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Elīna Garanča – Paris (Garnier)

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Spectacle
22 mai 2025
Profondeurs de l’âme lettone

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Jāzeps Mediņš (1877-1947) : Sapņojums (Rêverie)

Alfrēds Kalniņš (1879-1951) : Līst klusi (Il pleut doucement) ; Sapņu tālumā (Dans le lointain des rêves)

Jānis Mediņš (1890-1966) : Nocturno (Nocturne) ; Tā ietu (J’irais) ; Ak, jūs atmiņas (Oh, souvenirs)

Jāzeps Vītols (1863-1948) : Sapņu tālumā (Dans le lointain des rêves) ; Aizver actiņas (Ferme les yeux et souris) ; Man prātā stāv vēl klusā nakts (Je me souviens encore de cette nuit silencieuse) ; Berceuse op. 8 pour piano seul

Richard Strauss (1864-1949) : Zueignung (Dédicace) ; Winternacht (Nuit d’hiver) ; Schön sind, doch kalt die Himmelssterne (Les étoiles du ciel sont belles, mais froides) ; Wie sollten wir geheim sie halten (Comment pourrions-nous tenir secrètes) ; Allerseelen (Jour des mots) ;  Heimliche Aufforderung (Invitation secrète) ; Befreit (Libérée)

Henri Duparc (1848-1933) : Au pays où se fait la guerre ; L’Invitation au voyage ; Extase ; Romance de Mignon ; Phidylé

Claude Debussy (1862-1918) : Clair de lune, 3e mvt de la Suite bergamasque pour piano seul

Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Nié ver mnié, droug (Ne me crois pas, mon ami) ; Outro (Matin) ; Son (Rêve) ; O, nié grousti (Oh, ne sois pas triste) ; Oni otvétchali (Elles répondirent) ; V moltchanii notchi taïnoï (Longtemps, dans le silence de la nuit) ; Vesennié vody (Torrents printaniers)

Bis

Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Nié poï, krasavitsa (Ma belle, ne chante pas)

Francesco Cilea (1866-1950) : Ecco, respiro appena… Io son l’umile ancella, Adriana Lecouvreur

Georges Bizet (1838-1875) : L’amour est un oiseau rebelle, Carmen

 

Elīna Garanča, mezzo-soprano

Malcolm Martineau, piano

Opéra national de Paris, Palais Garnier, lundi 19 mai 2025, 20h

Il est vrai qu’il faut savoir se faire désirer. Elīna Garanča est restée éloignée des scènes parisiennes dernièrement, et le public, semble-t-il, n’y tenait plus. C’est une salle archi-comble et déjà conquise qui a accueilli la mezzo lettone lors de son arrivée sur scène, toute nimbée de la grâce impénétrable et hollywoodienne qu’on lui connaît.

Le récital, assez fourni, est composé de quatre parties : les chansons lettones, les Lieder straussiens, les mélodies de Duparc et les romances de Rachmaninov. Hormis pour la section française, le programme est le même qu’à Aix en juillet 2024, d’où la grande liberté d’interprétation qui marque toute la soirée. La familiarité avec le répertoire et la complicité avec l’excellent Malcolm Martineau portent Elīna Garanča, qui semble pouvoir faire ce qu’elle veut. La voix, pourtant, apparaît un peu en dessous de sa forme idéale : on entend, ponctuellement mais régulièrement, de petites gênes dans l’émission et des sons voilés. Mais la très grande chanteuse qu’est incontestablement Elīna Garanča n’en parvient pas moins à livrer une prestation remarquable et magnétique, jusqu’aux dernières pièces où elle se plaît à filer des notes dans le registre le plus aigu de sa voix.

La première section est l’occasion de découvrir des mélodies lettones méconnues. Sans constituer un grand choc esthétique, les chansons des frères Mediņš, de Kalniņš et de Vītols donnent à entendre la très belle langue natale de la mezzo et sont une occasion pour elle de donner le ton : malgré quelques éléments de simplicité folklorique (Sapņu tālumā), c’est le drame qui domine d’emblée, à pleine voix mais aussi a mezza voce, dans le déluge de son irisé que produit la chanteuse. Les pièces sont majoritairement teintées d’une mélancolie slave où l’amour est d’autant plus intense qu’il est passé. Avec quelques mouvements des bras et de la tête, Elīna Garanča construit une interprétation à la hauteur du drame nostalgique qu’elle chante.

Les Lieder de Strauss, vocalement redoutables, sont affrontés avec passion et précision, même si ce soir leur interprétation est un peu trop emphatique à notre goût ; surtout, leur exigence semble laisser des traces sur la voix de la mezzo, pâtissant de la légère méforme déjà évoquée.

© Vincent Beaume

Après l’entracte, la section française offre de très beaux moments, toujours très dramatiques, comme un « Au pays où se fait la guerre » que n’aurait pas renié Eboli. Le français est néanmoins perfectible, ce qui est inhabituel (comme le confirme le français impeccable de l’air de Bizet interprété en bis).

Le sommet de la soirée est atteint dans la dernière section du récital, lorsque la voix est mieux domptée, que la soprano a assis cette présence charismatique qui subjugue son public et que surgit la conjonction d’un répertoire peu connu du public mais parfaitement maîtrisé par l’interprète, d’un compositeur génial et d’une langue qui va à la Lettone comme une seconde peau (rappelons que Riga abrite une communauté russophone importante). Les romances de Rachmaninov font faire des merveilles à cette interprète qui chante le Lied comme d’autres chantent Verdi. Le piano de Malcolm Martineau prend aussi toute son ampleur et tout son sens, offrant, pour la première fois peut-être de la soirée, un vrai dialogue.

C’est logiquement à Rachmaninov qu’Elīna Garanča emprunte son premier bis, « Nié poï, krasavitsa » (« Ma belle, ne me chante pas »), sur un poème de Pouchkine, l’un de ses favoris, qu’elle dit avoir gardé pour la fin en raison de l’atmosphère qu’il crée. Alors qu’on ne pensait pas cela possible, Elīna Garanča atteint ici une liberté encore plus grande, une emphase encore plus sincère, des couleurs encore plus chatoyantes. Sous l’insistance du public parisien, la soprano se tourne vers le répertoire opératique pour ses deux derniers bis : une surprenante mais délicieuse version de l’air d’Adriana Lecouvreur « Ecco, respiro appena… Io son l’umile ancella » (avec un splendide messa di voce) et une habanera de Carmen dont on assume d’écrire qu’elle est parfaite : souple, libre, enchanteresse, cabotine, sensuelle mais pas vulgaire. Là est toute la force de cette soirée ravissante et paradoxale : en Carmen, Elīna Garanča affiche le degré suffisant de retenue qu’exige le jeu délicat de l’érotisme, offrant un dernier numéro finalement bien moins lyrique que certaines de ses mélodies, où le drame était réintroduit par un déluge de moyens, contre une conception plus précieuse de la poésie.

Saluons pour terminer Malcolm Martineau, pianiste au charisme inhabituel et fin connaisseur de l’art de l’accompagnement. Passons outre ses deux pièces en soliste (une berceuse lettone bien exécutée et un « Clair de Lune » qui manquait d’allant à notre goût) ; il forme avec Elīna Garanča un duo enthousiasmant et efficace, et il lui offre, par son instinct et par sa subtilité, un soutien constant qui est pour beaucoup dans la réussite de cette soirée.

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Jāzeps Mediņš (1877-1947) : Sapņojums (Rêverie)

Alfrēds Kalniņš (1879-1951) : Līst klusi (Il pleut doucement) ; Sapņu tālumā (Dans le lointain des rêves)

Jānis Mediņš (1890-1966) : Nocturno (Nocturne) ; Tā ietu (J’irais) ; Ak, jūs atmiņas (Oh, souvenirs)

Jāzeps Vītols (1863-1948) : Sapņu tālumā (Dans le lointain des rêves) ; Aizver actiņas (Ferme les yeux et souris) ; Man prātā stāv vēl klusā nakts (Je me souviens encore de cette nuit silencieuse) ; Berceuse op. 8 pour piano seul

Richard Strauss (1864-1949) : Zueignung (Dédicace) ; Winternacht (Nuit d’hiver) ; Schön sind, doch kalt die Himmelssterne (Les étoiles du ciel sont belles, mais froides) ; Wie sollten wir geheim sie halten (Comment pourrions-nous tenir secrètes) ; Allerseelen (Jour des mots) ;  Heimliche Aufforderung (Invitation secrète) ; Befreit (Libérée)

Henri Duparc (1848-1933) : Au pays où se fait la guerre ; L’Invitation au voyage ; Extase ; Romance de Mignon ; Phidylé

Claude Debussy (1862-1918) : Clair de lune, 3e mvt de la Suite bergamasque pour piano seul

Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Nié ver mnié, droug (Ne me crois pas, mon ami) ; Outro (Matin) ; Son (Rêve) ; O, nié grousti (Oh, ne sois pas triste) ; Oni otvétchali (Elles répondirent) ; V moltchanii notchi taïnoï (Longtemps, dans le silence de la nuit) ; Vesennié vody (Torrents printaniers)

Bis

Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Nié poï, krasavitsa (Ma belle, ne chante pas)

Francesco Cilea (1866-1950) : Ecco, respiro appena… Io son l’umile ancella, Adriana Lecouvreur

Georges Bizet (1838-1875) : L’amour est un oiseau rebelle, Carmen

 

Elīna Garanča, mezzo-soprano

Malcolm Martineau, piano

Opéra national de Paris, Palais Garnier, lundi 19 mai 2025, 20h

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