Déjà largement décrit et critiqué sur forumopera lors de sa création en Flandres et sa reprise luxembourgeoise, la production des Pêcheurs de perles du collectif FC Bergman installe sa tournette à l’Opéra de Lille en ce début 2020. S’il nous est permis d’ajouter un commentaire aux forces et faiblesses relevées par nos confrères, on s’inscrira quelque peu en faux. Prendre le souvenir et le mettre en lumière s’avère une idée judicieuse dans un livret où les personnages passent leur temps à évoquer leur jeunesse, les promesses faites et les erreurs commises quand l’action « au présent » se résume à une trame peu fournie sur un peu moins de deux heures de musique. En revanche, on les rejoindra sur le parti pris de la réalisation. Nous sommes maintenant tous familiers avec l’univers de l’EHPAD version mouroir et s’il fonctionne ici et met fortement en tension les éléments temporels du livret, il s’avère aussi particulièrement éventé au point qu’avec quelques torsades on pourrait mettre en scène n’importe quelle œuvre du répertoire par ce biais. Reste un savoir-faire technique et une attention à la direction d’acteur de qualité, qu’on suivra avec attention lors des prochaines réalisations de ce collectif.
© Simon Gosselin
A Lille, la distribution est en revanche largement renouvelée et seule l’indisposition d’André Heyboer quelques jours avant la première conduit Stefano Antonucci, titulaire à Anvers et à Luxembourg, à reprendre les habits de Zurga. Certes à 63 ans le chanteur accuse quelques faiblesses : une voix blanchie dans le haut de la tessiture, un vibrato envahissant à l’occasion. Le style, lui, reste d’une probité sans faille et l’adhésion à la proposition scénique assez bluffante. Marc Laho se révèle un Nadir idoine dans cette mise en scène, entre deux âges mais à la voix saine et au phrasé élégant. La voix de tête possède cette beauté élégiaque qui porte la romance sur des cimes et l’on regrette qu’en ce soir de première il renonce au dernier « Charmant souvenir » ajouté à l’air par la tradition et laisse chanter les bois à la place. Gabrielle Philiponet propose une Leïla en demi-teinte où l’on regrette le plus souvent l’absence de nuances, notamment dans les vocalises et son grand air. Peut-être était-elle gênée dans l’émission par sa « peau » de vieille femme qui emprisonne son visage comme dans une cagoule. Le dernier acte et le duo avec Zurga la montreront autrement plus sensible et assurée. Rafal Pawnuk complète le quatuor d’une voix noire et puissante où l’on dénote quelques voyelles exotiques dans la prononciation du français. Rien à redire de la prestation des chœurs de l’opéra de Lille, homogènes et puissants dans leurs nombreuses interventions.
En fosse, Guillaume Tourniaire, choisit des tempi vifs pour animer les premières scènes, ce qui met à mal la cohésion entre les pupitres de l’orchestre, puis il trouve un rythme de croisière pour soutenir le plateau vocal et maintenir l’architecture du drame.