Poursuivant sa tournée accompagnant la sortie de son disque, Diana Damrau s’arrête ce soir, après son passage à la Philharmonie de Paris, au Festspielhaus de Baden-Baden. Si la tempête Ciara a passablement décoiffé les spectateurs malgré les éléments contraires nombreux au rendez-vous, la belle soprano, elle, apparaît sur scène tout à fait impeccable : le chignon est sage, la robe gris cendre s’épanouit en élégante corolle et une étole au tombé parfait parachève l’allure superbe de la diva. Avec un phrasé aristocratique et tout en demi-teintes, Diana Damrau aborde le cycle des Vier letzte Lieder avec une délicatesse et un sens des diaprures véritablement émouvants. Las, la voix manque de projection et la frustration est grande de peiner à saisir la richesse des nuances déployées par une interprète tout en frémissements intérieurs. Il en ressort une impression d’infinie mélancolie teintée de vague tristesse que soulignent encore la subtile gestuelle et l’expressivité quasi envoûtante du moindre battement de cil de la soprano.
Interrogée sur son rapport aux Vier letzte Lieder et les influences qui ont pu la marquer, Diana Damrau explique aborder le chef-d’œuvre avec un respect infini, ce qui transpire de son interprétation ; elle se souvient évidemment d’Elisabeth Schwarzkopf, dont elle approche le caractère aristocratique de la diction et de l’apparence. Son interprétation préférée reste cependant celle de Lucia Popp ; elle n’est pas très loin d’en atteindre la grâce. La grande fragilité qu’elle diffuse saisit d’émotion une partie de la salle alors que d’autres regrettent une voix inadaptée à ce répertoire. Diana Damrau évoque le Moine au bord de la mer de Caspar David Friedrich quand elle décrit le cycle, qui pour elle est immense comme l’infini que contemple le personnage minuscule et solitaire méditant sur son fugace destin, empli d’espoir, de paix et d’amour. Tout cela, on peut le ressentir intensément et l’orchestre parvient à en sublimer les moments d’ineffable beauté.
Il faut dire que le Münchner Philharmoniker est merveilleusement conduit par un Valery Gergiev plus impérial que jamais, sachant contenir l’imposante formation pour aider Diana Damrau à rester audible. Les partitions solos sont simplement magnifiques. Mais c’est dans la seconde partie du concert que se déploie tout le savoir-faire de l’orchestre munichois, sans plus de retenue. La 7e Symphonie de Bruckner est ici magnifiée par un effectif dont la richesse et la profusion sonores laissent pantois. Toute la complexité de l’œuvre est perceptible avec une force et une énergie proprement ébouriffante. Le public badois, chaviré, laisse éclater sa joie et son enthousiasme au terme de cette déferlante. Nous voilà ainsi tout à fait prêts à affronter le vent qui, dehors, souffle de plus belle.