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A. SCARLATTI, Stabat Mater

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CDSWAG
3 novembre 2025
L’émotion de la beauté accomplie

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5

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Par-delà leur aspect formel, les commémorations offrent l’occasion de focaliser l’attention sur tel compositeur ou telle œuvre, et de permettre ainsi une mise en perspective fructueuse. Alessandro Scarlatti a bien besoin de ce coup de projecteur, victime d’une production particulièrement abondante, de n’avoir pratiquement pas bénéficié de l’édition imprimée, et d’avoir précédé la génération réputée la plus brillante du XVIIIe siècle.

Or, il n’est pas une de ses œuvres qui ne recèle une qualité d’écriture moindre, un sens dramatique sûr, une vocalité exceptionnelle. Le nouvel enregistrement que nous offrent Thibault Noally, ses Accents et nos deux solistes, en est la preuve. Aucune découverte puisque l’ouvrage est enregistré régulièrement depuis une cinquantaine d’années, sinon le choc d’une interprétation hors pair, qui relègue toutes les versions antérieures au rang des témoignages, datés, quels que soient leurs mérites, y compris celle confiée à Sandrine Piau et Gérard Lesne.

Le Stabat Mater de Pergolèse fut écrit pour se substituer à celui-ci, en 1736 (*). Les analogies en sont nombreuses (deux solistes, ensemble réduit, tournures mélodiques etc.) mais le langage relève de deux visions très différentes. A la méditation grave, tendue et douloureuse de Scarlatti répond l’émotion pathétique de Pergolèse, plus immédiate, décorative, quasi théâtrale. C’est le deuxième Stabat Mater que compose Scarlatti. Le premier, à trois voix, conservé à Naples datait de 1715, et le nôtre sera suivi d’une version à 4 voix, perdue. A signaler la permutation des strophes 10 et 11 et la fusion des 13 et 14 par la reprise de la même mélodie. La variété formelle de l’écriture est singulière, en accord avec le sens du texte illustré, comme l’économie de moyens. Le figuralisme, les audaces harmoniques, tout concourt à l’émotion vraie, particulièrement les versets illustrés par les brefs récitatifs accompagnés de l’alto (Fac ut portem, et Fac met cruce). L’architecture, qui interroge, n’en est pas moins aboutie. L’ample Amen, éblouissant, avec ses longues vocalises expressives, est magistral, jubilatoire. Emmanuelle de Negri s’y montre sous son meilleur jour : son chant lumineux et souple, d’une agilité stylée et une rare longueur de voix émeut et réjouit. Il en va de même de l’alto de Paul Figuier. La sûreté des moyens, une maîtrise sans faille, un souffle parfaitement maîtrisé permettent à notre contre-ténor de nous faire oublier ses illustres devanciers (alto y comprises). Leur duo complice, toujours équilibré et coloré, est un régal, porté par des instrumentistes inspirés.

Les deux cantates à voix seule (« Motetti », de 1702) ne sont pas des découvertes, même si leur discographie est limitée. Elles introduisent idéalement le Stabat Mater, en ce sens que l’on part de la jubilation virtuose et lumineuse du Jam sole clarior (3 arie entre lesquelles sont intercalés deux récitatifs) pour passer à la plénitude méditative de Infirmata vulnerata, avant la douloureuse contemplation finale. Une belle sonate à quatre, en fa mineur – bienvenu rappel du talent instrumental du compositeur – précède le Stabat Mater.

Dans le premier « motet », la complicité du violon de Thibault Noally, la délicatesse raffinée de son ornementation, ses entrelacs avec la voix d’Emmanuelle de Negri participent au constant bonheur de l’écoute. C’est Fischer-Dieskau, en 1964, (avec Aurèle Nicolet à la flûte pour le dessus), qui fit connaître la cantate Infirmata vulnerata.  Le timbre lumineux de Paul Figuier, la souplesse d’une voix ayant intégré tous les canons stylistiques du baroque font de cette pièce un moment de plénitude recueillie.

Les Accents s’y montrent exemplaires :  le son riche et homogène, la clarté du jeu, aussi raffiné que porté par un souffle constant, tout est là, idéalement.

Un disque généreux, non seulement par sa durée, mais surtout par l’engagement de ses interprètes pour des œuvres servies de façon inspirée. Une référence.

(*) Dès 1998, Rinaldo Alessandrini associait les deux ouvrages au disque.

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