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Récital Lawrence Brownlee et Levy Sekgapane – Genève

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Spectacle
22 septembre 2023
Un passage de flambeau ? Pas tout de suite…

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Gioacchino Rossini

(Levy Sekgapane)
La promessa (Soirées musicales)
La lontananza (Péchés de ma vieillesse I)
Le Sylvain (Péchés de ma vieillesse III)


Gaetano Donizetti
(Lawrence Brownlee)
Il sospiro
Me voglio fa’ ’na casa
L’amor funesto
Giuseppe Verdi

(Levy Sekgapane)
Il tramonto
Lo spazzacamino
Vincenzo Bellini

(Lawrence Brownlee)
Torna, vezzosa Filide
La ricordanza
Gioacchino Rossini

(Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane)
Duetto : « Donala a questo cuore »
 (Ricciardo e Zoraide)
— Entracte —
Gaetano Donizetti
(Levy Sekgapane)
Aria : « T’amo qual s’ama un angelo »
 (Lucrezia Borgia)
Gaetano Donizetti
(Lawrence Brownlee)
Aria : « Seul sur la terre » 
(Dom Sébastien, roi de Portugal)
Gioacchino Rossini

(Levy Sekgapane)
Aria : « Tu seconda il mio disegno »
 (Il turco in Italia)
Gioacchino Rossini

(Lawrence Brownlee)
Aria : « Cessa di piu resistere »
 (Il barbiere di Siviglia)
Gioacchino Rossini

(Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane)
Duetto : « Ah vieni, nel tuo sangue » 
(Otello)
BIS
Danny boy, trad. Irlandais (Levy Sekgapane)
All night, all day (Spiritual) (Lawrence Brownlee)
Gioacchino Rossini

Duo : « Al barbaro rigore »
 (Il viaggio a Reims)
(Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane, avec Marina Viotti)

Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane, ténors
Giulio Zappa, piano

Grand Théâtre de Genève
20 septembre 2023
, 20h

 

Ça tient un peu du combat de coqs. Un jeune coq pétulant et un coq dans sa belle maturité, bien décidé à ne pas céder un pouce de sa basse-cour… Le spectateur compte les points, compare, se laisse emporter par le feu du jeune trentenaire, grisé de sa vaillance, et convaincre par la sagesse rayonnante du jeune quinquagénaire, qui semble se détacher des acrobaties de naguère (mais il a de beaux restes !) pour aller vers quelque chose de plus profond, de plus grave (à tous les sens du mots). Et le spectateur s’amuse de cette rivalité, cachée derrière une bonne humeur si affichée qu’on en viendrait à la trouver fabriquée… Quoi qu’il en soit, ça pétarade !

Ils ont beaucoup de choses en commun, et d’abord cette voix de ténor léger, souple, agile, aux aigus généreux, aux contre-ut qui semblent faciles, et puis un répertoire qu’ils se partagent, Almaviva, Ramiro, tous les rôles illustrés dans un passé récent par les Luigi Alva, Rockwell Blake ou Juan Diego Flóres…

Browlee et Sekgapane à Gaveau © D.R.

Leur récital à deux est déjà bien rodé, il a été donné ici et là, à Gaveau, au Capitole de Toulouse. Quelques mélodies-friandises de Rossini, de Donizetti, Verdi, Bellini pour se chauffer la voix, musique de salon charmeuse, avant de passer à des airs et duos d’opéra où ils pourront rutiler à loisir.

Deux timbres très différents

Il ne faudra qu’une strophe de La promessa de Rossini pour que Levy Sekgapane trouve son altitude de croisière, un registre supérieur très clair, une projection insolente, mettant en valeur un timbre ensoleillé, des notes hautes éclatantes de santé, beaucoup de limpidité, un mini-vibrato charmant à l’occasion, comme dans La lontananza, tranquille barcarolle qu’il ponctuera d’un si de belle tenue, et c’est là aussi que culminera, avec autant de facilité, la romance Le Sylvain à laquelle il parviendra à donner un je ne sais quoi de dramatique, malgré un texte affligeant (de l’obscur Emilien Pacini). Surtout le dosage de la dynamique, l’homogénéité de la voix, et une ligne vocale toute en nuances transcenderont la paresseuse banalité de ce Péché de vieillesse.

Levy Sekgapane dans Don Pasquale à Hambourg © D.R.

Dès les premières notes de Lawrence Brownlee, on sera étonné de la différence de timbre entre les deux ténors, et des couleurs plus sombres, plus riches, acquises par le chanteur américain. La voix s’est arrondie, elle a perdu de sa légèreté pour acquérir une profondeur, une intensité expressive nouvelles. Dès « Il sospiro » de Donizetti, on entendra ce legato, ce soin de la ligne vocale, dont il ne se départira jamais au fil du récital. Plus léger, d’une insouciance à la napolitaine, « Me voglio fa’ ‘na casa », lui donnera l’occasion de notes hautes, moins insolemment faciles que celles de son partenaire, mais qu’importe, l’art du chant, un chant mûri, y suppléera à nouveau dans L’amor funesto où la maîtrise du souffle autorisera de longues phrases expressives, une expressivité très belcantiste s’appuyant sur un contrôle impeccable de la qualité sonore et d’un timbre désormais plus cuivré.

Un ténor di grazia devenu ténor lyrique ?

Un peu plus tard La ricordanza de Bellini, superbe mélodie qui reprend presque textuellement le « O rendetemi la speme » d’Elvira dans I Puritani, sera l’un des plus beaux moments de la soirée : on n’est plus là dans la musique de salon, c’est le grand lyrisme mélancolique du pur bel canto, et on se prend à penser que Brownlee est devenu un ténor lyrique, sûr de ses aigus toujours, mais jouant avec sensibilité d’un registre grave solide (qui à d’autres moments deviendra prétexte à un jeu avec Sekgapane, assorti de mimiques comme pour dire : « Moi, j’ai aussi ça ! »)
Dans le registre de la comédie, Levy Sekgapane se sera, lui, offert un très joli numéro avec Le spazzacamino (Le ramoneur) de Verdi, d’une faconde espiègle irrésistible, avec roulements d’yeux et trilles insolents, jouant de l’escarpolette sur les notes hautes.

Brownlee en Almaviva du Barbier de Séville à Chicago © Todd Rosenberg

Un Rossini sur mesure

Il faudra attendre la fin de la première partie pour entendre enfin les deux voix ensemble dans le duo « Donala a questo core » de Ricciardo e Zoraide. Rossini le composa sur mesure pour les deux ténors d’exception dont il disposait : Giovanni David, au timbre fin et argenté, et Andrea Nozzari, à la voix plus musclée, mais non moins agile, et au timbre plus grave (nous reprenons ici les mots de Christopher Park, qu’on pourrait appliquer respectivement à Sekgapane et Brownlee).
Moment spectaculaire avec des unissons virils à souhait et où Brownlee pourra, dans la section Maestoso, entre une kyrielle de notes hautes, des la à foison et des si, placer quatre ou cinq contre-ut (de poitrine bien sûr) qui évidemment soulèveront la salle, puisqu’ils sont faits pour ça.

Chemins escarpés

C’est à l’opéra que la deuxième partie sera consacrée. Et c’est avec beaucoup de bravoure, sinon beaucoup de sentiment que Levy Sekgapane entonnera l’air de Gennaro dans Lucrezia Borgia, « T’amo qual s’ama un angelo », plus soucieux de faire du beau son que d’interpréter le personnage et la situation. Mais pour ce qui est du beau son on sera servi… Des broderies légères sur la fin du récitatif, un aria extérieur mais brillant comme un feu d’artifice, tout cela un peu creux (selon nous), mais la voix est là ! La reprise sera ornée d’insolentes variations et avancera vers un contre-ut annoncé par un contre- bémol un peu strident.

Levy Sekgapane et Cecila Bartoli à Zurich dans Cenerentola © D.R.

On restera sur ces terres escarpées avec le spectaculaire « Seul sur la terre » extrait de Dom Sebastien, roi de Portugal de Donizetti, déploration de style soutenu, où Brownlee montrera là encore sa maitrise de longues phrases lyriques, mais il n’esquivera pas le contre- bémol et les trois contre-ut de cette page à hauts risques.
Particulièrement ravissant, l’air de Narciso « Tu seconda il mio disegno » du Turco in Italia mettra en valeur la lumière qui fait le charme de la voix de Levy Sekgapane. De belles vocalises très naturelles sur la partie adagio, un agitato particulièrement éclatant, avec notes piquées et coups de glotte comme en se jouant, puis dans la reprise des coloratures aériennes et jubilantes, jusqu’à un contre-ut final longuement tenu, tout cela avec beaucoup de chic et surtout ce timbre juvénile et clair très personnel.

Un lyrisme profond

L’air d’Almaviva, « Cessa di piu resistere », extrait du Barbier de Séville, pilier depuis toujours du répertoire de Lawrence Brownlee, montre bien l’évolution de sa voix. Le récitatif initial est d’une émouvante chaleur de timbre, et les vocalises sur « più non trionferà » sont à la fois fermes et charnues, et on ne peut qu’aimer sa manière de timbrer la mélodie, d’une pleine et riche matière sonore, qui amènera à une cabalette d’une agilité préservée, même si moins précise que naguère, tout cela faisant grand effet sur le public. Mais peut-on encore parler d’un ténor di grazia ? La clarté s’est estompée, remplacée par un lyrisme, une profondeur de timbre et d’incarnation, qui séduisent pour d’autres raisons, moins frivoles peut-être, moins insouciantes.

Lawrence Brownlee dans I Puritani à Chicago © D.R.

Les deux ténors ne cessent de se congratuler l’un l’autre, avec moult étreintes, hugs et serrements de mains, confraternité un peu surjouée, de même qu’avec le pianiste Giulio Zappa, qui s’accommode avec professionnalisme de transcriptions pour piano bien plates. L’un des chanteurs accentue son côté juvénile et sautillant, tandis que l’autre, dont la silhouette s’est arrondie, sort de sa manche des contre-ut percutants, comme pour dire « Je te passerai sans doute le flambeau le moment venu, mais pour l’heure il te faudra patienter… »

Marina Viotti en guest star

Pour le moment, on les entendra pétarader ensemble dans le duo « Ah, Vieni ! Nel tuo sangue » de l’Otello de Rossini, virevoltant et spectaculaire, démonstration quasi sportive (et vaguement fastidieuse) de notes trompétantes, idéale pour susciter des bis, ce qui ne manquera pas : un joli Danny Boy par Levy Sekgabane et un spiritual que Lawrence Brownlee ornera d’émouvants mélismes en voix de tête, qu’il dédiera à son fils lointain. « C’est ce que j’aurai chanté de plus haut ce soir », avait-il glissé en préambule, avant d’ajouter « et pourtant, j’ai eu hier la générale du Barbier et j’étais un peu fatigué… » – honnêtement, on n’avait rien constaté de tel…

Le cadeau-surprise de ce récital festif, ce fut l’arrivée en guest star de Marina Viotti, amie des deux artistes depuis qu’elle a chanté au Liceu de Barcelone le Barbier de Séville avec Levy Sekgabane et Il Viaggio a Reims avec Lawrence Brownlee. On les vit alors se lancer dans une version à trois du duo « Al barbaro rigore » du Viaggio, les deux ténors se partageant la partie de Libenskoff, une phrase à toi une phrase à moi, et Marina Viotti assurant avec autant de brio que de virtuosité celle de Melibea.

Public en liesse, bien sûr.

Lawrence Brownlee et Levy Sekgapane au Capitole de Toulouse, avec Giulio Zappa © D.R.

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(Levy Sekgapane)
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La lontananza (Péchés de ma vieillesse I)
Le Sylvain (Péchés de ma vieillesse III)


Gaetano Donizetti
(Lawrence Brownlee)
Il sospiro
Me voglio fa’ ’na casa
L’amor funesto
Giuseppe Verdi

(Levy Sekgapane)
Il tramonto
Lo spazzacamino
Vincenzo Bellini

(Lawrence Brownlee)
Torna, vezzosa Filide
La ricordanza
Gioacchino Rossini

(Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane)
Duetto : « Donala a questo cuore »
 (Ricciardo e Zoraide)
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Gaetano Donizetti
(Levy Sekgapane)
Aria : « T’amo qual s’ama un angelo »
 (Lucrezia Borgia)
Gaetano Donizetti
(Lawrence Brownlee)
Aria : « Seul sur la terre » 
(Dom Sébastien, roi de Portugal)
Gioacchino Rossini

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 (Il turco in Italia)
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 (Il barbiere di Siviglia)
Gioacchino Rossini

(Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane)
Duetto : « Ah vieni, nel tuo sangue » 
(Otello)
BIS
Danny boy, trad. Irlandais (Levy Sekgapane)
All night, all day (Spiritual) (Lawrence Brownlee)
Gioacchino Rossini

Duo : « Al barbaro rigore »
 (Il viaggio a Reims)
(Lawrence Brownlee, Levy Sekgapane, avec Marina Viotti)

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20 septembre 2023
, 20h

 

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