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Un jour, une création : 10 février 1881, « Je t’aime Hoffmann, appartiens-moi »

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10 février 2021
Un jour, une création : 10 février 1881, « Je t’aime Hoffmann, appartiens-moi »

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Il viennent de loin, ces Contes d’Hoffmann. Assez, en tout cas, pour que Jacques Offenbach en fasse l’aboutissement de toute une vie, une consécration davantage qu’un testament, même s’il pressent qu’il lui faudra y jeter ses dernières forces. La preuve qu’il lui faut sans relâche donner pour qu’il prouve à ses contempteurs qu’il n’est pas qu’un amuseur de boulevard encore jugé au mieux facile et au pire vulgaire. Jusqu’au bout, Offenbach doit démontrer qu’il mérite le surnom mi-affectueux mi ironique que lui a donné Rossini, « le petit Mozart des Champs-Elysées ».

Pensent-ils à cela, les spectateurs venus en masse, voici juste 140 ans, à l’Opéra-Comique, cette salle où Offenbach avait pourtant connu bien des déconvenues depuis plus de 20 ans ? Savent-ils ce qu’il lui a fallu de persévérance, d’efforts et même de souffrances à celui qu’ils acclament une fois le rideau tombé et qui avait tiré sa révérence quelques mois plus tôt, pour imaginer, créer et monter cette œuvre ultime ? Imaginent-ils que ce qu’ils voient et entendent ce soir là n’est pas ce qu’Offenbach a voulu ? Que c’est une partition incomplète,  amputée tronçonnée, à laquelle ils font un triomphe ?

Mort trop tôt, accablé par une énième crise de goutte qui avait eu raison d’un cœur devenu trop fragile, Offenbach a en effet légué, ce 5 octobre 1880, une partition à l’orchestration inachevée, qu’il mûrissait pourtant depuis des années.

On peut parier, sans en être certain, que le compositeur, presque 30 ans auparavant, avait vu la pièce des dramaturges et fameux librettistes – de Gounod notamment – Barbier et Carré, Les Contes d’Hoffmann, présentée au théâtre de l’Odéon. Quelques temps après, les deux hommes en avaient tiré une adaptation pour l’opéra destinée à un confrère bien oublié d’Offenbach, Hector Salomon, par ailleurs chef de chœur à l’Opéra. Ce projet n’avait pourtant pas abouti, mas le livret était désormais disponible. Offenbach s’en fait l’acquéreur en 1873 et le fait modifier quelque peu par Barbier (Carré était mort en 1872) deux ans plus tard. Le compositeur commence à y travailler et espère présenter cette nouvelle partition à l’Opéra-Comique, au prestige duquel il n’a pas renoncé. Mais au moment où il envisage cela, le directeur de la salle Favart change. Exit Du Locle – avec qui les choses n’étaient pas allées sans orages les années précédentes – voici Emile Perrin, qui n’aime pas du tout Offenbach. Qu’à cela ne tienne, ce dernier trouve un refuge pour son futur opéra à l’ancien théâtre de la Gaîté, devenu Théâtre-Lyrique, dirigé par son ami Albert Vizentini, qui en annonce la création pour 1878. Mais la situation financière de ce théâtre se dégrade irrémédiablement, repoussant sans cesse la création de la nouvelle partition, laquelle devient de plus en plus ambitieuse. Mais elle avance lentement car le compositeur se débat entre reprises lucratives et créations dans le registre qui a fait sa gloire, tel Maître Péronilla. Il rêve d’Hoffmann mais n’arrive plus à s’en occuper. Tout semble même perdu avec la faillite du Théâtre-Lyrique. 

Offenbach n’avance pas et sa santé lui échappe pour de bon. La violence des crises de goutte le sape chaque jour un peu plus. Il a à peine 60 ans et en paraît quinze de plus. Il s’acharne pourtant dans son vaste appartement du boulevard des Capucines et veut tester quelques-uns des morceaux déjà prêts à l’occasion d’un concert, chez lui, devant 300 invités. Quelques chanteurs sont là, ce 18 mai 1879 et le petit chœur est constitué des solistes mais aussi des filles du compositeur. Parmi les invités, le directeur – depuis 1876 – de l’Opéra-Comique, Léon Carvalho. On entend entre autres la chanson de Kleinzach, le chœur des étudiants, l’air d’Antonia, la barcarolle, le duo du reflet etc. Coup de maître : après cette soirée, Carvalho se dit prêt à monter l’opéra salle Favart. Cette fois, entre Paris et Etretat, où il se rend souvent pour améliorer sa santé, il termine sa partition pour piano-chant en août 1879. Il est épuisé, constamment tourmenté par des crises sans fin ; et trouve pourtant la force de travailler en même temps à la Fille du Tambour-Major, présentée en décembre. Mais la création des Contes, elle, n’apparaît pas encore à l’horizon. Il faut écrire des dialogues, comme c’est l’usage à l’Opéra-Comique et ils ne sont pas prêts. Carvalho veut ses propres chanteurs et il les veut jeunes. Offenbach doit réécrire le rôle d’Hoffmann pour ténor alors qu’il le destinait à un baryton, adapte ceux des autres personnages pour les voix choisies par Carvalho. Durant l’année 1880, Offenbach, à bout de forces et de souffrances, parvient à achever l’orchestration du 4ème acte le 25 septembre mais ne peut guère aller plus loin jusqu’à sa mort, le 5 octobre. 

L’émotion est vive et cela sert une future création dont tout Paris parle déjà depuis des mois. Les répétitions avaient commencé avant la mort du maître, malgré l’inachèvement de l’orchestration.  Le jeune Auguste Offenbach fait alors appel à Ernest Guiraud pour terminer l’œuvre de son père en l’orchestrant. Mais pour Carvalho, le résultat est trop long. Habitué aux gros ciseaux, le directeur supprime tout l’acte vénitien dont seuls quelques fragments sont éparpillés ailleurs, dont la  fameuse barcarolle. C’est ainsi défigurée que la partition des Contes d’Hoffmann est créée voici 140 ans et remporte un triomphe mémorable lorsqu’à minuit le rideau tombe.

Voilà que débute alors la valse des versions, entre coups du sort – l’incendie de la salle Favart qui brûle les partitions d’orchestre de la première – aux coups de théâtre – la redécouverte inopinée de quelques manuscrits originaux – jusqu’aux inestimables travaux de Jean-Christophe Keck. Mais cela, c’est une autre histoire, presque un autre conte… La muse, elle, est partie avec Offenbach.

Si nous n’avons pas LA version – qu’on n’aura peut-être jamais – nous ne manquons pas de grands chanteurs qui ont servi avec passion cette œuvre devenue si populaire. Exemple parmi tant d’autres, comment ne pas penser à la merveilleuse Antonia de Christiane Eda-Pierre, accablée par le Docteur Miracle de José van Dam, dans la production de Patrice Chéreau pour l’Opéra de Paris ici reprise et captée en février 1978, sous la direction de Jean Périsson ?

 

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