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7 septembre 1949 : l’autre Billy Budd

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7 septembre 2024
Il y a 75 ans, deux ans avant la création du chef d’oeuvre de Britten, c’est l’Italien Ghedini qui donne vie au personnage de Melville.

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La parution, voici tout juste un siècle, du manuscrit de Billy Budd, marin de Herman Melville avait fait quelque bruit, en particulier en raison des conditions dans lesquelles il avait été retrouvé (dans un pot à biscuits, dit-on, plus de 25 ans après la mort de l’écrivain). Roman posthume, voire testamentaire, il est le théâtre du conflit constant entre le bien et le mal, champ de bataille de la cruauté, des sentiments refoulés, de la violence et du désir.

Les lyricomanes connaissent bien sûr l’opéra qu’en a tiré Benjamin Britten au début des années 1950. Un chef d’œuvre parmi les plus grands et les plus saisissants du répertoire lyrique du XXe siècle. Qui d’autre que Britten pouvait traduire sur scène et de telle façon une œuvre aussi puissante ? Lui qui par ailleurs, bien que vivant notoirement avec son compagnon Peter Pears, devait conserver, comme l’écrivait Dominique Fernandez dans son Rapt de Ganymède, « un minimum de déguisement » pour ne pas évoquer trop ouvertement l’homosexualité dans ses opéras. Or, c’est un thème souvent bien présent, particulièrement dans Billy Budd, avec son noir corollaire, l’homophobie, dans un pays qui ne dépénalisera l’homosexualité qu’en 1967 (ce qui reste toujours 15 ans de mieux que la France, rappelons-le).

Un fragment du manuscrit de Billy Budd de Melville.

Pourtant, il existe une autre adaptation pour l’opéra du roman de Melville. On la doit à un compositeur italien bien oublié aujourd’hui, Giorgio Federico Ghedini. Ce Piémontais né en 1892 et donc aîné de Britten de près d’un quart de siècle, avait enseigné à Turin et à Parme (il sera notamment le professeur de Claudio Abbado et de Luciano Berio à Milan un peu plus tard). Mais c’est aussi un compositeur prolifique qui laissera à sa mort en 1965 un catalogue important, en particulier à l’opéra ou en musique instrumentale.

A la fin de la guerre, Ghedini remporte quelque succès avec L’Albatros, triple concerto avec chœur, qui comporte quelques fragments d’une autre partition de Ghedini, son opéra Moby Dick. Melville, déjà. Si bien que Ghedini entreprend l’adaptation pour l’opéra du roman posthume de ce dernier, qui raconte la tragique histoire de Billy Budd, le beau et doux marin.

Le livret est confié à Salvatore Quasimodo, écrivain et poète sicilien qui deviendra une décennie plus tard Prix Nobel de littérature. Ghedini est confiant car l’écrivain est une valeur sûre et il espère que, grâce à leur travail commun, il ne subira pas une nouvelle déception comme avec son dernier opéra Les Bacchantes, créé en 1948. Il est d’ailleurs tenté par un renoncement à l’écriture d’ouvrages lyriques, ce qui ne sera pas sans effets sur ce nouveau projet, qu’il réalise non sans peine : « Le travail tend à me surexciter. Le sommeil ne vient pas et cela crée un cercle vicieux qui me rend malade. Je dois tenter de terminer le petit opéra en un acte de Venise et voici ce qui explique presque tout. » écrit-il.

Salvatore Quasimodo

Lorsque Britten apprend que Ghedini va faire un opéra sur Billy Budd, il est très mécontent. Il redoute que le public ignore sa propre partition, qui sera créée deux ans après. Il est d’autant plus inquiet que le livret de Quasimodo est très proche de celui que Forster et Crozier lui ont proposé. Mais Quasimodo, qui a choisi de travailler sur une traduction italienne de l’original de Melville contrairement aux librettistes de Britten, a bâti une narration qui tire l’opéra vers un oratorio, sans grand ressort dramatique et en un seul acte.

Après la création à La Fenice sous la direction de Fernando Previtali voici 75 ans ce 7 septembre à l’occasion du Festival international de musique contemporaine de Venise, la presse italienne ne manque pas de le relever avec sévérité : Guido Maria Gatti, directeur de La Rassegna musicale ne voit dans ce Billy Budd qu’une « tentative d’opéra », plate et ennuyeuse. Il Mondo parle carrément de « torchon prémédité » et Oggi ne voit dans Ghedini qu’un compositeur de musique facile… Le style musical tente une synthèse entre la musique ancienne et baroque – qu’il aimait particulièrement, notamment celle de Monteverdi ou de Frescobaldi – avec les techniques nouvelles, ce qui explique peut-être cet accueil. La musique comporte une certaine langueur dont la tempête, qu’on entend au milieu de l’œuvre, ne nous sort guère. L’action est en outre trop souvent interrompue par la narration du récitant. L’ensemble, qui dure moins d’une heure, n’a de toute façon pas la profondeur que Britten donnera à la même histoire. Il ne pouvait dès lors n’y avoir qu’un seul Billy Budd.

De fait, dès le premier soir, la partition ne convainc pas le public et sera vite oubliée. En voici quelques courts extraits tirés d’une représentation au Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan en 2018, avec pour récitant le fils du librettistre et Prix Nobel, Alessandro Quasimodo. Vous pouvez trouver l’intégralité de ce spectacle sur YouTube, en plan fixe, pour vous faire une idée plus complète de cette partition très rare et, qui sait, lui donner une nouvelle chance ?

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