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Tosca

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DVD
1 juin 2009
Une Tosca plutôt honorable

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

Giacomo Puccini (1858-1924)
TOSCA

« Opera lirica » en trois actes sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
d’après le drame en cinq actes et six tableaux de Victorien Sardou, La Tosca (1887),
et créé au Teatro Costanzi de Rome (aujourd’hui « Teatro dell’Opera di Roma »), le 14 janvier 1900.

Mise en scène, Mario Corradi
Décors et Costumes, Igor Mitoraj
Lumières, Valerio Alfieri

Floria Tosca, cantatrice célèbre : Antonia Cifrone
Il Cavalier Mario Cavaradossi, artiste peintre : Stefano Secco
Il Barone Vitellio Scarpia, chef de la Police romaine : Giorgio Surian
Spoletta, agent de police : Massimo La Guardia
Sciarrone, gendarme : Fernando Ciuffo
Il Sagrestano, sacristain de l’église Sant’Andrea della Valle : Franco Boscolo
Cesare Angelotti, consul de l’ex-République romaine : Riccardo Ferrari
Un carceriere, un gardien de prison : Veio Torcigliani
Un pastore, un jeune berger : Giovanni Caramanna

Orchestra e Coro della Fondazione Festival Pucciniano di Torre del Lago
Maestro del Coro : Stefano Visconti
Chœur d’enfants du Festival Puccini de Torre del Lago dirigé par Susanna Altemura
Maestro Concertatore e Direttore : Valerio Galli

Enregistré au cours du 53ème Festival Puccini de Torre del Lago,
durant le mois d’août 2007

Durée totale : 124 mn.
Notes et résumé de l’intrigue, en italien, anglais, allemand et français
Sous-titres en en italien, anglais, allemand, français et espagnol
DYNAMIC DVD 33569

Monter aujourd’hui Tosca, opéra daté historiquement et localement en des lieux demeurés célèbres, en partie grâce à lui (le Castel Sant’Angelo notamment), laisse peu de liberté au metteur en scène, c’est pourquoi certains commettent l’inutile transposition sous d’autres situations conflictuelles, opposant deux partis ou deux nationalités. Le conflit politique de Tosca se reflète de manière suffisamment explicite dans les personnages, à commencer par leur présentation. Le baron Scarpia, habillé et coiffé à l’ancienne, incarne ainsi sous une élégance voyante, superficielle et de manière symbolique, le pouvoir réactionnaire et la répression impitoyable, en opposition évidente avec l’artiste peintre en chemise au col mou et en bottes, plutôt « sport », séduit par les idées libertaires représentées par Napoléon Ier.

Ici, point de perruque poudrée à la Louis XV ni de souliers vernis à boucles brillantes pour le baron, pourtant si utiles non seulement à la prestance du personnage, mais pour la symbolique rétrograde attachée à ces ornements d’un passé conservateur de l’absolutisme. La sobriété est de rigueur et seul l’habit reste dans la note… seulement voilà : une telle sobriété aurait dû se retrouver dans le choix des figurants et de leur gestuelle : ainsi, l’entrée du terrifiant baron, suffisamment impressionnante dramatiquement et musicalement, ne nécessitait nullement un accompagnement de sbires-moines (à cause de capuches cachant leur visage), repoussant les jeunes gens, les menaçant et les maintenant en respect !  Inutiles également les gestes de menace régulièrement esquissés de leur cravache —qui ressemblerait plutôt à une tapette pour tuer les mouches, accentuant ainsi le ridicule du geste superflu !— envers le pauvre sacristain notamment, qui, s’il tremble de peur, ne demande pourtant qu’à révéler tout ce qu’il sait à l’impérieux chef de la police.

Puisque nous sommes dans les ajouts déplacés, lorsque l’on connaît la personnalité d’élégance en dentelles tout juste de façade du baron, que dire du geste du gendarme Sciarrone le parfumant (!) au début de l’acte II, et parfumant encore le billet pour Floria Tosca qu’il lui tend ?

Malgré la perfection rejointe par Puccini et ses librettistes dans un tel chef-d’œuvre, tentons de n’être pas trop viscéralement attachés à la lettre — c’est le cas de le dire — du livret, et acceptons que Tosca ne poignarde pas le baron au moyen du couteau qu’elle doit prendre sur la table, mais lui préfère une aiguille à coiffure monstrueuse retenant ses longs cheveux noirs, à côté de laquelle celles de Cio-Cio-San (quand le metteur en scène lui en concède) font figure d’épingles. Par contre, ajouter au coup fatal, trois autres coups (!) de l’aiguille terrible, frise le ridicule et leur inutilité émousse jusqu’à la conviction, en son geste, de la malheureuse devant se préter à cette exagération !

Inutile, dans le duo d’amour, l’allongement au sol, peut-être d’un réalisme cinématographique mais ici artificiel au possible, vu le style des personnages et de leur époque, sans parler du fait que la scène se passe dans une église !  De même, au deuxième acte, le sofa des librettistes, pourtant amplement suffisant, se voit remplacé par un lit (!) sur lequel Tosca et le baron Scarpia vont se évidemment se vautrer… Le meilleur est à venir, lorsque le baron tente de lui donner un baiser de force (geste non prévu dans le livret et inutile car la pression dramatique de l’odieux chantage suffit), Tosca ajoute —parfaitement : ajoute du texte !— après la réplique « Va, va, mi fai ribrezzo ! (Va, tu me dégoûtes !) », Tosca lâche alors deux méprisants « Beh ! » écoeurés, correspondant au terme français pouah.
La prière de Tosca se double de celle du spectateur consterné, afin qu’elle se lève et qu’on l’entende, car elle commence son grand air « Vissi d’arte » couchée ! le baron passant une main émue sur ses « belle forme », comme dira plus tard Mario dans son air célèbre… Précisément, à ce moment du drame, le pauvre n’aura pas droit à la table sur laquelle il doit écrire son billet d’adieu à Tosca, devant se contenter du parapet, mais en revanche, on aperçoit deux autres prisonniers en mauvais état et que l’on vient chercher après le chant du jeune berger… ah !  le berger, parlons-en. Puccini s’est donné la peine de soigner son atmosphère, se renseignant avec précision sur les sonorités des cloches de Rome, et adaptant un vieux chant traditionnel de berger, comme le montra efficacement le comédien romain populaire et sympathique Gigi Proietti sur les ondes de la RAI. Que sert alors de faire paraître pour de bon le berger, un peu emprunté —chantant faux en plus—, au milieu des sons inutiles d’envahissantes cloches de moutons ! Autant de touches réalistes malvenues car détournant l’attention du spectateur : ce vide scénique, —angoissant concept pour nos metteurs en scène qui se doivent de le combler toujours !— doit précisément permettre de savourer la délicate mélodie qu’un jeune berger chante au loin, en cette délicieuse aube romaine d’une époque où la campagne avoisinait le Château Saint-Ange…

On vient de le voir, cette mise en scène est le pur reflet de notre époque, en ce qu’elle est curieusement « coincée » entre un parti pris moderne de sobriété voire de dépouillement, et une tendance à la surcharge en détails pseudo-réalistes mais inutiles, tantôt déplacés, parfois ridicules et —c’est le comble— nuisibles à l’effet scénique. Pourtant, cette Tosca « fonctionne » tout de même… grâce à la puissance de Puccini, certes, mais également aux qualités de l’exécution musicale.

La Floria Tosca de Antonia Cifrone est intéressante à plus d’un titre : par son timbre solide, mais chaud et pulpeux, remplaçant ce que son physique de grande et belle femme ne possède pas, car sa minceur confine à la maigreur osseuse. Par sa maîtrise du chant et de l’incarnation du personnage et il est d’autant plus dommage que des aigus forcés pas très jolis viennent entacher ce chant efficace. En revanche le terrible aigu juste avant le duo du troisième acte « O dolci mani », est réussi !

Mario Cavaradossi est un personnage très attendu en ce qu’il possède un air fort célèbre, peut-être le plus poignant de tout le répertoire, emblématique en plus, de l’opéra italien tout entier !  Il est donc « attendu » à tous les sens du termes, ce qui renforce la difficulté pour un ténor de revêtir les habits du peintre… Stefano Secco possède une belle belle voix douce et chaleureuse ne manquant pas de puissance mais peut-être seulement de vaillance, pour faire la nuance, ou de ce brillant indispensable notamment dans le fameux air « E lucevan le stelle » évoqué plus haut. Il a beau en effet exprimer la douleur du plus profond désespoir, il lui faut, pour le restituer dans toute sa splendeur, un soupçon d’éclat, de projection séductrice mais surtout pas racoleuse. On apprécie néanmoins la prestation de ce ténor, en général et dans les dans les moments attendus comme cet honorable « Vittoria, Vittoria ! », et l’efficace et harmonieux —c’est le cas de le dire— « Recondita armonia ».

On connaît le problème d’un baron Scarpia-baryton-basse : ce que l’on gagne en autorité inhérente au timbre de basse, est démenti par un aigu forcément limité car la tessiture n’est pas celle du baryton !  C’est le cas de Giorgio Surian : l’aigu peine et un vibrato malvenu retire l’autorité indispensable au personnage, lui apportant une fragilité hors de propos. La prestance physique du chanteur rattrape quelque peu les choses, et l’on est curieusement à la fois amusé et impressionné de retrouver des traits du visage rappelant ceux de l’acteur Robert Ryan, infatigable « méchant » de service dans tant de westerns !

Les rôles secondaires sont bien tenus (à part le berger calamiteux) et l’on regrette seulement que le sacristain soit hargneux envers le peintre ! (parti pris de mise en scène ?). Il s’agit d’un rôle de composition, souvent tenu par un vétéran de la scène d’opéra et ses commentaires « Scherza coi fanti e lascia star i santi : plaisante avec les valets et laisse les saints tranquilles », durant l’air superbe de Mario « Recondita armonia », relèvent plus d’une indignation bigote que d’une animosité affichée. Ils ne doivent en aucun cas couvrir ni gêner l’harmonie de l’air et du reste non seulement le texte est placé entre parenthèses dans le livret, ce qui signifie qu’il doit être prononcé à part, mais Luigi Illica et Giuseppe Giacosa se donnent encore la peine de préciser dans la didascalie : « (fra sé brontolando a mezza voce) », c’est-à-dire : pour lui-même, grommelant à mi-voix.

Le jeune chef Valerio Galli, apparemment présent juste pour l’enregistrement (1), n’affiche qu’une fois —mais c’est déjà trop, surtout à cet endroit— le défaut de son temps : la précipitation. L’impressionnant Finale primo, culminant avec le Te Deum dominé par la foi péremptoire du baron Scarpia « Tosca, mi fai dimenticare Iddio ! (Tosca, tu me fais oublier Dieu !) », s’achève en apothéose terrible par une conclusion orchestrale reprenant fortissimo le motif musical du baron Scarpia. Ici, l’exposition est rapide, « liquidée », baclée au lieu d’exploser de manière triomphante, scellant d’emblée la suite du drame, orchestrée par le vil stratège devant lequel « tremava tutta Roma » (tremblait Rome toute entière), selon ce vers célèbre. Le chef n’a même pas l’excuse de devoir accompagner la chute du rideau, recommandée rapide par les librettistes : la représentation avait lieu en plein air !  Par ailleurs, l’équilibre est maintenu dans le reste de sa lecture qu’il dirigeant avec plus de chaleur qu’il n’en montre sur un visage froidement indifférent, peut-être mal à l’aise devant la présence des caméras.
On regrette l’incertitude des cuivres, notamment lorsqu’ils se déchaînent après la décharge des fusils et — c’est plus grave et inadmissible— dans la charge finale si impressionnante, car doit exploser alors tout le désespoir du drame, symboliquement contenu dans la reprise fortissimo du grand air de Mario. Frustré, à la fois incrédule et indigné, l’auditeur-spectateur se dit alors :  « Non ! pas à ce moment de l’opéra, et surtout pas ici, chez Puccini ! ».

Malgré cela, ce Dvd, s’il ne s’impose pas, se laisse voir et peut même représenter une approche honorable pour une découverte du chef-d’œuvre de Giacomo Puccini.

Yonel Buldrini

_______

(1) Selon une interview nous fournissant également le jour précis de la représentation (9 août) : http://www.firenze-lirica.com/articoli/valerio_galli_intervista.html

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Giacomo Puccini (1858-1924)
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« Opera lirica » en trois actes sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
d’après le drame en cinq actes et six tableaux de Victorien Sardou, La Tosca (1887),
et créé au Teatro Costanzi de Rome (aujourd’hui « Teatro dell’Opera di Roma »), le 14 janvier 1900.

Mise en scène, Mario Corradi
Décors et Costumes, Igor Mitoraj
Lumières, Valerio Alfieri

Floria Tosca, cantatrice célèbre : Antonia Cifrone
Il Cavalier Mario Cavaradossi, artiste peintre : Stefano Secco
Il Barone Vitellio Scarpia, chef de la Police romaine : Giorgio Surian
Spoletta, agent de police : Massimo La Guardia
Sciarrone, gendarme : Fernando Ciuffo
Il Sagrestano, sacristain de l’église Sant’Andrea della Valle : Franco Boscolo
Cesare Angelotti, consul de l’ex-République romaine : Riccardo Ferrari
Un carceriere, un gardien de prison : Veio Torcigliani
Un pastore, un jeune berger : Giovanni Caramanna

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Maestro del Coro : Stefano Visconti
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Maestro Concertatore e Direttore : Valerio Galli

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