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SCHUBERT, Winterreise – Rennes

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Spectacle
23 septembre 2025
Errance à trois voix

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

D’après le Winterreise, cycle de 24 Lieder, composé en 1827 sur des poèmes de Wilhelm Müller de Franz Schubert
Production Ensemble Miroirs Étendus
Crée le 2 décembre 2021 au théâtre de l’Aquarium, Paris

Détails

Dramaturgie, traduction
Antoine Thiollier

Mezzo-soprano
Victoire Bunel

Baryton
Jean-Christophe Lanièce

Direction musicale, piano
Romain Louveau

Théâtre du vieux Saint-Etienne, Rennes, Vendredi 19 septembre 2025, 20h

Rentrée hors les murs pour l’opéra de Rennes qui, après un Rinaldo en plein-air, propose une soirée autour du Winterreise de Franz Schubert dans le cadre des journées du Matrimoine et du Patrimoine.

Cette production de l’Ensemble Miroirs Étendus, avec lequel la Maison bretonne collabore régulièrement, transforme les vingt quatre poèmes mélancoliques de Wilhelm Müller en un colloque sentimental et métaphysique à deux voix, qui, contrairement à celui de Verlaine, ne se tournent pas vers leurs amours défuntes. Il s’agit plutôt d’un dialogue intérieur où musicien et poète laisseraient leurs parts féminines et masculines s’exprimer tour à tour.

Le vaisseau à trois nefs du théâtre du vieux Saint-Étienne, ancienne église déconsacrée, superbement décatie, se prête idéalement au propos. Avec raison, Matthieu Rietzler – directeur de l’opéra – n’imaginait pas un autre écrin pour ce spectacle qui fait « vibrer le patrimoine de musique ». La pierre à nu compose un écho intime au cycle de Lieder. La déambulation des artistes dans cet espace dépouillé n’est pas sans évoquer certaines toiles hivernales de Caspar David Friedrich comme le cloître en ruine sous la neige.

Les deux interprètes tentent d’inventer un chemin dans cette désolation sans pour autant dialoguer directement. D’ailleurs, un troisième interlocuteur s’invite sur scène sous la forme d’un clin d’oeil à 2001, l’Odyssée de l’espace, avec les lumières faisant écho à l’écran de surtitrage qui ne se contente pas de gérer les traductions mais interfère également dans la narration. Il n’est pas certain que ces commentaires écrits apportent tant à la représentation si ce n’est quelques sourires auxquels l’on n’est pas habitué chez Schubert alors que des tenues de scène un peu plus élaborées que les fades basiques jean/pull auraient eu un attrait supplémentaire, d’autant plus que la dimension visuelle du spectacle est très travaillée.
Les lampes de l’unique rampe latérale multiplient les jeux d’ombre et la rythmique lumineuse du plateau. Soulignant une atmosphère ou jouant au contraire à contretemps, s’effaçant parfois totalement pour laisser les interprètes dans la pénombre – à l’inverse de ce que l’on attend naturellement sur scène – elles créent une poésie singulière, comme une étrange respiration, ajoutant une indéniable profondeur de champ qui enrichit le propos au delà des mots.

Les deux chanteurs s’emparent chacun de l’un des cahiers du recueil mais l’ordre choisis pour les mélodies est celui du poète Wilhelm Müller. Une alternative que l’on peut questionner puisque Franz Schubert, lui, souhaitait intercaler les morceaux composés dans un second temps. Ceci dit, l’interprétation à deux voix permet de suivre à la fois le cheminement du poète et celui du musicien et ne nuit finalement aucunement au plaisir du spectateur.

© Martin Noda Hans Lucas

A Victoire Bunel le premier cahier: Intense dans Erstarrung ou Mut, si douce dans Der Lindenbaum, jouant merveilleusement des nuances pour porter l’émotion dans Rückblick ou Rast, elle bénéficie d’une émission simple, directe, au service d’une interprétation dépourvue d’une quelconque afféterie. La diction est limpide et la conduite de la phrase absolument remarquable : rarement l’allemand ne coule avec un tel legato chez un artiste dont ce n’est pas la langue natale.

Sans démériter pour autant, Jean-Christophe Lanièce n’a pas la même stabilité sur l’ensemble de l’ambitus, des aigus plus tendus, un médium parfois trop mat qu’il compense par une belle expressivité : la danse fragile du feu follet de Taüschung nous touche autant que l’enlisement dans la pénombre de Der Wegweiser avant que Die Nebensonnen ne nous déchire le cœur.

Romain Louveau, directeur artistique de la compagnie, joue l’ensemble du cycle par cœur avec une formidable délicatesse. Alternativement éteint ou ivre de chagrin, sa sensibilité se mâtine de tendresse comme dans Frühlingstraum ou Die Krähe, de fébrilité comme dans Die Wetterfahne, de passion comme dans Erstarrung.
L’écoute attentive des chanteurs, la compréhension commune, très fine, de chaque morceau s’impose tout au long de la soirée. L’indéniable osmose entre les interprètes se confirme lorsque l’on sait qu’ils préparent ensemble actuellement un second opus cette fois autour du Schwanengesang.

L’opéra de Rennes, qui avait déjà accueilli une très belle version dansée du Voyage d’hiver en 2020, proposera pour sa part une nouvelle incursion dans le répertoire du Lied les 2 et 3 décembre prochains avec le Pélerinage de la Rose de Robert Schumann lors d’un concert dessiné mis en voix par l’Ensemble Mélisme(s).

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❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

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D’après le Winterreise, cycle de 24 Lieder, composé en 1827 sur des poèmes de Wilhelm Müller de Franz Schubert
Production Ensemble Miroirs Étendus
Crée le 2 décembre 2021 au théâtre de l’Aquarium, Paris

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Dramaturgie, traduction
Antoine Thiollier

Mezzo-soprano
Victoire Bunel

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Théâtre du vieux Saint-Etienne, Rennes, Vendredi 19 septembre 2025, 20h

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