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23 septembre 1835 : la mort d’un cygne

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23 septembre 2025
Il y a 190 ans, Vincenzo Bellini rend l’âme à Puteaux, près de Paris.

En septembre 1835, Vincenzo Bellini séjourne dans une maison prêtée, selon les sources, par le banquier Samuel Levys ou par son ami Louis-Philippe Roux de Rochelle – autre banquier – non loin de la Seine. Le quartier où elle se trouvait porte d’ailleurs le nom du compositeur.

Cette maison, aujourd’hui disparue, était « enfouie sous les roses » comme l’ont décrite des témoins d’alors. Bellini y avait trouvé un cadre reposant et serein, tel en tout cas que les médecins le lui avaient recommandé pour se reposer et fuir l’agitation parisienne. Il faut dire que le jeune homme, qui n’a pas encore 34 ans, souffre de troubles digestifs et intestinaux chroniques, ainsi que de migraines qui le tourmentent et le fatiguent. Or, voici que durant l’été, ses souffrances le reprennent et le réduisent à un état d’épuisement total. Les médecins concluent à une inflammation aiguë, peut-être liée à un parasite.

Au matin du 23 septembre, après une longue et terrible agonie, le jeune compositeur rend son dernier soupir à la stupéfaction générale. L’autopsie est pratiquée par François-Joseph Double, spécialiste du choléra, puisqu’on craint qu’il s’agisse du mal foudroyant qui a tué Bellini. Double conclut plutôt à une inflammation chronique des intestins, qui s’est compliquée en péritonite et septicémie, alors incurables.

Devant la brutalité de cette disparition, les rumeurs ne tardent pas à courir. Si ce n’est pas le choléra, pourquoi ne pas envisager un empoisonnement ? Bellini est alors au faîte de sa gloire et il a de gros concurrents. Le formidable succès de son dernier opéra Les Puritains, créé au Théâtre-Italien au mois de janvier précédent, aurait pu aiguiser des jalousies dans un milieu volontiers cruel. L’autopsie avait pourtant clairement écarté toute présence de substance suspecte. Mais les persifleurs ne peuvent s’empêcher de réfléchir sur le mode à qui profite le crime ? Et ils n’hésitent parfois même pas à lorgner du côté de Donizetti, à qui on l’oppose alors souvent notamment pour marquer leurs différences, en particulier dans l’orchestration – réputée point faible de Bellini, au moins en termes d’originalité ou d’invention, sujet sur lequel Donizetti aurait lui-même exprimé un jugement critique. Et puis Bellini n’était-il pas seul, à Puteaux, ou fort mal entouré ? Aurait-il été victime d’un complot ? Peut-être un des chanteurs qu’il aurait froissé, lui qui se montrait terriblement exigeant et parfois colérique ? La légende de la mort violente, alors qu’il était abandonné de tous, d’un génie encombrant fera bien vite long feu, comme tous ces fantasmes.

Les réactions à sa mort sont unanimes et l’émotion très vive, dans toute l’Europe musicale. Les journaux publient des articles remplis d’hommages dithyrambiques. Berlioz publiera quelques mois plus tard dans le Journal des Débats un article – par ailleurs assez critique – consacré au compositeur dans lequel il écrit : « Cet événement (la mort de Bellini) a frappé d’autant plus vivement que Bellini, par la douceur de ses mœurs et par l’aménité de ses manières avait su se faire de nombreux amis ».

Rossini, l’aîné des grands italiens alors à Paris, retiré lui-même de la scène mais extrêmement influent et respecté, intervient personnellement dans l’organisation des funérailles. Le cygne de Pesaro admirait celui de Catane, ou à tout le moins s’était toujours montré bienveillant. Les chanteurs habitués du répertoire bellinien (Rubini,  Grisi, Tamburini…) sont inconsolables. Chopin, grand admirateur de son confrère, est très affecté par sa disparition, tout comme Liszt, qui écrit un article dans la revue et Gazette musicale de Paris pour y célébrer la « pureté angélique » du chant bellinien.Le principal rival supposé, Donizetti, écrit quant à lui dans une lettre : « J’ai perdu le plus cher de mes amis et l’Italie un grand nom ».

En Italie, justement, la stupeur tourne au deuil national, même si la péninsule n’est pas encore unifiée. La Sicile réservera au retour de ses cendres en 1876 (jusque là, la compositeur était enterré au Père-Lachaise) un accueil populaire gigantesque et Catane érige à l’enfant du pays un imposant mausolée dans la cathédrale Sant’Agata et un monument sur la place Stesicoro.

A sa mort, Bellini ne laisse pratiquement aucune partition inachevée. On parle bien alors d’un projet de nouvel opéra, peut-être autour d’Ernani. Mais on ne trouve que des fragments, un projet de cantate, quelques mélodies. Les Puritains sont donc sa dernière œuvre achevée. En voici par conséquent le finale, happy end, ironie du sort, pour commémorer les 190 ans de la mort de son créateur.

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