Abondance de Faust ne nuit pas. Heureux les Parisiens qui après Benjamin Bernheim et Pene Pati disposent actuellement sur la scène de l’Opéra Comique d’un titulaire du rôle gounod-goethéen de haute volée. Après un premier acte un peu raide (mais dicté peut-être par le contexte dramatique*), Julien Dran se libère pour délivrer un chant stylé, qui n’est pas sans évoquer les (bons) ténors d’autrefois. Timbre franc, diction exemplaire, usage à bon escient de la voix mixte et de poitrine et engagement scénique s’imbriquent pour composer un Faust comme on les aime, noble sans affectation, raffiné sans mièvrerie, expressif sans excès, fidèle à l’esprit du rôle autant qu’à sa lettre musicale. Ses partenaires ne lui cèdent en rien –truculent Méphisto de Jérôme Boutillier, fragile puis déchirante Marguerite de Vannina Santoni, Valentin héroïque de Lionel Lhote. Dans la version originale de l’opéra de Gounod où textes parlé et chanté alternent – une gageure pour les chanteurs –, quelques grands tubes de la partition cèdent leur place d’autres numéros, non dénués d’intérêt – dont la cabalette de Faust, que Julien Dran, décidément dans une forme olympique, couronne d’un contre-ut d’une dizaine de secondes (voir ci-dessous). Le tout dirigé d’une baguette superlative par Louis Langrée dans une mise en scène de Denis Podalydès distinguée par le prix Claude Rostand du Syndicat de la Critique musicale. Encore quatre dates jusqu’au 1er juillet ; si vous n’avez pas votre billet, rien n’est perdu mais il faut se dépêcher.
* Faust, âgé, s’interroge sur le sens de la vie, avant de conclure avec Méphistophélès un pacte qui lui rendra la jeunesse