Forum Opéra

Gelosia ! Philippe Jaroussky

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CD
2 novembre 2025
Cinq façons d’être jaloux

Note ForumOpera.com

3

Détails

Cinq cantates italiennes :

« Ombre tacite e sole » d’Alessandro Scarlatti (1660-1725)
« Cessate, omai cessate », RV 684, d’Antonio Vivaldi (1676-1741)
« Perdono, amata Nice » (La Gelosia), s88b, de Nicola Porpora (1686-1768)
« Mi palpita il cor », HWV132c, de Georg Frideric Haendel (1685-1759)
« Perdono, amata Nice » (La Gelosia) de Baldassare Galuppi (1706-1785)

Philippe Jaroussky, contre-ténor et direction

Artaserse

1 CD Erato 5054197998713, enregistré en 2025, durée : 1h 11, brochure de 35 pages en anglais, italien, français et allemand

Les cantates du XVIII° n’encombrent pas la vaste discographie de notre contre-ténor national : alors que Philippe Jaroussky vient de fêter ses vingt-cinq ans de carrière, il était temps qu’il leur consacre tout un disque, mettant à l’épreuve ses talents de chanteur, de diseur et, désormais, de chef. Mais comment rallier à la fois ses fidèles, qui lui réclament sans cesse de nouvelles exhumations, et un public plus large, qui préfère l’entendre dans les « tubes » ? En mariant les deux, pardi. On trouvera donc ici deux pages très fréquentées, une qui l’est un peu moins et deux redécouvertes.

Passons vite sur « Cessate, omai cessate » de Vivaldi, cantate dans laquelle nous avons toujours préféré une voix féminine et qui a été trop rabâchée (encore tout récemment, le jeune Hugh Cutting s’y faisait les dents). La voix de Jaroussky, surtout aujourd’hui, manque décidément de « chair » pour cette musique, surtout dans le grave (fabriqué), et sa direction, qui appuie excessivement les coups de boutoir des cordes, n’y est pas sans raideur. Ces deux défauts se retrouvant tout au long du programme, on se gardera d’y insister. En compensation, on goûte une ligne superbement construite, à l’élégance naturelle : écoutez la transition entre les deux dernières parties du premier air…

Le caractère assez graphique de ce chant convient mieux à « Mi palpita il cor », partition dont il existe quatre versions différentes, pour divers registres, et dans laquelle, là encore, le témoignage des dames (Emma Kirkby, surtout) nous a plus souvent séduit que celui des messieurs. Jaroussky y fait valoir son art du texte et des nuances et y bénéficie du soutien d’une flûte solo des plus chaleureuses, au phrasé épanoui : celle du remarquable Serge Saïtta, l’un des piliers des Arts Florissants.

On retrouve dans « Ombre tacite e sole » de Scarlatti l’intelligence du mot, du vers, de la « période », qui a toujours constitué le point fort de Jaroussky. Mais il se heurte ici à une référence à nos oreilles indépassable : celle de David Daniels, qui, dans la fleur de la trentaine, y déployait une voix d’une densité, d’une fraîcheur et d’un lyrisme renversants (Conifer, 1998). Ajoutons que l’ensemble Artaserse s’y montre inférieur à l’Arcadian Academy de Nicholas McGegan: si les violons imitent avec brio les hurlements des bêtes dans le fantastique récit initial, le théorbe s’y montre envahissant et la sicilienne finale manque de légèreté.

C’est donc dans les inédits que se concentre l’intérêt de l’enregistrement. Il s’agit de deux des nombreuses mises en musique d’une cantate de Métastase, La Gelosia : à la plus célèbre mouture, celle de Hasse, (notamment gravée par Valer Sabadus, Oehms, 2011), Jaroussky a préféré celles de Porpora et de Galuppi – dont la comparaison s’avère passionnante.

Porpora, en 1746, donne dans le « grand style » : il débute par une sinfonia théâtrale et conclut sur une redoutable aria martiale qui n’aurait pas déparé le plus fastueux des opéras sérias. Entre les deux, il développe l’un de ces lamentos planants et chantournés dont il a le secret, où la voix séraphique de Jaroussky se marie au sublime violon solo de Raùl Orellana.

En 1782, Galuppi tourne le dos à ces torrents d’affects avec une partition qui fait son miel de l’ironie métastasienne : ici non plus, pas de récitatif « sec », mais des scènes gorgées d’esprit – le second accompagnato, un chef-d’oeuvre, flatte l’intelligence interprétative du chanteur – et deux airs au délicieux climat primesautier, pourtant non dépourvus de chausse-trappes. Les musiciens savent en tirer le suc (prêtez attention au bariolage des cordes, dans le second air) et l’on admire la finesse avec laquelle contre-ténor et violoniste changent de caractère en changeant d’époque. Dommage que tout le disque ne soit pas à la hauteur de ces quatre dernières plages…

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gelosia

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❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

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Cinq cantates italiennes :

« Ombre tacite e sole » d’Alessandro Scarlatti (1660-1725)
« Cessate, omai cessate », RV 684, d’Antonio Vivaldi (1676-1741)
« Perdono, amata Nice » (La Gelosia), s88b, de Nicola Porpora (1686-1768)
« Mi palpita il cor », HWV132c, de Georg Frideric Haendel (1685-1759)
« Perdono, amata Nice » (La Gelosia) de Baldassare Galuppi (1706-1785)

Philippe Jaroussky, contre-ténor et direction

Artaserse

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