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Hasnaa Bennani : « Je n’ai pas du tout envie d’entrer dans le star system »

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Interview
18 janvier 2016

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Remarquée chez Lully et Rameau sous la conduite de Christophe Rousset, Hasnaa Bennani affronte aujourd’hui rien moins que l’héritage de Francesca Cuzzoni, star de l’opéra haendélien et célèbre rivale de Faustina Bordoni. Coup d’audace ou métamorphose ? Réponse le 22 janvier à Gaveau, où l’artiste défendra le programme du récital publié chez Ramée et dont elle nous a entretenu le jour même de sa sortie (DERNIERE MINUTE : Hasnaa Bennani, souffrante, a dû annuler son concert Salle Gaveau).    


Comment en êtes-vous arrivée à vous consacrer au chant plutôt qu’au violon, que vous aviez également étudié au Maroc ?

Quand je suis arrivée en France, j’ai travaillé les deux, très sérieusement, mais il se fait que j’ai passé le concours du Conservatoire de Paris et que je l’ai obtenu en chant. Poursuivre également le violon était beaucoup trop lourd comme cursus. En vérité, j’étais également un peu plus portée vers le chant. Pendant les quatre ans du CNSM, je n’ai pas pu le toucher et j’ai arrêté.

Et y renoncer n’a pas été trop douloureux ?

Un peu, parce que j’étais déjà arrivée à un bon niveau, cela me fait d’ailleurs toujours plaisir de rejouer de temps en temps à la maison, mais ce n’est pas non plus trop frustrant, parce que je suis restée dans la musique, ce n’est pas comme si je m’étais lancée dans des études d’ingénieur.

C’est par Rameau que vous êtes venue au baroque, séduite par son attention au mot, par son expressivité. Or, une toute autre rhétorique est à l’œuvre chez Haendel. Comment abordez-vous la construction des Da Capo ?

C’est vrai que jusqu’ici, j’ai plutôt évolué dans le baroque français – ou italien, mais du dix-septième – Haendel est relativement nouveau pour moi, même si je l’ai travaillé au conservatoire. Pour ce qui est de l’interprétation des Da Capo, d’abord, je préfère ne pas écouter les autres, c’est très important pour moi. J’écris plein de choses, j’en essaie beaucoup, puis je vais voir un chef de chant pour voir si cela convient, stylistiquement et harmoniquement – il peut arriver que je me trompe. Mais l’ornementation me vient assez naturellement, j’aime cet exercice. Après, je soumets notre travail au chef à la première répétition, lui aussi me donne des idées et me propose des cadences auxquelles il avait pensé.

Quand on débute dans le métier et qu’on est aussi jeune que vous, dans quel état d’esprit se mesure-t-on à une légende telle que la Cuzzoni ?

[Rires] C’est un défi : on n’a pas envie de faire mieux ni même de l’égaler. L’histoire est assez simple. J’avais déjà travaillé avec Peter [Van Heyghen, directeur de l’ensemble Les Muffatti] et nous avions envie de faire un disque ensemble. On a envisagé pas mal de choses, notamment du Porpora, puis un jour, il a lu un article très développé sur Francesca Cuzzoni, ayant trait aussi bien à sa voix, à sa manière de chanter, qu’à son caractère et à sa personnalité. Elle charmait avant toute chose par sa voix…

Tous les témoignages se rejoignent pour dire que son timbre même touchait profondément les auditeurs …

Voilà, je ne dis pas du tout que c’est aussi le cas pour moi, mais Peter m’a expliqué qu’il avait immédiatement pensé à moi en lisant cet article. Il y a un pan de sa personnalité, en revanche, que je ne partage pas du tout : elle était un peu diva, très sûre d’elle. L’idée m’a plu, je me suis aussi documentée sur elle et les airs que lui destine Haendel sont d’une telle qualité. J’ai donc accepté, mais vraiment en toute humilité.

En juin, vous chanterez le rôle de Berenice dans Scipione au Festival de Halle, mais vous souhaitez aussi faire plus de scène. Parmi tous les rôles créés par la Cuzzoni, si vous pouviez choisir, lequel incarneriez-vous en premier ?

C’est difficile… Je dirais quand même Cléopâtre, car c’est un personnage qui m’a toujours fascinée, même étant enfant, de par les nombreuses références dans la littérature ou le cinéma. Les histoires d’amour entre deux personnes qui viennent de mondes totalement différents sont quelque chose que j’aime défendre. C’est tellement actuel! Et puis bien sûr, il y a la musique! Les airs de Cléopâtre font partie des plus belles pages écrites par Haendel. Et maintenant que je vais avoir l’occasion d’étudier l’intégralité du rôle, Bérénice est un joli cadeau à interpréter aussi.

Récemment, un confrère formulait le vœu que les baroqueux ne vous gardent pas jalousement pour eux et qu’on puisse vous entendre dans d’autres répertoires. Mais qu’en est-il de vos désirs ?  

Je suis très bien dans le baroque ! Je n’ai pas envie d’aller là où je ne suis pas dans mes baskets. Néanmoins je désire vraiment chanter Mozart, surtout le rôle de Susanna, qui est pour moi, malgré son apparence, très exigeant, car d’abord un des plus longs rôles mozartiens, en outre, le personnage, dont j’aime la personnalité, tient l’intrigue de bout en bout. Et pourquoi pas – mais pas maintenant, car je suis vraiment bien dans ce que je fais – des choses plus tardives, du belcanto, mais ce n’est pas du tout obligatoire, Mozart, par contre, j’y tiens vraiment. J’aime aussi beaucoup la création contemporaine, j’ai eu l’occasion de chanter des pièces de Ahmed Essyad, compositeur marocain, ou de Gérard Condé… Je n’en fais pas assez à mon goût, j’aime défendre une œuvre avec son compositeur, travailler avec lui.

Des étoiles filantes traversent régulièrement le ciel lyrique, comment appréhendez-vous votre carrière, l’évolution de votre voix ?

Ce phénomène fait peur à tous les jeunes chanteurs qui se lancent et commencent à avoir un peu de succès. C’est pour ça que, comme je le disais, rester dans ses baskets, c’est déjà très important. J’ai déjà refusé des propositions, des choses que je ne me sentais pas capable de faire ou que je ne souhaite pas interpréter maintenant. Rien qu’un récital à Gaveau représente un grand événement pour moi. J’espère poursuivre la collaboration avec les ensembles qui me sont fidèles, ce serait déjà une belle victoire. Pour la suite, franchement, je ne demande pas grand chose, je n’ai pas du tout envie d’entrer dans le star system. J’ai une vie de famille, j’ai envie de chanter parce que c’est ce que j’aime faire, je désire en vivre et donner le maximum au public. Par contre, donner plein d’interviews, etc., cela me stresse, je joue le jeu, bien sûr, mais ce n’est pas mon tempérament ; je suis plutôt du genre à venir pour chanter ce que j’ai à chanter et repartir aussitôt  [Rires].                            

Propos recueillis le 8 janvier 2016

 

 

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