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Nina Stemme : « Je peux être coriace »

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Interview
13 avril 2015

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Elle est régulièrement présentée comme la plus grande soprano dramatique actuelle. Les scènes mondiales s’arrachent ses Isolde, Brünnhilde ou Salomé. Et cette saison, elle inscrit à son palmarès Elektra, avant de reprendre la princesse de glace Turandot à la Scala (retransmis dans plusieurs cinémas de France le jeudi 21 mai – plus d’informations). Nina Stemme est-elle à l’image des personnages qu’elle incarne ?


Est-ce qu’une soprano dramatique de renommée internationale s’habitue au succès ?

C’est très encourageant de continuer mon travail avec le soutien que je rencontre en ce moment. Parfois ça me dépasse un petit peu… Mais je ne suis pas du genre à penser : « Je suis dans la place ! Ils disent que je suis la meilleure, je peux me reposer sur mes lauriers. » Si j’avais commencé à avoir cette attitude, j’aurais arrêté le chant. Ce que j’aime le plus, c’est le chemin parcouru, le travail quotidien, même si je souffre beaucoup quand ce travail n’est pas à mon goût. Alors bien sûr, je chante le rôle-titre la plupart du temps, et pour le public, je viens couronner le travail de toute une équipe. C’est une très grande responsabilité, mais je ne compte pas plus que les autres, je ne suis rien de plus qu’un être humain.

Vous parlez de « travail à votre goût ». De toutes les productions auxquelles vous avez participé, s’il devait en rester une, laquelle serait-ce ?

J’ai adoré reprendre Tristan et Isolde à Londres, dans la production de Christof Loy dirigée par Antonio Pappano. Coven Garden est un théâtre magnifique, avec une équipe extraordinaire. Tous sont si engagés dans le travail collectif que cela m’a aidé à devenir une encore meilleure chanteuse. Je ne saurais dire pourquoi exactement. Stephen Gould, mon partenaire, disait qu’on se sentait à la fois « mis en sécurité et au défi » : c’est l’idéal, car ça laisse la possibilité de s’améliorer et l’espoir de progresser ! Ma première Isolde a été une étape décisive, qui a transformé ma carrière. Je m’en doutais un peu, mais je ne voulais pas y croire tant que je ne l’avais pas encore réellement chantée. Puis je suis passée à autre chose. Le Ring au Proms de Londres a aussi été un moment fantastique également. Après la scène de l’immolation, l’atmosphère était complètement folle. Je chantais les dernières minutes au-dessus de tout le monde et je sentais bien que j’atteignais chacun dans le public. C’était vraiment un moment exceptionnel.

Vous avez chanté le rôle d’Isolde à de nombreuses reprises, comment se renouvelle-t-on chaque soir ?

J’entre en scène dans l’état d’esprit du personnage, qui change d’un soir à l’autre, selon mon état de tension, selon les partenaires avec qui je chante, l’orchestre, le chef… Une Isolde ne ressemblera jamais à une autre. Bien entendu, avec les années, elle s’est développée, cette jeune fille, la jeune princesse. D’ailleurs je la chantais bien plus comme une princesse quand j’ai fait mes débuts dans le rôle. J’adorais ça, chanter la « Grande Princesse d’Irlande ». Et maintenant, dans ce rôle et les autres, je m’efforce de me concentrer sur l’aspect humain des personnages de Wagner, pour que nous puissions tous nous reconnaitre en eux. Isolde est follement amoureuse de Tristan, elle en trahit et son pays et elle-même. Et tous les conflits internes qui en découlent et qui la traversent, nous les vivons tous à un moment dans nos vies. Voilà pourquoi je veux rendre tout cela très concret, pour bien faire comprendre qu’elle n’est pas une déesse de la vengeance ou autre chose de ce genre.


Tristan und Isolde © Opernhaus Zürich

Comment interprétez-vous la fin de Tristan Und Isolde ? Meurt-elle aussi ?

Ça change un peu à chaque production. Dans celle de Claus Guth, on ne sait pas trop. Le deuxième acte, c’est le bonheur, avec quelques nuages mais le bonheur tout de même. A la fin de cet acte, pour moi, elle est convaincue qu’elle va mourir avec Tristan. Mais il la devance, alors elle se retrouve seule, seule avec le roi Marke. Pourtant, Tristan ne peut pas mourir sans l’avoir revue. C’est une histoire de personnages mais aussi d’idées et d’idéaux. Aucun des deux ne croit mériter l’amour, ni ce que chacun ressent pour l’autre. Alors quand elle revient et que Tristan meurt, elle comprend qu’ils s’aimaient d’un amour vrai, et peu importe qu’elle vive ou qu’elle meure. A Londres, elle reste en vie avec le souvenir et la connaissance de Tristan en elle. Dans la production de Claus Guth, peut-être meurt-elle, peut-être… Peu importe : c’est une transfiguration.

Que préférez-vous chanter : la Liebestod ou la première déploration quand Isolde revient à l’acte 3 ?

L’un ne va pas sans l’autre. La première déploration est surement la partie la plus difficile. Vous avez été silencieuse pendant une heure et demie avec l’entracte, et il vous faut chanter assez haut dans la tessiture tout de suite. Et maintenant que je chante Brünnhilde, c’est un peu comme chanter la Brünnhilde de La Walkyrie. Isolde ne comprend pas que Tristan est mort, elle pense le ranimer en arrivant. C’est là que commence la déploration, die Klage. Elle veut soigner la blessure, comprend que c’est trop tard et commence à délirer sur ce que la vie aurait pu être, sur une autre rencontre d’amour. Tristan l’en prive et elle devient furieuse… ce court passage musical inclut tout, de Mimi aux rôles les plus dramatiques de femme seule sur terre. Ensuite, la Liebestod est tout ce qui reste. Elle le chante depuis le royaume de la mort au public et à ceux restés en scène.

A quoi pensez-vous entre ces deux morceaux de bravoure ? Est-ce que vous vous dites « ok, je chante la Liebestod dans 5 minutes il faut que je me prépare, le public l’attend » ?

Je suis tellement dans mon personnage que parfois j’oublie de me préparer ! Tout à coup, je me dis : « Au fait, je suis une chanteuse, je devrais me préparer ». Vous venez de chanter ce passage dramatique avec des notes très aiguës, vous êtes sur scène depuis cinq heures, et voilà qu’il faut entonner « mild und leise » alors que parfois votre voix n’est plus vraiment avec vous… mais il faut être généreux, avec le public et avec soi

Comment vous adaptez-vous aux autres chanteurs ?

Je me fie à mon intuition. Si un des mes collègues n’est pas à 100% de sa forme, pourquoi devrais-je m’égosiller ? Et même, par exemple ma première Minnie était assez brute de décoffrage. Je la chantais avec Antonenko à Stockholm et lui aussi est assez fonceur dans son interprétation du rôle. Mais à Vienne, je chantais avec Jonas Kaufmann, qui est un chanteur de la subtilité, et je me suis adaptée. Je reste moi-même, simplement j’explore d’autres aspects de ma Fanciulla. Parfois je vais trop loin, mais c’est aussi comme cela qu’on apprend. Cela fait partie du métier.

La presse et le public disent que vous avez trouvé votre Tristan en Stephen Gould.

Il comprend tout ce qu’il chante, et sa voix a de l’endurance à revendre ! Je le sais parce que nous avons chanté dans Siegfried ensemble à Vienne. Alors quand j’ai appris qu’il se lançait dans Tristan j’ai tout de suite pensé : « Ce sera parfait pour sa voix ! ». Et c’est rassurant de savoir qu’on n’aura pas à soutenir mentalement son Tristan en scène. Quand il est Tristan, et moi, Isolde, la rencontre a lieu entre nous quelle que soit la production.


Tristan und Isolde © Opernhaus Zürich

Combien de fois avez-vous chanté Isolde ?

Je crois que j’ai atteint la centaine. Mais je ne suis pas une maniaque des chiffres, peut-être devrais-je l’être un peu plus… Ke laisse cela à d’autre. Je préfère garder ma curiosité pour aborder d’autres rôles.

Alors parlons de vos futurs engagements. Est-ce qu’Elektra est un challenge ?

Oui, j’ai eu beaucoup de mal à l’apprendre. Le texte est splendide mais trompeur. C’est si simple de la jouer comme une folle furieuse obsédée par son idée fixe. Mais cela ne m’intéresse pas. Je veux explorer ses différentes facettes.

Comment procédez-vous ? Vous écoutez des enregistrements ? Vous regardez des DVDs ?

J’aurais aimé voir plus de productions en live, parce qu’un DVD, ça ne vous apprend pas grand-chose. Strauss est un compositeur si talentueux qu’on se sent comme hypnotisée quand on chante ses notes. Je  veux me soustraire à cela, et trouver ce que moi je peux apporter. Au final, il en ressort quelque chose de bon la plupart du temps. Mais cela demande du temps, et je n’aime pas trop parler d’un personnage que je n’ai pas encore incarné sur scène.

Qu’avez-vous découvert sur Elektra ?

C’est un personnage vulnérable et blessé, qui se débat avec son histoire familiale. C’est d’ailleurs assez rare dans l’opéra, ce schéma horizontal avec la sœur et le frère, et pourtant il y a la mère aussi. C’est aussi pourquoi je ne veux pas d’une Clytemnestre en vieille sorcière.

C’était le parti pris de Chéreau : pas de monstre sur scène, juste cette famille avec son passé fait de violences…

Oui, bien sûr, c’est une famille de criminels, des parents aux enfants. Tout le monde est coupable. Il y a des bibliothèques entières à lire sur cette histoire. C’est pour ça que je ne suis pas metteur en scène. Et puis Hofmannsthal se l’est appropriée, il connaissait tout cela par cœur et en plus vivait à l’époque de la découverte de la psychanalyse. Cela explique surement le côté huis-clos. Bien entendu, je me suis rendue à Aix pour assister à la générale de la production de Patrice Chéreau et j’ai tout de suite vu que cela marchait très bien. C’est une interprétation que je peux accepter, dont je peux faire quelque chose même si je suis très différente d’Evelyn Herlitzius. J’ai adoré son incarnation. J’avais presque peur de rencontrer Chéreau après car j’ai compris qu’il s’investissait tellement avec ses interprètes que je ne voulais pas déranger. Je ne savais pas qu’il était malade à l’époque, je l’ai appris plus tard. Alors à New York, je vais me servir de mon sixième sens pour voir où je m’intègre le mieux dans ce travail. Avec Vincent Huguet, son assistant, nous avons déjà commencé à travailler. J’ai tant de questions et autant d’aspects à l’esprit… il n’y a plus qu’à s’en saisir.

Comment se passe le travail avec les metteurs  en scène ? Qu’est-ce que vous appréciez ? Qu’attendez-vous d’eux ?

Comme je le disais, j’aime me sentir à la fois « mise en sécurité et au défi de faire mieux ». J’aime le dialogue, mais je ne suis pas du genre à interrompre le travail en permanence.  J’aime découvrir par moi-même, sans trop d’explications car tout est dans la musique et dans le texte. Parfois le metteur en scène a une idée très précise de ce qu’il veut raconter. Alors nos collaborons. Je fais de mon mieux pour réaliser la vision de l’équipe. Si cela va trop loin, je reste diplomate, parfois je dis « ça, non, je ne le ferai pas » mais c’est si rare au niveau où nous sommes. Je sais aussi que je suis intense sur scène et que je peux être coriace avec les metteurs en scène et les chefs d’orchestre.

Que pensez-vous du Regietheater ?

Tous les théâtres devraient avoir de la Regie parce que l’opéra c’est aussi du théâtre. Mais si vous posez juste un concept sans chercher la logique et la dramaturgie d’une œuvre, alors ça ne m’émeut pas. C’est trop intellectuel. C’est ça que je respecte chez un bon metteur en scène : il s’est bien préparé, et on peut suivre la logique et les évolutions émotionnelles des personnages. Pas besoin de se refaire tout Stanislavski à chaque opéra non plus, hein… Je ne veux pas généraliser. Je vois où est le problème avec le Regietheater… Et c’est aussi pour cela que nous devrions composer plus d’opéras modernes !

En parlant de création, dites-nous en plus sur Notorious que vous allez créer à Göteborg…

C’est adapté du film éponyme d’Alfred Hitchcock de 19461. J’ai déjà la partition, je viens tout juste de regarder la scène finale. C’est encore une pièce très intéressante sur les rapports humains. La musique est accessible. Je suis l’héroïne féminine, Alicia qui a des origines germaniques. Cela se passe d’abord aux Etats-Unis puis à Rio. D’ailleurs vous l’entendrez un peu dans la musique. Une création, c’est très enthousiasmant, mais cela demande beaucoup de temps.

Est-ce quelque chose que vous voudriez faire davantage ? C’est un investissement certain pour un rôle que vous ne reprendrez peut-être jamais.

Nous avons travaillé pour « vendre » cette production et la donner dans d’autres lieux. Personne n’ose. C’est comme s’ils étaient incapables d’ouvrir une partition et d’imaginer. Ou alors ils veulent voir la production d’abord, mais là je suis désolée ce sera trop tard ! Je n’aurai pas le temps ! Mon planning est établi cinq  années à l’avance. Je le regrette mais c’est un fait. Il faut vivre avec.

Avez-vous le temps justement d’aller assister à des représentations ? Des créations peut-être ?

Les rôles que je chante sont tellement prenants… Je manque de temps. J’adorerais pouvoir. J’aurais adoré voir le Parsifal de Castellucci, j’aurais adoré voir Brockeback Mountain et toutes les créations. Il y a sûrement une autre vie, dans le futur, pour cela.

Est-ce que la préparation d’Elektra a changé votre manière de chanter les rôles ?

Ma voix a évolué depuis que j’ai chanté ma première Salomé en 1992, les trois Brünnhilde et, et c’est le plus important, Turandot. Je ne l’ai chantée qu’une seule fois en scène, à Stockholm en 2013, mais ce rôle a changé ma tessiture, ce qui a rendu beaucoup plus facile d’aborder des rôles très dramatiques. Il faut que je chante plus de Turandot et je vais le faire ! A la Scala, à Zurich et en Suède cet été à Dalhalla. D’ailleurs c’est mon mari qui mettra en scène.


Turandot © Royal Swedish Opera Stockholm

Jouons aux devinettes. Vous pouvez ne pas répondre. Pouvez-vous confirmer que vous chanterez un nouveau rôle wagnérien dans les années à venir ?

Humm, dans deux ans, en 2017. Kundry arrive.

Et la Teinturière ?

Oui. C’est un autre rôle straussien. C’est, comme qui dirait, dans le champ de compétence. C’est même si clair que ça en est presque ennuyeux ! Non, bien sûr, c’est un luxe, mais logique. Quand votre voix est prête pour Brünnhilde, quelle est la prochaine étape ? Elektra ? et puis vous chantez la Teinturière, etc. Kundry n’est pas si évident que cela. Il y a cinq ans j’allais me décider pour Kundry et pas pour Brünnhilde. Et ma voix a changé. J’ai gagné une note en plus  dans l’aigu et je me suis senti bien plus à l’aise pour ces rôles-là. J’aime les défis et quel plus grand défi que Brünnhilde ? Alors oui tous ces rôles sont à venir.

Avez-vous besoin d’une version scénique pour faire vos débuts dans un rôle ?

Oui, j’en ai besoin pour commencer. Une fois que j’ai cette expérience derrière moi, je peux me glisser dans une autre production de répertoire ou dans une version concert. Les récitals sont plus un hobby pour moi. Je n’ai pas vraiment le temps et je le regrette.

Et le répertoire italien ?

Là je pense que je devrais laisser de l’espace pour les jeunes chanteurs, ceux qui talonnent ! Nous avons besoin de l’arrivée de cette nouvelle génération. Alors je vais laisser de l’espace. J’ai un répertoire large, et je veux m’en servir. Et puis je suis hésitante à chanter les rôles verdiens, il faudrait que je travaille : la précision, le slancio, etc.

Et pourtant, vous allez chanter Turandot, à la Scala. Effrayant non ?

Je ne veux pas y penser ! Je cacherai ma tension derrière celle de Turandot. Elle est un peu tendue, comme femme ! C’est un tel défi, je ne sais même pas dans quoi je me suis embarquée. C’est complètement fou. Je n’ai pas chanté ce rôle depuis Stockholm. Mais c’est ça aussi le problème. Quand j’ai compris que le rôle était pour moi, mon emploi du temps était plein. Il s’est produit la même chose avec le Ring. Et comme c’est un gros investissement pour un opéra, il a bien fallu que je chante d’autres choses. Je n’ai pas assez chanté de Ring. Je veux les chanter maintenant. Il y en aura un Washington DC en mai 2016,  en 2018 à Londres et j’espère à Stockholm avant cela.

Chanter dans votre pays a-t-il une signification particulière ?

C’est plus dur d’être dans de bonnes conditions. On pense que tout vous est facile d’une certaine manière. Partout ailleurs, j’ai carte blanche plus ou moins. A Stockholm ce n’est pas si simple. Mais j’ai promis à Placido Domingo quand j’ai remporté Operalia en 1993 que je chanterai à domicile le plus souvent possible. Oh, ce soir-là a changé ma vie. Chanter le rêve d’Elsa à Garnier, l’aura de cette salle… Cela m’a fait quelque chose.

Avez-vous une relation particulière avec certains publics ? Vous avez dit être surprise du nombre de vos fans français ?

Je crois que j’ai une histoire d’amour avec le public français, et j’adore venir chanter en France, même si j’ai eu peu d’occasions de le montrer. C’est unique à chaque fois que cela arrive. Il y a beaucoup de Français qui voyagent à Vienne, à Zurich, à Londres, et je les rencontre volontiers quand ils attendent à la sortie des artistes. Mais les représentations finissent si tard parfois que je ne passe pas par cette porte et je m’en excuse. Ce n’est pas très poli mais je suis épuisée.

Chanteriez-vous un rôle en français ?

On me l’a proposé. Mais je n’ai pas pu, pour des raisons d’agenda principalement. C’est dommage, le français est un baume pour les cordes vocales  et il faut être très précis dans sa diction.

Parlons de vous en dehors de la sphère artistique. On vous surnomme « soprano arc-en-ciel » après que vous avez chanté au mariage de deux hommes ougandais. C’est important pour vous de vous engager ?

Bien sûr. C’est une question de droits de l’homme. Je suis très heureuse d’avoir ce surnom en Suède. Et je suis très fière de prendre part à ces évolutions positives du monde. J’aimerais pouvoir le faire encore davantage. Aujourd’hui un des ces hommes peut retourner en Ouganda et voir les enfants qu’il a eus quand on l’a forcé à se marier. Deux de ses filles sont venues vivre en Suède. D’ailleurs j’aurais dû assister à la remise de diplôme de son fils mais c’est la vie,  je ne peux pas être partout.

Est-ce pour une raison similaire que vous avez décidé de mettre fin à l’enregistrement du Ring, sous la direction de Maestro Gergiev ? A cause de ce qui se passe en Russie ?

C’est une des raisons. Mais le planning d’enregistrement était impossible ! J’en avais beaucoup parlé avec des amis, des amis LGBT, des amis militants des droits de l’homme etc. Le problème c’est que la Russie n’est pas très organisée et que cela ne collait pas avec mon agenda. Et dans le même temps il se passait tellement de choses en Russie.  Je ne pouvais pas y aller et puis revenir devant mes amis et dire que j’avais été dans un lieu où l’on n’est pas censé montrer qu’on s’aime dans la rue. C’était impossible pour moi. J’aurais voulu dire quelque chose à l’époque… Mais c’est un rôle que je n’ai pas encore endossé. J’aimerais résister davantage. A l’époque, pour des raisons personnelles, je ne pouvais pas y aller. C’est vraiment dommage car j’ai peu gravé de disques et j’aimerais être enregistrée. Et le business maintenant c’est le live… et les voix plus lourdes s’enregistrent moins facilement que les autres.

Des regrets dans votre carrière ?

De ne pas avoir chanté tel rôle ou travaillé avec telle personne… et la liste est longue : Mélisande et le Compositeur. J’aurai tellement aimé les chanter. J’ai chanté des rôles de mezzo quand j’étais en formation, mais c’était plus moi qui faisais la soprano paresseuse. Patrice Chéreau, Neuenfels, Richard Jones, Olivier Py – à nouveau après le Tannhäuser de Genève… pas besoin d’en dire plus. Je n’ai pas encore travaillé avec Thielemann mais c’est pour bientôt, à Dresde dès l’an prochain. Nous verrons bien, j’ai des projets passionnants pour les cinq années à venir. Je suis plutôt ravie de tout ce qui peut m’arriver dans le futur.

Propos recueillis à Zurich le 31 janvier 2015

>> Download the interview in English

1 Création mondiale prévue le 19 septembre 2015 à Göteborg. Opéra en cinq actes de Hans Gefors, livret de Kerstin Perski d’après le film d’espionnage d’Alfred Hitchcock Notorious (1946). Le rôle titre d’Alicia a été composé spécialement pour Nina Stemme.

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