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13 novembre 1843, un opéra crépusculaire ?

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13 novembre 2023
Le dernier opéra achevé de Donizetti a 180 ans

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À l’occasion des 180 ans de la création du dernier opéra entièrement achevé par Gaetano Donizetti, « Dom Sébastien, roi de Portugal », nous republions l’article que nous avions consacré à cette œuvre il y a quelques années, revu et augmenté.

Au printemps 1843, l’Opéra de Paris passe commande à Donizetti d’un nouvel opéra, qui doit épouser les canons du grand opéra à la française, avec force scènes spectaculaires et ballet. Scribe lui tricote un livret à partir d’une pièce de Paul-Henri Foucher, Dom Sébastien de Portugal, elle-même inspirée des célèbres Luisadas de Camões, et qui raconte l’histoire de ce roi, disparu lors d’une campagne contre les Maures en 1578 et dont le mythe est resté tenace au Portugal. Sa mort avait éteint la dynastie des Avis et ouvert la voie à la domination espagnole sur le pays, jusqu’à la Restauration de l’indépendance en 1640.

Donizetti compose la partition parallèlement à celle de Caterina Cornaro et éprouve quelques difficultés à l’achever. Il s’agit d’ailleurs du dernier opéra complet composé par Donizetti avant que les ravages de la syphilis ne viennent ronger ses forces et engloutir sa raison. La création aligne quelques stars dont Rosina Stolz en Zaïde et Gilbert-Louis Duprez dans le rôle titre.

La Salle Le Peletier vers 1865

L’œuvre remporte un vif succès public mais reste boudée par la critique, qui trouve le livret tout à fait sinistre. Quant au compositeur, il est globalement jugé incapable d’épouser le style du grand opéra alla Meyerbeer. L’œuvre, si peu et si mal défendue, disparaîtra rapidement des affiches et n’y reviendra guère, même avec la renaissance donizettienne.

C’est fort dommage car il s’agit d’une partition très attachante, dans laquelle on ne trouve pas seulement le célèbre tube pour ténor « Seul sur la terre », mais bien d’autres moments remarquables comme, par exemple, cette superbe marche funèbre, qui sera transcrite par Liszt et dont Gustav Mahler copiera carrément le thème pour ses Lieder eines fahrenden Gesellen. Dans un long article qu’il lui a consacré dans le Journal des Débats quelques jours après la création, Hector Berlioz, qui affirme en passant que cet opéra « attirera la foule, et longtemps, très probablement », évoque notamment ce passage et la fin de l’opéra, qui témoigne d’ailleurs de son succès public :

« La marche du convoi funèbre est largement dessinée, instrumentée de main de maître et pleine de belles horreurs musicales. Cela donnerait le frisson, indépendamment de l’aspect de la scène. Le quatrième acte est supérieur encore au précédent, et plus rempli d’impressions terribles et grandioses. Le grand morceau d’ensemble avec chœurs, écrit d’après ce système du crescendo lent dont M. Donizetti a déjà fait maintes fois un si heureux usage, en calculant de très loin la force progressive des voix, a produit un énorme effet, bien complet, bien général, profond, senti, et a mérité les honneurs du bis, honneurs bien rares pour les morceaux d’ensemble. La voix de Mme Stoltz là dedans, cette voix si sympathique et si puissante, secondée par Duprez et Levasseur, et par les notes hautes du ténor frémissant de Massol (car c’est un ténor, quoi qu’il en dise), semblait entraîner et diriger toute la masse vers l’explosion finale et vers l’enthousiasme, auquel l’auteur visait, et qu’il a atteint. L’air de Zaïda au cinquième acte n’est pas bon ; il a pour thème une mélodie plutôt gaie que touchante, et son premier vers : Mourir pour ce qu’on aime, étant le même qu’un vers de l’air du premier acte d’Alceste, rappelle malheureusement à la mémoire des musiciens une des phrases les plus sublimes de Gluck ; Mme Stoltz néanmoins le chante avec tant d’âme, que les défauts du style sont palliés en grande partie. Duprez a un bien beau mouvement dans la scène où, pour sauver Zaïda, il veut signer l’acte d’abdication ; il ne s’est d’ailleurs peut-être jamais montré si grand chanteur que dans cet ouvrage ; jamais il n’a su tirer de sa voix des effets qui nécessitassent plus d’art, plus de science, plus de vrai talent ».

Voici ce fameux convoi funèbre, dans le seul enregistrement de studio de cette partition, sous les auspices d’Opera Rara et sous la baguette de Mark Elder il y a une quinzaine d’années.

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