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17 octobre 1771: Mozart agace Marie-Thérèse

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17 octobre 2021
17 octobre 1771: Mozart agace Marie-Thérèse

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18 mars 1771 : Léopold Mozart, l’austère père-professeur-impresario-confesseur-censeur de Wolfgang, est à Vérone avec son fils. Ils y poursuivent un long périple italien durant lequel le jeune prodige de 14 ans a subjugué cours et foules. Depuis deux jours, ils sont à Vérone où on leur fait grand accueil. C’est là que les attend une lettre dont Léopold parle ainsi dans celle qu’il écrit le lendemain à sa femme : « Hier, j’ai reçu une lettre de Milan. Elle m’annonce un document de Vienne que je recevrai à Salzbourg. Il vous plongera dans l’émerveillement et fait à notre fils un honneur immortel ». 

Le document est en effet une double commande. Outre un opéra pour la saison milanaise 1772-1773, le comte Firmian, gouverneur général de la Lombardie – alors sous domination autrichienne, rappelons-le – avait en effet proposé à l’impératrice Marie-Thérèse de solliciter – ou plutôt d’ordonner – la composition d’une « sérénade théâtrale » à l’occasion des prochaines noces de l’archiduc Ferdinand avec Marie-Béatrice d’Este, princesse de Modène. Le mariage doit avoir lieu le 15 octobre suivant, à Milan. Cette commande vient s’ajouter aux nombreuses autres reçues durant ce voyage en Italie et suit le triomphe remporté par l’extraordinaire Mitridate un peu plus tôt. Mais elle ravit bien sûr la petite famille. D’autant que Wolfgang développe alors une grande énergie créatrice, abondamment démontrée dans la péninsule.

Mozart n’a pas encore commencé à écrire une note de cette nouvelle commande lorsqu’il repart de Salzbourg – où il était rentré – pour Milan, en août. Ils y parviennent le 21 et le jeune compositeur n’a même pas encore le texte sur lequel il doit composer. Il ne le reçoit qu’à la toute fin du mois, ce qui lui laisse à peine six semaines. On lui demande une sérénade théâtrale. Il s’agit donc d’une œuvre relativement courte, plutôt gaie, légère et dansée, qu’on insère entre les représentations d’un opera-seria comme une sorte de gros entracte. L’opera-seria en question, Ruggiero, censé constituer le clou artistique des célébrations sur un livret de Métastase, a été commandé au vétéran Johann Adolph Hasse. 

Mozart écrit sa sérénade sur un livret – enfin reçu –  du poète Giuseppe Parini, grand auteur proche de l’esprit des Lumières, qui mérite sans doute mieux que cette bluette, dont le but est évidemment de mettre à contribution les mariés. L’archiduc Ferdinand deviendra donc Ascanio, fils de Vénus (on remarquera le gros clin d’œil flagorneur à la mère de Ferdinand) et Marie-Béatrice, Silvia, descendante d’Hercule (et fille, comme par hasard, d’Hercule III d’Este, prince de Modène…). Déguisées en berger, les deux héros ne se connaissent pas et vont se rencontrer et s’aimer sincèrement parmi fleurs, faunes et tritons avant de dévoiler qui ils sont. On appellera le tout Ascanio in Alba.

Ces mièvreries n’impressionnent pas notre jeune compositeur, qui ne s’embarrasse pas de savoir, vu les circonstances, si tout ça se tient. Il fait ce qu’on lui demande et comme c’est un génie, il le fait bien. Il adapte par ailleurs la partition à la tessiture du castrat mezzo-soprano star invité pour l’occasion à chanter Ascanio (car heureusement sans doute pout lui et pour l’assistance, Ferdinand ne fera que se déguiser) : Giovanni Manzuoli. C’est en pensant à lui que l’extrait choisi pour illustrer cette anniversaire est l’air « Cara, lontano ancora » d’Ascanio, chanté ici par Philippe Jaroussky, accompagné ici par la Philharmonie de chambre, dirigée par Jérémie Rhorer.

Que la fête commence, donc ! Le 15, c’est le mariage. Le 16, on donne Ruggiero, puis le 17, voici donc 250 ans aujourd’hui, Ascanio in Alba au palais des ducs de Milan. Le succès est si grand qu’on en oublie aussi sec Ruggiero pour faire donner à nouveau dès le 19 la sérénade de Mozart. Le soir même, Léopold écrit à sa femme : « Avant-hier, la Sérénade a obtenu un succès tout à fait étonnant, à tel point qu’on est obligé de la redonner aujourd’hui (…) Nombre de gentilshommes et de gens de toutes conditions nous arrêtent dans la rue pour féliciter Wolfgang. Bref, cela me peine, la sérénade de Wolfgang a tellement mis par terre l’opéra de Hasse que je ne puis te le décrire. »

Pourtant, Hasse – dont Ruggiero sera le dernier opus lyrique – n’en veut pas du tout à son jeune confrère et participe volontiers avec lui à un grand dîner de fête offert par le comte Firmian pour célébrer le succès des festivités nuptiales. C’est que Hasse a bien compris qui il avait en face de lui. Il l’avait écrit l’année précédente à son ami Ortes, avec au passage un gros coup de patte à Léopold : « Le jeune Mozart est certainement un prodige pour son âge, et je l’aime vraiment infiniment. Le père, pour autant que je le connaisse, est un perpétuel mécontent. Il adore son fils et fait ainsi tout ce qu’il faut pour le gâter ; mais j’ai si bonne opinion des dispositions naturelles du garçon, que j’espère que, malgré l’adoration du père, il ne se laissera pas gâter, mais deviendra un honnête homme ! »

L’échec du vieux compositeur qu’aime tant Marie-Thérèse et qui fut son professeur de musique, assombrit un peu l’impératrice, qui s’en ouvre à Ferdinand. Elle se souviendra d’ailleurs de ce qu’elle a pris pour un affront et conseillera quelques semaines plus tard dans une lettre très méprisante, écrite en français, à son fils de ne pas prendre à son service le jeune impertinent qui avait ainsi osé mettre à bas un musicien de grand renom et que Léopold, plein d’espoir de trouver un nouvel emploi prestigieux pour Wolfgang, avait sollicité : « Vous me demandez de prendre à votre service le jeune salzbourgeois. Je ne sais comme quoi, ne croyant pas que vous ayez besoin d’un compositeur ou de gens inutiles. Si cela pourtant vous ferait plaisir, je ne veux pas vous en empêcher. Ce que je dis est pour ne pas vous charger de gens inutiles et jamais des titres à ces sortes de gens à votre service. Cela avilit le service quand ces gens courent le monde comme des gueux. Il a en outre une grande famille. »

De fait, bien des choses allaient changer. À Salzbourg, le prince-archevêque Sigismond von Schrattenbach, qui avait précisément laissé les Mozart, à son service, courir le monde (à condition qu’il ne les paie pas pendant leurs voyages… ), meurt le 16 décembre suivant. Son successeur s’appellera Hyeronimus Colloredo, futur tourmenteur et bête noire de Mozart. Mais c’est là une autre histoire !

 

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