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Questionnaire de Proust : Thomas Dolié

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Interview
15 février 2021
Questionnaire de Proust : Thomas Dolié

Infos sur l’œuvre

Détails

Révélation des Victoires de la Musique en 2008, Thomas Dolié n’avait encore jamais quitté le firmament lyrique et seule la pandémie nous empêchera de le retrouver dans Falstaff (Ford) le mois prochain, l’Opéra de Bordeaux ayant dû renoncer à cette production. Néanmoins, la trajectoire, ondoyante et diverse, du baryton trahit l’éclectisme insatiable de celui qui se considère d’abord comme un musicien plutôt que comme un homme de théâtre. Un éclectisme sur lequel s’ouvre, précisément, le questionnaire de Proust. 

1. Le principal trait de mon caractère ? 

La curiosité ou l’éclectisme. La curiosité, donc l’éclectisme, sûrement. 

2. La qualité que je préfère chez un ténor ? 

Le phrasé. 

3. La qualité que je préfère chez une soprano ?

De belles résonances dans les graves et les sons filés dans la musique baroque…

4. Ce que j’apprécie le plus chez mes collègues sur scène ? 

La conscience du travail d’équipe.

5. Mon principal défaut ? 

Comme tous les hyper-sensibles, je me méfie de ma tendance aux réactions exagérées, dans tous les sens ! Je peux paraître très distant aussi parfois, mais en fait je suis juste timide. 

6. Mon occupation préférée dix minutes avant de monter sur scène. 

Me dire que mon occupation préférée commencera dans 10 minutes ! 

7. L’opéra que je préfère. 

Question impossible… Allez, aujourd’hui je dirais Tosca, mais reposez moi la question demain et ce sera une autre réponse.

8. L’opéra qui me casse les oreilles. 

Qui me casse les oreilles, aucun, mais La Sonnambula a tendance à m’endormir très vite…

9. Le dernier rôle que je voudrais chanter ? 

Golaud. Je l’ai déjà chanté et je voudrais le chanter jusqu’à mon dernier souffle. Le doute, la quête, l’angoisse, la violence, mais aussi l’amour, la douceur, les remords, le désespoir, tous les démons et toutes les souffrances de l’humanité dans un rôle : c’est infini, on n’a pas assez d’une vie… Bon, peut-être que Pelléas est mon opéra préféré, finalement, vous voyez, j’ai déjà changé d’avis. 

Sinon le Sprecher dans La Flûte Enchantée, pour boucler la boucle. 

10. Le pays où je désirerais vivre ? 

Un pays où la solidarité, l’humain et le respect de la nature l’emportent sur toutes les autres questions… Je ne l’ai pas trouvé, alors je fais ce que je peux pour faire aller celui-ci dans cette direction. 

11. La couleur que je préfère ? 

Le vert, aucun lien avec la question précédente,  quoique…

12. Mon air préféré ? 

La scène de la lettre dans Eugène Onéguine.

13. Mon disque de chevet. 

Un récital de Lucia Popp et Geoffrey Parsons, live de Salzbourg (Dvorak, Prokofiev, Kodaly, Brahms). Je l’écoute depuis le lycée, je ne m’en suis jamais lassé. (Oui, j’étais un peu spécial, au lycée, …)

14. Mes compositeurs favoris à l’opéra ? 

C’est dur… Rameau, Mozart, Puccini, Wagner, mais c’est tellement réducteur.

 

15. Mes Lieder ou mélodies préférées ? 

Histoires NaturellesLe Martin-Pêcheur si je dois en choisir une seule ; la deuxième ballade de François Villon (Debussy), L’Heure exquise de Reynaldo Hahn. Pour les Lieder, Die Taubenpost de Schubert, Anakreons Grab de Wolf…

16. Mes héros favoris dans l’opéra ? 

Je vais pas revenir sur Golaud…J’ai une tendresse pour les gentils qui se révèlent profonds : Papageno, Ramiro et ceux qui souffrent avec discrétion et élégance –  Eletsky, Wolfram. (Que des barytons, vous avez remarqué ?)

17. Mes héroïnes favorites dans l’opéra ? 

J’ai été très marqué par la lecture du livre de Catherine Clément, l’Opéra ou la défaite des femmes, qui montre que l’opéra, c’est très souvent le destin d’une femme brisé par le désir et la violence des hommes. Les héroïnes que je préfère dans ce combat-là, Carmen, Platée, Donna Elvira, Isolde et pourquoi pas Lolo Ferrari !

18. Mes metteurs en scène préférés ? 

Peter Brook, Deborah Warner, Emmanuelle Cordoliani, Laura Scozzi…


Thomas Dolié © Julien Benhamou

19. Mes peintres favoris ? 

Le Greco, Goya, Magritte.

20. Mes héros dans la vie réelle ? 

A l’opéra, les régisseurs et les assistants – vous n’avez pas idée du travail que ces gens font et de ce qu’ils prennent dans la figure à longueur de journée. 

Dans la vraie vie – bon, parce que l’opéra, c’est pas tout à fait la vraie vie, faut pas exagérer – les travailleurs sociaux (à peu près pour les mêmes raisons d’ailleurs !)

21. Mes héroïnes dans l’histoire ? 

Celles  qui me viennent en premier à l’esprit, ce sont les féministes, mais parce que c’est un peu étrange de « genrer » ces questions, non ? Mes héros dans la vie réelle sont des hommes et des femmes. Dans l’Histoire aussi. Je dirais toutes celles et ceux qui se battent contre les oppressions : les artistes, les révolutionnaires, les féministes, les intellectuel.le.s et surtout les anonymes ! J’admire beaucoup le courage de quelqu’un comme Navalny, en ce moment, et tous celles et ceux qui manifestent contre Poutine ces jours-ci. Le type a été empoisonné, les manifestants sont arrêtés par milliers, et ils continuent… sacré courage. 

22. Mes prénoms favoris ? 

Ceux des gens que j’aime.

23. Ce que je déteste par-dessus tout ? 

Détester, c’est un bien grand mot, mais ça m’énerve quand les gens disent « il faut sauver la planète ». La planète ne risque rien, elle a déjà connu bien pire et survivra à ce que nous lui faisons ; ça n’est pas elle qui est en danger, c’est nous, c’est notre capacité d’y vivre. Disons que cette vision démiurgique, très certainement inconsciente d’ailleurs, de l’Homme au centre de tout, sauveur de tout, oui, non, j’aime pas trop…

24. Personnages d’opéra que je méprise le plus ? 

Germont père.

25. Mon pire souvenir sur scène. 

Le concert que j’ai dû assurer la veille de l’enterrement de mon père. C’était vraiment dur…

26. Mon meilleur souvenir sur scène. 

La Flûte Enchantée au Grand Théâtre de Bordeaux. Comme beaucoup, c’est le premier opéra que j’ai vu, enfant, dans ce même théâtre, avec mon père. Lors de cette production, j’étais entouré d’amis sur scène, dans la fosse, en coulisses et même dans la salle. Beaucoup de sentiments se sont télescopés : la joie de faire partie de ce spectacle et de chanter cette musique, dans ce lieu, de la partager avec mes amis. Je ne suis pas croyant, mais je pouvais sentir que mon père, qui a tellement compté dans mon parcours musical, était un peu avec nous aussi. C’est un très beau souvenir. 

27. Le don de la nature que je voudrais avoir ?

Danser. Je ne parle pas de danse professionnelle, parce que c’est tellement de travail. Mais même juste danser, je sais pas, je comprends pas…

28. Comment j’aimerais mourir ? 

Après tous les gens que j’aime, pour pas qu’ils soient tristes, mais pas trop longtemps après, parce que je vais m’ennuyer sans eux !

29. État d’esprit actuel ? 

Oh… j’alterne les moments de découragement et ceux où je me remonte les manches pour tenter de tout reprendre à zéro. Ce serait tellement génial de profiter de cette période d’arrêt pour repartir sur d’autres bases plus saines. 

30. Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence ? 

Toutes, quand elles sont admises.

31. Ma devise ?

Keep practicing.

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