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 Autant le dire : pour cette dernière production de l’ère Koering, on craignait le pire, c’est-à-dire que le tandem d’amuseurs signataire de la mise en scène, connu au music hall sous le nom de Shirley et Dino, ne renouvelle les encombrantes facéties dont il avait truffé le King Arthur de Purcell. A l’arrivée, on rend les armes : non seulement ils ne ravalent pas l’oeuvre, comme on l’a vu souvent, au rang de divertissement graveleux mais leurs interventions restent modestes, à l’image du gag du talon d’Achille, et n’ont rien d’intempestif. Le parti pris de Corinne et Gilles Benizio, tout enjoué qu’il soit, respecte au plus près l’élégance d’Offenbach. 
 Le premier acte se déroule devant une toile de fond qui représente un paysage de collines ; sur une vaste esplanade s’élève le temple de Jupiter, façade bariolée qui ne se cache pas d’être en carton pâte. Les couleurs, de façon générale, n’ont rien d’agressif. Au deuxième acte, un portique à minces colonnes délimite l’espace du palais où Hélène crispée sur sa vertu repose sur un lit au chevet en forme de vénus ; dans la scène du rêve, des voilages de mousseline descendus des cintres recréent l’atmosphère des grandes comédies d’Hollywood. Au troisième acte, accroché à la colline surmontée d’un moulin à vent, Nauplie est le typique village grec devenu station balnéaire, avec taverne sur la placette et jetée le long de la mer agitée où un phare signale l’entrée du port. Cet environnement pittoresque et évocateur sans pour autant prétendre au réalisme s’accorde aux costumes « d’époque » conçus avec goût par Isabelle Mathieu – jusqu’aux chaussures particulièrement soignées – dans un éventail de couleurs tendres que les éclairages de Jacques Rouveyrollis caressent. La couleur pourpre appartient de droit au roi des rois, Agamemnon, et le jaune échoit évidemment à Ménélas. Adolescents en rupture, Oreste et ses ami(e)s se singularisent en punks de noir vêtus. Alexis Guttierez leur attribue la chorégraphie la plus déjantée, la plus sage revenant aux chœurs, préparés avec le soin habituel par Noëlle Gény. Ce n’est faire injure ni à Denis d’Arcangelo, tour à tour Ménélas et Bacchis, ni à Bernard Alane, le perfide Calchas, que dire qu’ils ne sont pas Michel Sénéchal ou François Le Roux. Mais on ne peut s’empêcher de regretter que leur participation vocale n’égale leur abattage scénique, remarque valable aussi pour Hervé Niquet dans le rôle d’Achille, plus drôle à regarder (sous son imposant casque à crinière) qu’agréable à entendre. Tous les autres sont bien en voix, qu’il s’agisse des deux Ajax – respectivement Manuel Durand et Ivan Geissler, parfaits en costauds pas fûtés -– et de l’Oreste endiablé de Mathias Vidal. Sa carrure imposante donne à François Harismendy la prestance et l’autorité d’Agamemnon, qu’il a également dans la voix, avec une savoureuse bonhomie. Florian Laconi manifeste son aisance, vocale et scénique, dans le rôle de Pâris qu’il affronte victorieusement, avec une probité dépourvue de la moindre lourdeur. Sa partenaire, Stéphanie d’Oustrac, est une Hélène véritablement ensorcelante. Glamour comme Lana Turner et drôle comme l’exige le rôle, l’actrice donne une impression de spontanéité qui est le comble de l’art. Quant à la voix, son étendue, son velouté et sa souplesse contribuent au caractère voluptueux du personnage et à celle du spectateur. On se réjouit que les caméras de France 3 aient enregistré cette composition. Dans la fosse, Hervé Niquet ne mélange pas les genres. Pendant les précipités où les décors sont changés, il dirige (avant d’y participer) les intermèdes devant le rideau avec le punch voulu. En effet le premier chatouille le chauvinisme local (où l’équipe de rugby fait l’actualité) en reprenant la chanson de J.-C. Massoulier « C’est ça le rugby ». Le second joue sur l’adaptation du « Mais non mais non… » popularisé par Henri Salvador avec le concours apparemment enthousiaste des interprètes masculins et l’apparition en guest-star de Stéphanie d’Oustrac en meneuse de revue. Mais pour ce qui est de La Belle Hélène sa direction est d’une remarquable sobriété. A partir de l’édition critique établie par Jean-Christophe Keck il donne à entendre une partition dont la subtilité est trop souvent masquée par la recherche d’effets contrastés ou surlignés. L’exécution qu’en donnent les instrumentistes est de la même veine – hormis une grosse caisse un soupçon trop présente – et cette musique délicieuse, jusque dans ses intentions parodiques, retrouve ici l’élégance voulue par son créateur. Cela ne contribue pas peu, on s’en doute, à l’euphorie des spectateurs, qui l’expriment longuement. La preuve est faite que respecter scrupuleusement une œuvre ne nuit pas à la réussite d’une nouvelle production. Qu’on se le dise !  | 
OFFENBACH, La Belle Hélène — Montpellier
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									3 janvier 2012								
				
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 Créé à Paris le 17 décembre 1864
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