Costumes
Emma Kingsbury
Vidéo
Katy Tucker
Lumières
David Finn
Arts martiaux et arts du cirque
David Greeeves
Chorégraphie
Gareth Mole

Siegfried
Klaus Florian Vogt
Brünnhilde
Camilla Nylund
Mime
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Der Wanderer
Michael Volle
Alberich
Ólafur Sigurdarson
Fafner
Ain Anger
Erda
Anna Kissjudit
Stimme des Waldvogels
Francesca Aspromonte

Orchestra del Teatro alla Scala
Direction musicale
Alexander Soddy

Milan, Teatro alla Scala, lundi 16 juin 2025, 18h

Brescia e Amisano ©Teatro alla Scala

David McVicar poursuit son nouveau Ring wagnérien avec un Siegfried encore plus littéral que les  Rheingold et Walküre précédents, parti pris qui séduira les tenants d’un certain traditionalisme mais qui ne comblera certainement pas les amateurs de relectures modernistes. Cette option était sans doute la plus à même de séduire le public scaligère, d’autant qu’elle est associée à une approche visuelle spectaculaire, renforcée par une excellente direction d’acteurs, ciselée dans les moindres détails et souvent d’une grande justesse. A l’acte I, on verra donc Siegfried en tablier limer l’épée brisée, faire fondre la limaille dans un creuset rougeoyant, la faire couler dans un moule, actionner le soufflet de forge, sortir Nothung chauffée au rouge, la plonger dans un bain refroidissant au milieu des vapeurs, faire des étincelles avec son marteau de forge, etc… C’est d’ailleurs assez réjouissant, d’autant que la touche de second degré est apportée par un Mime qui virevolte et sautille, surexcité, tout en tentant de préparer la soupe sur le même foyer (et en s’y brulant le fessier). Les autres décors sont variés et somptueux. A l’acte II, on découvrira ainsi une forêt mystérieuse dont les troncs d’arbres sont comme des humanoïdes fossilisés. Le dragon est une marionnette géante (à la manipulation bruyante), sorte de squelette de King-Kong. Au dernier acte, on retrouvera bien entendu le décor de Die Walküre, avec, d’abord endormie, Grane, le cheval de Brunehilde (un artiste déguisé monté sur des sortes d’échasses à ressort). Au global, un spectacle lisible et esthétique.

Brescia e Amisano ©Teatro alla Scala

Le Mime de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke domine le premier acte. Certes, le ténor autrichien est un habitué du rôle (il incarnait Mime lors de la précédente production parisienne de Günter Krämer à Bastille par exemple), mais nous ne l’avions jamais vu à ce point déchaîné, avec une composition histrionique absolument phénoménale, un peu à la limite de La Cage au Chaste Fol il faut bien le dire. Ce Mime irrésistible est même attendrissant dans son délire monomaniaque, et on finit par se sentir triste de le voir éliminer par cette brute de Siegfried. À ses côtés, Klaus Florian Vogt fait un peu pâle figure, d’autant que les projections vocales sont assez similaires. La technique du ténor allemand est bien connue, avec notamment une émission du registre aigu constamment mixée entre voix de tête et voix de poitrine. Inutile donc d’attendre les aigus spinto fracassants d’un authentique heldentenor (1) : les notes sont bien là, et avec ce qu’il faut de volume, mais elles ne sont jamais percutantes. Son entrée le voit d’ailleurs en difficultés : si l’on en entend bien le début de celle-ci (« Hoi-ho! Hoi-ho! Hau’ein! hau’ein! »), les seize notes qui suivent (répétées en piqués sur « Ha! » ) sont inaudibles depuis la salle, à l’exception d’une ou deux plus aiguës, la clarté du timbre permettant alors au chanteur de surmonter la masse orchestrale. Enfin, la voix est toujours trop claire, même si elle a gagné en largeur de timbre : elle peut convenir à un Lohengrin évanescent, voire à un Siegmund, mais peine a traduire la dimension héroïque du personnage. Le chant est toutefois moins haché que par le passé, avec un meilleur legato. Au final, on admirera la performance et l’engagement dramatique du ténor allemand, même s’il nous laisse quelque peu notre faim. Le Wanderer est ici en capuche plutôt que coiffé du traditionnel chapeau (c’est dire le niveau de disruption de la mise en scène) : Michael Volle y fait un pas de plus dans la légende, et les mots peinent à rendre compte de l’intensité et de l’intelligence de son chant. Son interprétation du Wanderer est fine et complexe, exprimant à la fois, le désarroi, la révolte, les velléités de puissance ou de grandeur, et la résignation… Du grand art. La voix est puissante, d’une belle fraicheur, superbement articulée : à 65 ans et dans ce répertoire, cela tient du miracle. L’Alberich d’Ólafur Sigurdarson est ici moins exposé que dans le Rheingold. Le baryton islandais confirme toutefois ses grandes qualités, avec un chant posé, d’une certaine noblesse, composant un personnage qui semble un peu revenu de tout (un discret haussement d’épaules tandis qu’il disparait suffit à exprimer avec finesse cette résignation). Anna Kissjudit remplaçait Christa Mayer souffrante. La voix est belle, avec un timbre rare de contralto, mais la projection est insuffisante pour la Scala, et elle ne peut assumer l’ampleur tellurique exigée. C’est une Erda discrète, sans mystère. Ain Anger est à nouveau Fafner, voix correcte mais sans grand relief et à l’impact limité.  Appréciée dans le répertoire baroque, Francesca Aspromonte est un oiseau à la voix bien projetée mais à l’aigu un peu tendu. Camilla Nylund avait presque réussi à nous convaincre dans Die Walküre. La deuxième journée la voit davantage à la peine. La prudence la pousse d’ailleurs à se ménager : la seconde partie du grand duo, « Ewig war ich, ewig bin ich », démarre ainsi avec un simple filet de voix à peine audible, puis le soprano donne de plus en plus de puissance pour terminer sur un contre-ut lumineux et mieux projeté. Surtout, la voix, dépourvue de largeur de timbre, manque de chaleur, d’ampleur et d’opulence. La musicalité est réelle, mais le soprano finlandais ne peut offrir que des moyens de soprano lyrique quand on attend ceux d’un authentique soprano dramatique.

Brescia e Amisano ©Teatro alla Scala

Alexander Soddy confirme sa maîtrise du discours wagnérien avec une direction lumineuse sans être chambriste, une grande attention au plateau (sans compromis sur l’exigence musicale toutefois). Le chef d’orchestre britannique choisit par ailleurs d’exposer davantage certains pupitres aux sonorités plus aiguës, produisant une pâte sonore plus claire qu’à l’ordinaire. Son Siegfried est ainsi moins sombre, moins oppressant, plus dynamique, assez original et tout à fait cohérent. L’Orchestre de la Scala de Milan est en état de grâce. Certains pupitres sont tellement excellents qu’on croit parfois entendre des solistes alors que la phalange est simplement à l’unisson. L’introduction orchestrale de l’acte III, vibrante et contrastée, est l’un des sommets de la soirée.

Rappelons que la Scala proposera deux Ring complets en mars 2026, le premier sous la baguette d’Alexander Soddy et le second sous celle de Simone Young.

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Opéra en trois actes, 2e journée du Ring des Nibelungen, livret et musique de Richard Wagner (1813-1883), créé le 16 août 1876 à Bayreuth (Bayreuther Festspiele)

Détails

Mise en scène
David Mc Vicar
Décors
David Mc Vicar & Hannah Postlethwaite
Costumes
Emma Kingsbury
Vidéo
Katy Tucker
Lumières
David Finn
Arts martiaux et arts du cirque
David Greeeves
Chorégraphie
Gareth Mole

Siegfried
Klaus Florian Vogt
Brünnhilde
Camilla Nylund
Mime
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Der Wanderer
Michael Volle
Alberich
Ólafur Sigurdarson
Fafner
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Erda
Anna Kissjudit
Stimme des Waldvogels
Francesca Aspromonte

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Milan, Teatro alla Scala, lundi 16 juin 2025, 18h

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