Associées à la Cité de la Voix pour la troisième année consécutive, les Métaboles clôturent avec panache cette édition 2025 avec deux ambitieux concerts : avant l’incontournable Requiem de Mozart, c’est Another Look at Harmony Part IV de Philip Glass qui embrase la basilique bourguignonne.
Soucieux de faire résonner musique ancienne et contemporaine, Léo Warynski enrichit le Requiem d’une somptueuse version de Mnémosyne de Philippe Hersant – crée l’an passé à Saintes. De même, ici, le Canone a 16 all’unisono d’Andrea Basily constitue un contrepoint historique de qualité à la pièce de Philip Glass. Entrant et sortant de scène, les chanteurs nous immergent dans un bain sonore à la polyphonie infinie qui prépare l’oreille à l’univers assonant qui suit.
Léo Warynski connaît fort bien la musique du chantre du minimalisme puisqu’il a dirigé Einstein on the Beach au Teatro Colón de Buenos Aires et Akhnaten à l’Opéra de Nice dans la mise en scène de Lucinda Childs. Une équipe qu’il retrouvera dès la rentrée pour Satyagraha.
Il était donc logique qu’il souhaite nourrir la représentation d’Another Look d’une dimension visuelle, d’autant plus que le titre même de l’œuvre invite à garder les yeux grands ouverts. Cette mise en espace n’a rien d’accessoire et s’avère une totale réussite :
Vêtus de longues robes-manteaux noirs en tie and dye imaginés par Camille Pénager, les chanteurs semblent autant de serviteurs d’un culte mystérieux et immémorial. Longs cheveux lâchés dissimulant entièrement leurs visages lorsqu’elle ne chantent pas, mezzos et altos se font pythonisses au service de Chronos.
La scénographie imaginée par Céline Diez et Clément Debailleul fonctionne particulièrement bien dans la nef si haute de la basilique. Les vidéos projetées sur trois grands disques superposés qui surplombent les chanteurs constituent un remarquable support à l’imaginaire. Le cheminement coloré, organique, à la limite de l’abstraction, évoque tour à tour une trinité contemporaine, les quatre éléments, une matière impalpable et ondulatoire – cellule microscopique ou voix lactée – qui ne pollue pas le moins du monde l’écoute mais au contraire semble en amplifier l’effet hypnotique. Comme le souligne le chef, cette « partition visuelle transpose les principes de composition dans le champ du regard ».
Un singulier envoûtement saisi le spectateur à la découverte d’une pièce qui, à tout juste cinquante ans, précède immédiatement Einstein on the Beach.
Denis Comtet, impavide, sert superbement ce répertoire finalement assez réduit d’œuvres profanes pour chœur et orgue.
Sa maîtrise rythmique souligne la stabilité et les qualités percussives des chanteurs. Dans ces boucles répétitives, c’est la rythmique qui modifie l’harmonie. Ici, la fluidité des décalages quasi imperceptibles, concourt à un puissant ressenti océanique.
Autant la justesse de l’ensemble nous avait posé question en début d’été dans le Boléro de Maurice Ravel au festival d’Evian, autant ici, elle est indiscutable. Le chœur conserve présence et intention en dépit de l’enchaînement des séquences. L’exigence du travail accompli force le respect.
Philip Glass laissant beaucoup de liberté à ses interprètes dans le jeu des nuances, peut-être aurait-il été enivrant de plus en user. Ceci dit, l’homogénéité du son, la précision dans les couleurs des phonèmes, la densité de la pâte sonore soulignent les subtils dérèglements qui font de ces cinquante minutes un temps de transe suspendue.
Notre consœur Christine Ducq, avait beaucoup apprécié le Cd sorti ce printemps chez b.records. Le spectacle, crée le 15 mai dernier à la Filature de Mulhouse, sera repris à la Philharmonie de Paris les 18 et 19 septembre prochain et en version concertante au festival de la Chaise-Dieu dès le 29 août.
Les rencontres Musicales et les Métaboles renouvelant leur compagnonnage pour trois années supplémentaires, les festivaliers retrouveront l’Ensemble l’an prochain.