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Thomas Hampson, le travail du maître

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Actualité
18 août 2016

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Il m’a été donné, à Hohenems, d’assister trois jours durant à la masterclass donnée par Thomas Hampson à seize jeunes musiciens, pianistes et chanteurs, autour du répertoire du lied allemand. L’occasion, pour une fois, de voir l’envers du décor, tout le travail de préparation, long et ardu, accompli dans l’ombre, qui précède le concert. Les séances ont lieu dans la salle presque vide où le maître s’est produit la veille au soir.

Les six séances, de deux heures et demie chacune, se répartissent sur trois intenses journées de travail. On sent bien que les élèves fondent de grands espoirs sur cette formation, ils ont probablement cassé leur tirelire pour pouvoir y assister et mettre ensuite dans leur curriculum qu’ils ont travaillé avec lui, voire, pour les plus audacieux, qu’il est leur professeur. Ils attendent du maître qu’il les aide à résoudre des problèmes techniques pour les uns, à progresser dans l’étude du répertoire pour les autres, à acquérir d’avantage d’assurance dans tous les cas. L’atmosphère est donc toute différente d’un concert, les élèves sont en jeans et baskets, et trimballent toute la panoplie du jeune chanteur, bouteilles d’eau, de thé ou de jus de fruit, écharpes et cache-col malgré la chaleur d’un mois de juillet, partitions ou tablettes pour les mieux équipés. On distingue assez vite les pianistes des chanteurs (ils sont moins bruyants et n’ont pas d’écharpe…). Ils viennent de tous pays, France, Allemagne, Islande, Espagne,  Pays-Bas, Grèce, Chine, Tchéquie, Croatie, Autriche. Ils ont entre 22 et 40 ans. Ils se sont inscrits en duos constitués, un pianiste et un chanteur, ou individuellement, l’organisation se chargeant alors de former elle-même les duos quelques semaines avant le début du cours, de sorte que tous ont pu travailler ensemble les lieder qu’ils vont présenter au cours de ces trois jours.

La première séance est surtout une prise de contact. On parle allemand, principalement, mais aussi anglais, ou un mélange des deux pour mieux s’entendre. Le maître s’avance, sûr de son succès, précédé de sa réputation, de sa carrière, il fait quelques plaisanteries pour détendre l’atmosphère et séduire son auditoire. Il est accompagné de son pianiste, le délicieux Wolfram Rieger, qui lui se fait aussi discret que possible, c’est son tempérament, mais qui conseillera plus spécifiquement les pianistes en complément de l’enseignement du maître. Pour faire connaissance, on propose à chaque duo de présenter une pièce, histoire d’entendre le niveau général, de découvrir la voix et le tempérament de chacun. Ce premier tour de chauffe passé, le vrai travail commence. Et il est sans pitié ! Hampson détecte instantanément, chez ces jeunes chanteurs encore en formation, les qualités et les défauts. Il passe très rapidement sur les premières, et s’attarde longuement sur les seconds, proposant des exercices pour améliorer la pose de voix, la position du corps, la respiration, la prononciation, l’intonation, répétant ce qu’on entend partout mais qu’il faut néanmoins redire sans cesse.

Les élèves encaissent sans broncher – ils réservent sans doute l’épanchement de leurs émotions pour plus tard – ou tentent de s’améliorer sur le champ, ce qui n’est souvent pas possible tant certains défauts paraissent solidement ancrés. Certains prennent des notes ou enregistrent le cours pour ne rien perdre de la bonne parole qui est délivrée ici.

Parmi les préceptes répétés comme des leitmotivs par le maître, nous en avons relevé quelques-uns, les plus pertinents ou les plus savoureux, et nous ne résistons pas au plaisir de vous les faire partager.

Il y a d’abord tout ce qui a trait à la position physique du chanteur : On chante avec le bas du corps solidement arrimé au sol, la partie supérieure complètement libre. Ou encore, sur le même sujet : Avant de chanter, demandez-vous si vos oreilles sont bien au-dessus de vos épaules, vos épaules au-dessus de vos hanches, vos hanches au-dessus de vos chevilles et vos orteils bien accrochés au sol.

D’autres, plus subtils, tiennent de l’évidence, mais méritent quand même d’être rappelés : Mettre le cerveau en action avant de mettre la bouche en mouvement. Ou encore : Recevoir l’énergie du public, et la lui renvoyer par le chant.

Il y a aussi tout ce qui a trait au texte : Respecter l’énergie du langage parlé dans le chant. Mettre toutes les voyelles à la même place, en connexion les unes avec les autres, et liées par les consonnes.

Ou encore ceci : Faire vivre les voyelles sur toute leur durée, en leur fournissant de l’énergie tout du long.

Vient ensuite tout ce qui a trait à la continuité du texte au travers de la musique : Attachez-vous à placer la phrase suivante exactement dans la résonance de la phrase précédente, ou dans la résonance du piano.

Plus mystérieux, et plus poétique : L’air est un son qu’on n’a pas encore entendu…

Du répertoire lui-même et de son interprétation, des poèmes mis en musique qui constituent le cœur du sujet, il sera finalement assez peu question, hélas pour les spectateurs, mais c’est probablement lié au niveau général des participants, pour la plupart encore bien verts dans le métier.

Au fil des jours, on s’attache (ou pas) à la personnalité de ces jeunes chanteurs qui ont choisi un métier difficile, et on reçoit le privilège de quelques émotions fortes, par exemple lorsqu’un candidat parmi les plus jeunes assiste presque malgré lui à la découverte de possibilités encore non explorées de sa propre voix.

 

Hohenems, Markus-Sittikus-Saal, les 13, 14 et 15 juillet 2016

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