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Frédéric Mitterrand contre les Dames Patronnesses

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10 octobre 2009

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Frédéric Mitterrand contre les Dames Patronnesses

par Camille De Rijck

On prend la question par le mauvais bout. D’un côté, Marine Le Pen se saisit du livre de Frédéric Mitterrand pour que pointent vers son visage avenant les feux des projecteurs. À ses côtés, la gauche des Dames Patronnesses, vigoureusement moraliste, hurle en canon. Sur l’autre rive, la droite mais aussi les libertaires, ceux qui pensent que Mitterrand est frappé en dessous de la ceinture.

Leur premier argument ? « Hurler aux loups avec le Front National est une abomination ». Oui, évidemment, il est des camarades de tranchés qui sentent moins le souffre, partager la plus banale opinion, qu’elle porte sur la recette du clafoutis ou sur les valeurs de la famille, avec le Front National éveille toujours comme un petit embarras. Mais c’est terriblement malhabile, bien sûr, de partir du principe que l’extrême droite a toujours tort et que la rejoindre sur un problème précis c’est être immédiatement frappé d’indignité. Car au fond, tant qu’on ne manifeste pas avec eux, main dans la main, avec les doigts croisés, rien n’empêche de ne pas leur donner tort. La défense est maladroite. Au fond, personne ne parle de Marine Le Pen, on connaît la cliente et on n’a pas vraiment envie de lui demander pourquoi elle s’alarme d’une œuvre littéraire alors que son père, agrippé à la tribune du parlement européen, a encore récemment rappelé à un auditoire médusé qu’à ses yeux, les chambres à gaz sont un détail de l’histoire. Balayer devant sa porte n’a jamais vraiment été la préoccupation première du bureau politique du FN. On n’est pas là pour leur faire la leçon, vu qu’on se fout d’eux comme de nos premières véroles.

Ignoble, n’est-il pas, de condamner sans avoir lu ? Et pourtant, ça fuse de partout, dans tous les sens, comme dans la Guerre des étoiles. A gauche comme chez les Lepenistes. On réclame une démission, on évoque l’indignité nationale, on larmoie sur la République outragée dans ses valeurs les plus séculaires. OK, un homme est allé aux putes. Il l’a fait en Thaïlande. Et voilà qu’on saute de plain-pied dans un triple débat : celui de la prostitution, celui du tourisme sexuel, celui de la pédophilie. Prenons les un par un. Qui a écrit que Frédéric Mittérand était pédophile ? Certainement pas lui, ceux qui ont vraiment lu son livre de la première à la dernière page, le savent. Ceux-là même qui se penchent sur les larges extraits que publie Le Monde, lisent sans équivoque que l’escort boy était très probablement majeur. Si rien ne le prouve, rien n’indique non plus le contraire. Absolument rien, il n’y a pas d’équivoque. Peut-on un instant s’appuyer sur la raison et avancer qu’en ces temps où la pédophilie n’a jamais été aussi vigoureusement condamnée, un homme public, un mandataire, irait de son plein gré déclarer dans un livre, distribué dans plusieurs pays, qu’il couche avec des enfants ? Son éditeur l’aurait-il permis ? Le service juridique de celui-ci aurait-il donné son aval ? Il n’y a pas plus de pédophilie dans ce livre que de partie de bilboquet.

Et le tourisme sexuel ? Parlons-en ! Est-il abominable ? Oui, il l’est. L’idée de ces hommes ventrus et chauves frottant leurs sexes tristes contre les fesses de jeunes garçons contraints donne-t-elle envie de vomir ? Oui, à grands jets ! Mais la prostitution continentale est-elle moins abominable ? Accepte-t-on plus volontiers l’idée de filles de l’est, enlevées ou forcées, mises sur nos trottoirs astiqués au service de badauds lubriques, cette idée met-elle nécessairement nos consciences au repos ? Et ces illégaux dans nos fourrées, qui pratiquent l’amour tarifé dans des conditions d’exclusions sociale et humaine absolues, font-ils honneur à nos sous-bois ? La prostitution, sous toutes ses formes, est une abomination, même Belle de jour lorgne sur la plus vive misère humaine, elle éveille ce que l’homme a de plus triste, elle rappelle que la caresse, qui nous est vitale au même titre que l’oxygène et que l’eau, n’est pas accessible à tous, elle nous rappelle que l’habeas corpus est un énoncé très relatif, en tous temps, en tous lieux, dans les démocraties comme chez les sauvages.

Reste la question subsidiaire, celle de l’inadéquation qui existe entre des fonctions ministérielles et l’appel aux professionnels du sexe. Car ils s’en défendront, ceux qui attaquent Mitterrand, il n’est pas question ici d’homophobie, Xavier Bertrand aurait avoué -hypothèse de travail- avoir payé sa cousine Marine de 21 ans pour lui faire une bonne manière, qu’ils frapperaient aussi dur. C’est la prostitution qui fait débat, pas l’orientation sexuelle. Ah. Mais alors, ceux de la campagne d’Algérie qui faisaient la queue devant les bordels en campagne ? Et ceux de la génération virile qui voyait les pucelages sauter dans les bordels et nulle part ailleurs, entre les mains expertes et maternelles d’une Madame Josiane ? Doit-on convoquer tous les ministres des dix premiers gouvernements de la Cinquième République pour leur botter les fesses ?

La vérité c’est que Frédéric Mittérand n’a écrit nulle part qu’il aimait les enfants. La vérité c’est qu’à ce jour, ni témoin ni document n’atteste du contraire. La vérité c’est qu’en France, les moralistes, les Dames Patronnesses –celles de Lille comme du Poitou-Charentes, tentent vainement de se faire une place au soleil. La vérité est qu’on joue le jeu populiste d’un parti qui s’est durablement illustré dans l’indignité. Allons-nous hurler avec les loups ? Plutôt crever.
 

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