Forum Opéra

Dix propositions pour remplacer Dudamel à l’Opéra de Paris

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Actualité
23 août 2023
La nouvelle est tombée en fin de saison et ne cesse de susciter les spéculations : Gustavo Dudamel démissionne de ses fonctions de directeur musical de l’Opéra de Paris. Immense surprise pour les uns, décision attendue pour les autres.

Infos sur l’œuvre

Détails

Plusieurs facteurs explicatifs émergent çà et là. Les « raisons personnelles » et familiales invoquées par le chef ne semblent guère convaincre. En revanche, les lourdeurs administratives de la Grande Boutique pourraient eu avoir raison de la patience d’un chef habitué aux maisons américaines. Ainsi, des tournées prévues (Etats-Unis, Angleterre…) n’ont pu être honorées faute d’accords sociaux pour les encadrer. Frustrant. On sait en outre que le chef vénézuélien est engagé ailleurs : il est le directeur musical de l’orchestre de Los Angeles (c’est loin) et de l’orchestre Simon Bolivar. En 2026, il prendra les rênes du New York Philharmonic (c’est loin aussi). En outre sa famille est basée à Madrid. Résultat : les apparitions programmées du chef étaient finalement peu fréquentes. Son engagement à s’investir dans des programmes d’éducation musicale en France ajoutait probablement au stress de cette ubiquité. Sans doute y a-t-il quelque sagesse personnelle dans cette décision, mais on est en droit de la regretter pour l’Opéra et ses équipes. Après le départ surprise d’Aurélie Dupont, Alexander Neef avait su avec patience et résolution trouver un remarquable directeur de la danse pour la remplacer. Gageons qu’il saura mettre ces vertus au service de la quête du successeur de Gustavo Dudamel. Forumopera propose dix scénarios de remplacement.

Alain Altinoglu
Avec un parcours aussi irréfutable côté opéra (il est le Directeur musical de La Monnaie de Bruxelles depuis 2016 et il vient d’être prolongé jusqu’en 2031) qu’en symphonique (actuel Directeur musical du HR-Sinfonieorchester de Francfort), Alain Altinoglu vient en outre de boucler avec brio son premier Festival international de Colmar… Habitué des plus grandes scènes lyriques mondiales (Vienne, le Met, Aix, Munich, Bayreuth, etc.), ce prodige de la baguette n’a qu’un seul défaut : son agenda est déjà bien rempli ! (JJG)

Herbert Blomstedt
De l’expérience, enfin de l’expérience ! Voilà ce que les chasseurs de tête mandatés par l’Opéra de Paris ont noté et stabiloté sur leurs petits calepins à l’effigie de Lloyd, Lloyd, Lloyd and Associates, la première agence de consulting lyrique de Californie (elle fait partie des célèbres Big Four, à côté de Williams & Williams, de Prize Waterfront Cougar et de Heart & Young). Pour en finir avec l’indécision des jeunes chefs qui, sitôt engagés quelque part, s’inquiètent déjà de leur prochaine chaire, ce qu’Alexandre Neef souhaite, c’est un peu de sagesse. En ce sens, Herbert Blomstedt (96 ans), doyen des chefs d’orchestre de premier rang, semble tout désigné. Son premier poste de directeur musical remonte à 1954, même s’il est nécessaire de souligner que son expérience opératique reste à démontrer. (CDR)© DR

Maxime Pascal
Ce qui frappe le plus lorsque l’on voit Maxime Pascal diriger un opéra du cycle Licht, Die sieben Tage der Woche (1) de Karheinz Stockhausen, c’est l’intense concentration des membres de son orchestre et leur intense jubilation à la fin de la représentation. Or, le vrai talent d’un directeur musical ne réside pas tant dans ses seules qualités artistiques et musicales, mais dans ses facultés d’entraînement et de motivation, sa capacité à donner du sens. Bref, même si le mot peut blesser certaines oreilles, un bon directeur musical est d’abord un manager de qualité. Trop jeune ? James Levine avait 32 ans quand il fut nommé à la tête du Metropolitan Orchestra et il en fit un des meilleurs orchestres d’opéra du monde. Trop concentré sur la musique de son époque ? C’était le cas d’Arturo Toscanini qui dirigea les créations mondiales ou locales d’œuvres de Richard Strauss, Puccini, Debussy, Leoncavallo et bien d’autres, tout en ressuscitant triomphalement Don Pasquale à la Scala, un ouvrage à l’époque totalement déconsidéré. Attendu au tournant par une formation exigeante, et qui l’est même doublement pour un chef français ?

Maxime Pascal, Le Balcon
Maxime Pascal  Le Balcon

Maxime Pascal a déjà dirigé avec succès l’orchestre de l’ONP. Un défaut ? Certes, ce n’est pas une femme, mais, pour reprendre la conclusion de Certains l’aiment chaud : « Personne n’est parfait ! ». (JMP)

(1) Il y a 7 opéras dans le cycle mais on n’est pas non plus obligé d’y passer la semaine.

Raphaël Pichon
Et si le futur directeur musical de l’Opéra national de Paris était un baroqueux ? On connaît de longue date les relations houleuses entre les musiciens de l’orchestre et les chefs invités venus de la musique ancienne. On se souvient par exemple du départ précipité d’Emmanuelle Haïm, suite à une mésentente insolvable lors des répétitions d’Idomeneo en 2010. Il n’empêche : la venue de Raphaël Pichon permettrait une rupture franche, en insufflant un vent de jeunesse dans l’institution, et en renouvelant les pratiques orchestrales. Ce serait également un choix commercial astucieux : les productions baroques cartonnent chaque saison, il n’y a qu’à voir la récente série d’Ariodante à guichets fermés. D’ailleurs, d’autres institutions commencent à miser sur le jeune chef français (38 ans). Raphaël Pichon dirige cet été rien que moins que la nouvelle production mozartienne de l’édition 2023 du Festival de Salzbourg, à la tête du prestigieux Wiener Philharmoniker dans les Noces de Figaro, pour huit représentations. Un signe ? (YJ)

Raphaël Pichon © Manuel Braun

Speranza Scappucci
Speranza Scappucci est l’une des cheffes lyriques actuelles les plus intéressantes et les plus douées, dont le nom, sans esbroufe ni grands renforts de marketing, s’affiche dans de très nombreuses maisons d’opéra à travers le monde, en Europe comme en Amérique du Nord. Elle ne dirige pourtant que depuis une dizaine d’années après s’être longtemps consacrée au travail de répétitrice notamment aux côtés de Riccardo Muti à Salzbourg mais aussi au Met, à Glyndebourne ou à Chicago. Elle est l’une des premières femmes à avoir dirigé l’orchestre de l’Opéra de Vienne et c’est d’ailleurs à elle qu’on fait appel peu après pour remplacer Semyon Bychkov pour le très select Wiener Opernball, 5 ans à peine après ses débuts sur un podium. Directrice musicale de l’Opéra royal de Wallonie pendant plusieurs années, elle vient d’être nommée cheffe principale invitée de Covent Garden et a fait ses débuts presque simultanément dans la fosse du Metropolitan Opera et de la Scala de Milan, première italienne à y diriger sous les vivats du public. Ses débuts à l’Opéra National de Paris dans une reprise des Capuleti e i Montecchi de Bellini lui ont valu un vif succès, de même qu’un récital mémorable avec Marina Rebeka et Karine Deshayes dont elle s’est montrée une accompagnatrice très attentive, mais durant lequel sa direction précise et animée a été particulièrement remarquée. C’est une authentique cheffe lyrique qui ne dédaigne pas diriger des concerts symphoniques mais qui devrait sans doute élargir son répertoire aujourd’hui très cantonné à l’opéra italien, bien qu’elle fasse quelques incursions dans les œuvres françaises (Poulenc par exemple). Sa longue expérience de répétitrice et de connaisseuse intime du travail de préparation des orchestres de fosse, puis de directrice musicale d’une maison importante, en feraient une candidate très sérieuse pour Paris, loin du star-system clinquant qui ne dure qu’un temps. (CM)

Speranza Scappucci © DR

Markus Stenz
Si l’on pense, avec Albert Einstein, que la folie consiste à faire toujours la même chose en espérant obtenir à chaque fois un résultat différent, la sagesse devrait peut-être inciter les autorités compétentes à chercher pour l’Opéra de Paris un nouveau directeur musical bien distinct du précédent, si l’objectif est qu’il soit fidèle au poste, pleinement impliqué, prêt à s’engager dans la durée.
Alors interrogeons-nous : à qui donc pourrait bien ressembler un anti Gustavo Dudamel ? Pour imparfaite que soit la science du portrait-robot, le résultat semble sans appel : on tombe sur Markus Stenz. Le premier est une star courtisée par les orchestres les plus glamours de la planète, le second préfère la collaboration à long terme avec une même phalange ; le répertoire de l’un se concentre surtout sur la musique symphonique, celui de l’autre, après onze ans à la tête du Gurzenich de Cologne, n’ignore rien de l’art lyrique, jusqu’à ses recoins les plus exigeants où se cachent Hans Werner Henze et Kurt Weill. Seul point commun que partagent Stenz avec Dudamel, mais qui ne devrait inquiéter personne : le très sérieux Kapellmeister a déjà dompté les impétueux musiciens de l’Opéra, qu’il a dirigés l’année dernière avec un grand succès dans la Fin de partie de Kurtag : un titre anti-évocateur des relations que pourrait bientôt avoir l’anti-Dudamel avec la grande boutique ? (CT)

Markus Stenz
Markus Stenz

Nathalie Stutzmann
Musicienne jusqu’au bout de la baguette ; enfant de la balle ; autrefois bassoniste ; contralto ; aujourd’hui cheffe saluée régulièrement par la critique depuis Tannhaüser à Monte-Carlo en 2017 ; invitée à diriger les plus grandes phalanges internationales dans tous les répertoires et dans certaines de nos maisons d’opéra les plus fameuses – New York en ce moment, Bayreuth cet été – ; femme (ce qui fut longtemps un handicap avant de devenir un atout au sein d’une profession en quête de mixité) et dans son genre, la deuxième à avoir pris la direction d’un grand orchestre américain (le Symphonique d’Atlanta) ; française et donc avertie des particularités culturelles du pays aux 1600 fromages et aux 8 organisations syndicales ; et enfin, pour pimenter une candidature sinon trop évidente, précédée du buzz suscité il y a peu par des propos maladroits sur l’ennui supposé des instrumentistes en fosse. Qui dit mieux pour prendre en main les rênes musicaux de « la grande boutique » ? (CR)

Lydia Tár
Lydia Tár est avant tout une cheffe symphonique, on le sait. La qualité exceptionnelle de sa récente intégrale des symphonies de Mahler avec le Berliner a suffisamment été commentée, probablement au détriment de ses incursions fort intéressantes à l’opéra. Citons par exemple Céphale et Procris de Grétry à l’Opéra royal de Marche-en-Famenne, une intégrale des cantates de Luigi Rossi avec l’ensemble I Masochisti ou encore l’exploration fascinante des œuvres vocales de René Leibowitz, avec la complicité de son mentor Marin Alsop. Son engagement auprès de la jeune génération notamment au travers du programme Accordion ne laissera certainement pas les hauts décisionnaires français insensibles. D’aucuns l’accusent de comportements abusifs et déplacés auprès de jeunes cheffes ; nous n’y voyons que les calomnies d’âmes jalouses, qui se contentent d’écorner un talent à défaut de savoir l’égaler. (AJ)

Lydia Tar
Lydia Tar

Tom, Le Chat
C’est de notoriété publique : Alexander Neef est fou de colère que Dudamel ait, en définitive, préféré Los Angeles à Paris. C’est sur les ruines fumantes de cette faute de goût que le directeur de l’Opéra de Paris entend appliquer la loi du Talion : œil pour œil, Californien pour Californien. Dans cette logique (que nous n’envisageons qu’avec tristesse car la vengeance est toujours mauvaise conseillère), le candidat offrant le plus de certitudes (notoriété, probité morale, originaire de Los Angeles) semble être le personnage de Tom le Chat, réputé pour ses qualités de grand virtuose du piano, pour son opiniâtreté, pour sa morgue. Il apparaît comme le candidat le plus probable, d’autant que – extravagance d’artiste – son cachet ne serait que de cent boîtes de ragougnasse par mois et d’une palette de cartons de lait pasteurisé. (CDR)

Tom le Chat
Tom le Chat

Simone Young
Sa carrière n’est peut-être pas de tout premier plan en France, mais la cheffe australienne jouit d’une solide notoriété dans le milieu lyrique germanophone. Longtemps directrice musicale de l’Opéra de Hambourg, sa connaissance du répertoire lyrique n’est plus à prouver. De plus, son intérêt pour un certain XXe siècle (Strauss, Britten, etc) semble aller de pair avec les affinités de la direction de la Grande Boutique. Son succès auprès de l’orchestre et du public lors de la Salome très remarquée de la saison précédente la place en tout cas parmi les candidates sérieuses à la succession de Dudamel. (AJ)

Simone Young
Simone Young

Avertissement : il est important de ne pas prendre cet article entièrement au premier degré.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Rencontre avec les nouveaux promoteurs du Banquet Céleste, dans une perspective résolument collégiale.
Interview
Rencontre croisée entre le metteur en scène Christof Loy et le baryton Stéphane Degout à l’occasion de la recréation de l’opéra Guercœur à l’Opéra National du Rhin à Strasbourg.
Interview