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5 questions à Marie Devellereau

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Interview
11 juin 2003

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Vous sortez d’un projet « Victor Hugo » avec le pianiste Philippe Cassard, projet qui vous a fait tourner dans le monde entier, comment fut cette expérience ?

J’aime beaucoup associer un poète à un récital de mélodie ; en outre, ce projet autour de Victor Hugo aura permis plusieurs choses :
– exporter la mélodie française sur des horizons lointains (j’ai eu un coup de foudre pour Shanghaï, j’ai découvert la Chine sous un aspect unique; c’est un beau souvenir !) On ne m’a pas beaucoup vue en France, mais j’étais heureuse de présenter un petit échantillon de notre culture à un public qui n’y avait pas accès.
– découvrir des « perles » : Charles Marie Widor a écrit de très belles mélodies sur des textes de Victor Hugo (je les ai découvertes après le disque, mais j’ai pu les chanter en récital et en savourer la beauté)
– c’ est la première fois que je chante autant de fois un même programme ! Je ne m’en suis jamais lassée, car je réinventais à chaque fois ;

Votre première Sophie (Rosenkavalier) s’est passée dans des conditions un peu spéciales! Voulez vous en parler?

J’ai eu beaucoup de chance que la direction de l’Opéra Bastille m’offre cette opportunité, et aujourd’hui encore, je les remercie ; c’est toujours un cadeau de chanter dans cette maison, car les outils de travail atteignent l’excellence, mais en fait, le rêve s’est un peu assombri… C’était une double distribution et Patricia Ciofi et moi-même chantions Sophie pour la première fois ; c’était une reprise, et le planning des répétitions n’était pas aussi long que pour une nouvelle production ; Patricia ayant 6 représentations et moi 2 ( dont une, ironie du sort, n’a pas eu lieu à cause d’une grève ….), elle avait la priorité ! J’avais eu une musicale au piano avec James Conlon qui s’est très bien passée (je me souviens de cette remarque d’Angelika Kirchlager :  » My God, you are so solid ! Have you sung this before ? « , et James de sourire en disant  » She’d better be solid ! ! ! « ), mais finalement James a eu un contre temps et c’est Leopold Hager qui a dirigé ! J’ai donc chanté ma première Sophie sans répéter avec l’orchestre, sans faire de filage sur scène avec mes partenaires et en costume, avec un nouveau chef …! J’ai assisté à toutes les répétitions, mais regarder et faire, ce n’est pas le même programme ! Enfin, c’était comme si je remplaçais à la dernière minute, ce qui est possible ( beaucoup de chanteurs l’ont déjà fait ), mais plus difficile ! Mes partenaires ont été merveilleux avec moi, toute l’équipe aussi, mais vous savez, on est toujours seule face à son rôle ! Enfin, c’était une mise en jambe (dommage qu’elle fût si exposée !), et j’espère que j’aurai une autre occasion de chanter cette partition dans des conditions plus sereines.

On vous entendra l’année prochaine dans des grandes maisons comme l’Opéra de Rome ou le Grand Théâtre de Genève mais curieusement, en France, vous vous faites plus discrète ?

Je pense avoir donné une mauvaise image de moi, ce qui aura un peu ébranlé la confiance des organisateurs et programmateurs de concert en France…. J’ai involontairement commis des maladresses, car je vivais des moments difficiles sur le plan affectif, j’ai été mal conseillée et mal entourée, je ne pouvais pas assumer toutes les responsabilités qui accompagnent ce métier tellement exigeant ! J’ai entendu beaucoup de choses à mon sujet… la vérité, c’est que je suis une femme sensible ; oui, j’ai de la personnalité, mais elle m’a toujours aidé à aller de l’avant, à me remettre en question, à travailler d’arrache pied ! Si j’ai pu dire ou faire quoique ce soit qui ait pu blesser, cela n’ était pas mon intention ; j’étais simplement vulnérable, mal dans ma peau, et terriblement angoissée, et je pensais que ça ne se verrait pas (erreur et illusion de jeunesse !) Cette épreuve m’a adoucie, et m’a fait réaliser combien j’avais de la chance de faire le plus beau métier du monde ; Madame Berbié m’a remis sur pied vocalement, et j’ai fait une thérapie pour me débarrasser de mes vieux démons ! J’aime profondément mon pays, j’y suis très attachée, et je serai heureuse d’y chanter le plus souvent possible !

Vous commencez une nouvelle collaboration avec le pianiste Cédric Tiberghien, comment cela se passe-t-il ?

C’est toujours excitant de faire de nouvelles rencontres, et celle avec Cédric ne fait pas exception! C’est un pianiste plein de talent, agréable dans le travail, et qui a la musique chevillé au corps, ce que je trouve irrésistible en tant que chanteuse ! Cela dit, je suis musicienne avant tout (le chant n’est qu’un vecteur), et Cédric et moi parlons par conséquent la  » même langue  » ! Nous avons les mêmes affinités en ce qui concerne le répertoire, ce qui est un plus pour les récitals ( je me souviens lui avoir timidement demandé s’il aimait les 7 Frühe Lieder de Berg, les lieder de Strauss, la mélodie française……la réponse a été plus qu’enthousiaste !) De plus, nous avons le même âge, je crois, ce qui est un point commun de plus !

Quels sont les grands rôles que vous rêvez d’aborder ?

Un grand rôle pour moi est celui qui me va le mieux vocalement, physiquement et qui me parle sur le plan dramatique ! J’aimerais user et abuser de la Sophie du Chevalier ainsi que de Susanna des Noces de Figaro, mais il y a tellement d’autres rôles que j’aimerais inscrire à mon répertoire ; Chez Mozart, Pamina de la Flûte Enchantée, Despina de Cosi que j’adoooooore, et pourquoi pas à long terme, une Fiordilidgi ; J’aime aussi Verdi et sa magie (Oscar du Bal Masqué, Nanetta de Falstaff et je rêve de Gilda dans Rigoletto) ;Il y aussi des perles dans le répertoire français du 19ème siècle (je garde un souvenir ébloui d’Orphée aux Enfers avec Marc Minkowski, un immense chef d’orchestre avec lequel j’adorerais retravailler ; il m’a fait l’honneur de me proposer un rôle immense dans un lieu mythique, mais je ne me suis pas sentie à la hauteur de la tâche ; j’espère qu’il ne m’en tiendra pas rigueur…J’ai trop de respect pour la musique pour ne pas la servir comme elle le mérite ; une fois dans ma vie, j’ai accepté un rôle au dessus de mes moyens ( j’avais 26 ans, et j’en tremble encore…) et je veux dorénavant m’épargner ce genre d’aventures !

Hélène Mante
 

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