Forum Opéra

ROSSINI, Semiramide – Paris (TCE)

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
19 juin 2025
Chanteurs cherchent orchestre

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Melodramma tragico en deux actes (Venise, 1823)
Musique de Gioachino Rossini
Livret de Gaetano Rossi d’après Sémiramis de Voltaire

Détails

Sémiramide
Karine Deshayes
Arsace
Franco Fagioli
Assur
Giorgi Manoshvili
Idreno
Alasdair Kent
Azema
Natalie Pérez
Oroe
Grigory Shkarupa

Mitrane
Jérémy Florent

Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen
Chœur accentus / Opéra de Rouen Normandie
Direction musicale
Valentina Peleggi

Théâtre des Champs-Élysées, Paris, le mardi 17 juin 2025, 19h30

L’atmosphère était fébrile et enthousiaste ce mardi 17 juin 2025 au Théâtre des Champs-Élysées où était donnée Semiramide en version de concert, après une semaine de représentations mises en scène à l’Opéra de Rouen. L’attrait de la soirée consistait évidemment en la présence conjointe de Karine Deshayes et Franco Fagioli, tous deux respectivement titulaires des rôles de Semiramide et d’Arsace depuis la production de Nicola Raab de 20172018 mais qui ne les avaient, jusqu’à la semaine dernière à Rouen, jamais interprétés face à face. Probablement l’opera seria le plus joué de Rossini, sa rareté dans les théâtres parisiens – la dernière programmation parisienne de l’œuvre remonte à 2014 – rendait également l’impatience du public légitime.

Commençons alors par évacuer le grand regret de cette soirée. Les subtilités et la grâce ineffable de ce magnus opus rossinien échappent à peu près complètement à un Orchestre Normandie Rouen lourd et peu inspiré, dont les cuivres, quand ils ne commettent pas quelques couacs, semblent persuadés que Rossini veut dire fanfare municipale. Valentina Peleggi a pourtant la qualité indéniable d’être fort attentive aux chanteurs, et elle parvient à ménager quelques beaux moments d’émotion dans les airs et duos les plus intimistes. Mais elle ne semble pas envisager de conduire les ensembles, fabuleux pourtant dans Semiramide, autrement que vers « l’éternel et puéril crescendo » que Berlioz associait à Rossini avec une mauvaise foi qu’il avouait lui-même et dont la Rossini Renaissance a, ses quarante dernières années, démontré le caractère caricatural et inapproprié. Côté orchestral, le rendez-vous est donc tout à fait manqué.

Côté voix, heureusement, la situation est bien différente. Parmi des rôles secondaires dont pas un ne démérite, l’Oroe de Grigory Shkarupa se fait remarquer par une voix de stentor, impeccable d’autorité dans ce rôle de grand prêtre vengeur. On signalera tout de même les désavantages d’une si large voix : les deux premiers ensembles de l’acte I, le trio Idreno/Oroe/Assur et le « Di tanti regi, e popoli », sont complètement déséquilibrés par Shkarupa et Giorgio Manoshvili, sur lequel nous reviendrons dans un instant, qui à eux deux couvrent le reste de la distribution, poussés en cela par un orchestre fortissimo hors de propos. Qu’un tel problème d’acoustique n’ait pas été réglé en plus d’une semaine de représentations et pendant les répétitions dit tout de l’amour immodéré du gros son qui semble avoir présidé à l’élaboration de cette production. Passons. L’Idreno d’Alasdair Kent ne peut, lui, se voir faire de semblables reproches. C’est en effet une voix assez fine, un peu fluette qu’il prête à l’amoureux transi et assez ridicule de la princesse Azema. Après un début marqué par un trac palpable, il offre une interprétation un peu effacée mais somme toute fort honnête, culminant en un « La speranza più soave » à la ligne élégante quoique aux suraigus extrapolés un peu trop nombreux. Passé par l’Accademia Rossiniana de Pesaro, Giorgio Manoshvili met au service du violent Assur une voix de basse au timbre somptueux, homogène sur toute la tessiture, une vraie connaissance de la grammaire rossinienne et une présence scénique remarquable. Marmoréen, il sait trouver des accents plus humains et touchants dans le legato plaintif de « Deh ti ferma… ti placa… perdona », troublante scène de folie passagère à l’acte II.

Karine Deshayes (Semiramide) et Franco Fagioli (Arsace) à l’Opéra de Rouen Normandie le 5 juin 2025 © Caroline Doutre.

Dans le duo de tête, Franco Fagioli et Karine Deshayes sont à la hauteur de toutes les attentes placées en eux. Le choix d’un contre-ténor pour un rôle de contralto rossinien est toujours discutable et, sur un pur plan d’histoire de l’interprétation, difficilement défendable. Mais quand c’est un artiste du calibre de Fagioli, il est difficile de bouder son plaisir et de camper sur des positions puristes. La personnalité irrésistible de l’artiste, l’agilité dans la vocalise, l’extension de la voix depuis un aigu toujours aussi ébouriffant jusqu’à un grave poitriné qui prend parfois des allures de Marilyn Horne, au prix certes d’une grande hétérogénéité des registres, ces qualités balaient tout sur leur passage. Ajoutons-y le sens de la ligne de Fagioli, la manière dont il déroule avec une sensibilité désarmante la plainte « In sì barbara sciagura » au deuxième acte, culminant en quelques aigus pianissimo, tenus dans le silence d’une salle captivée, et l’on ne peut que s’incliner devant cet Arsace. Face à lui, Karine Deshayes est une Semiramide de haute volée. Le timbre mordoré et chaud brille d’un bel éclat, les récitatifs sont autoritaires, la vocalise crâne et assurée, l’aigu facile. L’actrice est consommée et campe une souveraine altière, dont elle laisse entrevoir les failles dans la terreur touchante de son duo avec Assur, puis dans le superbe « Giorno d’orrore ». Forte d’une belle complicité avec Fagioli, elle est particulièrement remarquable dans leurs deux duos, deux moments de pure beauté vocale.

Malgré un écrin orchestral clairement en-deçà de ce qu’elles méritent, cette belle distribution, et surtout Fagioli et Deshayes, parvient donc à faire de cette représentation une grande soirée de chant, sinon une grande soirée pour Rossini.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Melodramma tragico en deux actes (Venise, 1823)
Musique de Gioachino Rossini
Livret de Gaetano Rossi d’après Sémiramis de Voltaire

Détails

Sémiramide
Karine Deshayes
Arsace
Franco Fagioli
Assur
Giorgi Manoshvili
Idreno
Alasdair Kent
Azema
Natalie Pérez
Oroe
Grigory Shkarupa

Mitrane
Jérémy Florent

Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen
Chœur accentus / Opéra de Rouen Normandie
Direction musicale
Valentina Peleggi

Théâtre des Champs-Élysées, Paris, le mardi 17 juin 2025, 19h30

Vous pourriez être intéressé par :

Violetta, seule face à son destin
Zuzana MARKOVÁ, Léo VERMOT-DESROCHES, Jean-François LAPOINTE
Spectacle
Vérone-sur-Moselle
Paul-Emile FOURNY, O'CONNOR Elena, Marcelo ALVAREZ
Spectacle