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Cinq questions à Samuel Hasselhorn

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Interview
22 octobre 2020
Cinq questions à Samuel Hasselhorn

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Le récital que le jeune baryton allemand et son pianiste, Joseph Middleton, consacrent aux Lieder de Schumann chez Harmonia Mundi confirme un talent exceptionnel : le sens du texte, la plasticité vocale, la beauté intrinsèque du timbre et l’humilité de l’interprète lui confèrent d’emblée le premier rang dans sa génération. Tannhaüser à Rouen aurait été l’occasion de l’entendre sur scène dans un rôle qui assurément deviendra pour lui fétiche. La pandémie, hélas, a remis cette découverte à plus tard.

> Lire ici la critique du CD de Samuel Hasselhorn


 

Choisir Schumann pour ce premier disque est un pari car il explore toutes les possibilités vocales et toutes les émotions de ses interprètes. Il semble que vous ayez une affinité profonde avec lui. Est-ce un compositeur que vous pratiquez depuis longtemps ? Qu’est-ce qui vous rapproche de lui ?

Il est vrai que les Lieder de Schumann ne sont pas faciles à chanter – l’ambitus vocal requis est souvent très large et la manière romantique de faire la musique de Schumann est clairement différente de celle, par exemple, des Lieder de Schubert. Les Dichterliebe furent en fait le premier grand cycle que j’aie appris et aimé. Winterreise ou die Schöne Müllerin de Schubert sont venus beaucoup plus tard. Le langage musical de Schumann et sa façon d’aborder ses textes (en particulier ceux de Heinrich Heine) me conviennent très bien et sont proches de mon tempérament. Ma façon de ressentir les choses correspond exactement à celle dont Schumann les a mises en musique, et c’est pourquoi je me sens très proche de ses Lieder. À mon avis, Schumann réussit à exprimer pleinement son interprétation des textes dans sa musique – mais sans l’imposer à l’auditeur.

Quels sont les Lieder avec lesquels vous vous sentez particulièrement en consonance ?

Le texte, dans le genre du Lied, est fondamentalement encore plus important que la musique. Vient d’abord le poème, puis la musique arrive. Et ensemble, ils aboutissent à cette merveilleuse forme artistique qu’est le Lied. Je peux réellement me fasciner pour ces textes et ce que Schumann en a fait est incroyable ! Les ballades comme Belshazzar ou Les Deux Grenadiers sont tout simplement imbattables ! La façon ici dont la musique – déjà presque comme une musique de film – reflète le texte n’existe pratiquement dans aucun autre Lied. Les Deux Grenadiers, par exemple, m’occupent depuis plus de 14 ans : j’ai chanté ce Lied dans un concours quand j’avais 16 ans, je l’ai interprété à l’examen oral du baccalauréat, puis je l’ai approfondi pendant mes études quand on me l’a donné comme devoir à la maison, et plus tard je l’ai même joué lors d’un examen de piano et depuis lors n’ai cessé de le chanter lors de concours et de concerts. À 16 ans, l’interprétation était très différente – mais c’est précisément ce qui rend le métier de musicien si excitant.

A aucun moment on ne sent que votre art est imité d’un grand prédécesseur. Tout est extrêmement personnel. Comment parvient-on à cette singularité dans des cycles tellement chantés par de grands modèles ?

Je suis vraiment très heureux que vous le voyiez de cette manière ! Chaque voix sonne différemment et a sa propre couleur, son propre timbre – mais c’est seulement quand un chanteur est complètement détaché des autres interprétations et enregistrements, et qu’il exprime ce qu’il veut avec sa propre voix qu’il devient réellement un chanteur, et un artiste. On passe pour cela par tous les états – parfois cette recherche prend beaucoup de temps, parfois moins – cela dépend du répertoire, de sa propre capacité technique, mais parfois aussi simplement de la forme du jour.

Je pense que si, en tant qu’artistes, nous nous concentrons à nouveau pleinement sur les bases (c’est-à-dire le texte et la musique), maîtrisons au mieux notre artisanat et laissons de côté toutes les vanités personnelles pour nous concentrer sur la chose même, alors on peut repousser aussi loin que possible ses limites et ses possibilités, et réaliser de grandes choses. 

Vous êtes très jeune et vous vous inscrivez dans la grande tradition des barytons allemands qui excellent au Lied, mais le public n’a-t-il pas changé ces dernières années ? Qu’apporte ce répertoire à un public d’aujourd’hui ?

Malheureusement, le Lied n’est plus tellement « in » ces jours-ci ou bien on entend qu’il «ne se vend pas très bien ». En réalité, le Lied est encore très actuel et contient – deux cents ans plus tard – exactement ce qui nous préoccupe encore aujourd’hui. Il y a des Lieder qui parlent d’amour, de mort et de douleur ainsi que des Lieder sur la haine, le racisme et la terreur. Il est très important pour moi non seulement de montrer à quel point ce répertoire est actuel, mais aussi à quel point il peut nous apporter, nous orienter et même nous aider en tant qu’êtres humains.

Je crois aussi que nous avons tendance à être un peu dépassés par cette forme d’art. Saisir le texte et la musique en si peu de temps n’est pas facile. La plupart du temps, les Lieder ne durent que 3 à 4 minutes et sont pourtant remplis d’informations. Cela requiert vraiment la concentration du public et aujourd’hui nous préférons le divertissement et le saupoudrage au fait d’avoir à « travailler » lors d’un récital de Lieder. L’opéra a cet avantage qu’il ne donne pas seulement à entendre mais aussi à voir – avec le Lied, tout est beaucoup plus petit, plus intime, moins spectaculaire. À mon avis, essayer de combiner des Lieder avec d’autres formes d’art n’est pas la voie à suivre – cela ne ferait qu’ôter à ce qui constitue cet art, à savoir les paroles et la musique. Je pense également qu’il n’est pas nécessaire de le moderniser car il est intemporel. Vous pouvez essayer de changer quelque chose dans le style de présentation afin de capter le public là où il se trouve et éviter qu’il ne soit débordé. Vous pouvez résoudre ce problème en multipliant entre les blocs de Lieder de petites pauses pendant lesquelles le public pourrait échanger, ou en proposant des introductions au cours desquelles vous parlez de ce répertoire, par exemple. Mais l’art doit rester exactement tel qu’il est – c’est ainsi qu’il a le plus à offrir au public.

On est frappé par votre entente avec votre pianiste. Comment travaillez-vous avec lui ?

J’ai rencontré Joseph Middleton au Concours Reine Elisabeth à Bruxelles 2018, où il m’a été attribué en tant que pianiste du concours. Nous nous sommes très bien entendus dès le début, non seulement musicalement mais aussi sur le plan personnel ! Avec lui, j’ai toujours eu une « expérience de concert » et non une « expérience de concours », ce qui est bien plus agréable pour nous musiciens. J’aime aussi travailler avec des pianistes de Lieder plus expérimentés tels que Helmut Deutsch, Malcolm Martineau ou Graham Johnson – mais j’espère pouvoir travailler avec Joseph tout au long ma carrière de chanteur et marquer notre temps de notre empreinte. Pour moi, nous avons là le mélange parfait entre une grande expérience et une approche rajeunie grâce auquel nous pouvons simplement nous adonner à la musique.

La pandémie a mis un coup d’arrêt à votre Wolfram à Rouen. Comment vivez-vous cette période ?

L’annulation de notre production de Tannhäuser à Rouen à la dernière minute a été un coup incroyablement difficile et triste pour toutes les personnes impliquées. L’opéra et ses collaborateurs ne sont en aucun cas à blâmer – cela démontre simplement que les grands projets d’opéra nécessitent des mesures de sécurité bien plus importantes que n’importe quel autre domaine de la vie quotidienne. J’espère vraiment pouvoir bientôt rattraper mes débuts dans Wolfram – où que ce soit. Le rôle me convient vraiment bien et j’adore le personnage ! Cette période difficile nous affecte tous – certains plus, d’autres moins. Bien sûr, en tant que père de famille, où vous avez une responsabilité financière envers votre propre famille, ce n’est pas facile – mais l’espoir meurt en dernier.

 

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