Sancho Panza (Don Quichotte, Massenet)
Un choc – et comme on en connaît peu ! Au tout début des années 1990, Alain Fondary incarnait Sancho Panza aux côté de José Van Dam à Toulouse. Le jeune étudiant que j’étais alors en a encore des frissons dans le dos : la puissance, la faconde, la diction, mais aussi l’élégance et la noblesse de ce chant, qui n’avaient rien à envier ici à son glorieux maître, tout semblait touché par la grâce et le génie. Le public, autour de moi, paraissait presque blasé : il est vrai que ce baryton était un habitué des lieux, et l’on n’en attendait pas moins de lui ! Le disque est heureusement venu graver cette interprétation mémorable (EMI, dir. Plasson). Joyeux anniversaire, maître ! JJG
Paolo (Simone Boccanegra, Verdi)
Alain Fondary et les Chorégies d’Orange, c’est une histoire d’amour de 15 ans qui a vu le baryton tenir de nombreux rôles jusqu’en 2000. L’un des premiers, en 1985, c’est celui du vil Paolo dans Simon Boccanegra de Verdi, rôle dans lequel son baryton mordant et ses accents n’ont pas de mal à tenir la dragée haute à son partenaire Piero Cappuccilli. Le voici dans le Prologue, proposé ici dans son intégralité et (presque) comme si vous y étiez, gazouillis d’oiseaux et mistral compris. CM
C’était avec Piero Cappuccilli, c’était la première fois que je me trouvais face à lui. j’ai pu constater que cela marchait bien (…) J’aime bien Paolo, mais je préfère la subtilité et l’esprit de Simon. C’est comme Giovanni et Leporello : je préfère Leporello à Giovanni, je ne parle pas du personnage parce que le public le reçoit différemment. Voilà un rôle que je n’ai chanté que quelques fois. J’avais appris les deux versions, française et italienne ; je les chantais à une semaine d’intervalle l’une de l’autre : j’ai cru mourir ! Cela m’a servi de leçon, je ne l’ai pas oublié. ODB Opéra
Scarpia (Tosca, Puccini)
Un appel de son agent. « Karajan veut t’auditionner ». Bigre, se dit Alain Fondary. Il s’agit d’assurer. Sur l’énorme plateau, il se présente. Le maestrissimo est charmant « veuillez donc vous donner la peine de chanter le Te Deum ». Fondary s’exécute « Ah, Tosca ! ». Karajan a l’air ravi. « Maintenant, j’aimerais que vous le chantiez à nouveau ». Un préposé entre sur scène en tremblant et rappelle à l’immense chef que dans sa loge, Pavarotti trépigne, car il est l’heure de répéter. L’œil de Karajan pétille « Pavarotti attendra. Monsieur Fondary, recommencez ». Le chanteur prend sa respiration et chante. « Ah, parfait ! vous avez l’endurance ». Karajan est ravi, Fondary est engagé. CDR
Hérode (Hériodiade, Massenet)
Avoir entendu Alain Fondary chanter Hérode dans Hérodiade de Massenet restera comme un immense souvenir pas seulement d’opéra et de chant, mais de langue française, lorsqu’elle est entièrement habitée par le sens du théâtre, par une éloquence sans emphase, toute pétrie d’incarnation et de présence. À une incroyable plénitude vocale répondait une étonnante plénitude théâtrale, et le personnage que la flamme de Salomé embrase semblait n’avoir plus de limite dans l’extase ni dans la violence. Peu de chanteurs m’ont communiqué cette impression d’urgence et de maîtrise. C’est pour des artistes de ce calibre que l’opéra semble avoir été inventé. SF
Le Comte de Toulouse (Jérusalem, Verdi)
La résurrection du Jérusalem de Giuseppe Verdi au Palais Garnier en 1984 constitue les vrais débuts d’Alain Fondary pour l’Opéra de Paris. En 1979, le chanteur a certes déjà incarné Sulpice dans une série de Fille du régiment, mais les représentations étaient données à Favart ou le spectacle fut mal reçu. Il faut dire que la distribution de l’époque en était 100% française et que les spectateurs d’alors leur préféraient les stars internationales du chant. On doit à Massimo Bogianckino, éphémère patron de l’ONP entre 1983 et 1985, un mandat aussi court qu’admirable, le seul pour lequel ce florentin aura essayé de redonner une vraie identité à l’institution multi centenaire. Entre deux tubes du répertoire chantés par des Luciano Pavarotti et autres Alfredo Kraus, ce formidable directeur proposa quelques recréations d’ouvrages qui firent les beaux jours de l’Opéra de Paris (Moïse, Robert le Diable…). Heureuse époque car il est peu probable que Jérusalem, adaptation française assez libre d’I Lombardi alla Prima Crociata, (d’ailleurs réadapté en italien sous le titre de Gerusalemme) ne soit jamais redonné en ces lieux : on y fait rimer « Bannière chrétienne » avec « Horde païenne » et on y scande avec ferveur « Dans le sang, dans le sang, renversons le Croissant ! ». C’était avant le vivre-ensemble. Au sein d’une distribution majoritairement italienne, comprenant la délicieuse Cecilia Gasdia, le distingué Veriano Luchetti et le noir Silvano Carroli, Alain Fondary incarnait le Comte de Toulouse. En théorie, le rôle ne comporte pas d’air saillant : pour l’occasion toutefois, le baryton français se vit confier l’interprétation en soliste du trio conclusif de la scène 1 de l’acte II : le public parisien découvrit ainsi un formidable baryton français. JMP
Le Grand-Prêtre de Dagon (Samson et Dalila, Saint-Saëns)
Le rôle du Grand Prêtre de Dagon de Samson et Dalila est court mais particulièrement exposé. Alain Fondary l’a incarné aux côtés des plus grands (Placido Domingo, Shirley Verrett, Agnes Baltsa…). Le baryton n’eut jamais à rougir face à de telles pointures vocales et y compris dans les plus grandes salles comme le Metropolitan Opera de New York, mettant ses moyens impressionnants au service du plus pur style français. JMP
Escamillo (Carmen, Bizet)
Peu de barytons français y ont échappé, que ce soit à la scène ou à la fin d’un repas de noces : « Toréador, prends garde à toi » est une scie incontournable du répertoire. Même s’il ne s’agit pas de son rôle le plus intéressant, nous ne pouvions pas ne pas l’évoquer. JMP
Jack Rance (La Fanciulla del West, Puccini)
Alain Fondary excellait dans les rôles de méchant. Son incarnation du terrible shérif a heureusement été préservé par un enregistrement officiel d’un concert de la radio munichoise (version sans coupure, ce qui est rare). Pour la fantastique scène de la partie de cartes (dont l’enjeu est la vie de l’amant de Minnie), il fallait tout son répondant face à la tonitruante Eva Marton ! JMP
Amonasro (Aida, Verdi)
On peut être un brin brutal tout en aimant sa fille et sa patrie : Amonasro est un insoumis aux multiples facettes. Alain Fondary a interprété le rôle dans les salles les plus incongrues (notamment, en 1984, au Palais Omnisport de Paris-Bercy, sous la baguette de Michel Plasson. Le voici ici dans une représentation en plein air sur les lieux de l’action ! JMP
Posa (Don Carlo, Verdi)
On se demande parfois comment sont conçues les distributions. En 1986, l’Opéra de Paris propose la version française de Don Carlos, décidée sous le mandat précédent de Massimo Bogianckino démissionnaire. Le rôle du Marquis de Posa est dévolu à deux chanteurs anglo-saxons : Thomas Allen et Richard Stilwell. Puis l’ouvrage est repris en fin de saison dans sa version italienne en quatre actes, et le rôle est cette fois offert à… Alain Fondary ! Dans une interview à ODB-Opéra, le chanteur confie : « On ne m’attendait pas du tout dans ce rôle à Paris. Et pourtant, ce fut un des plus grands succès de ma carrière. En saluant, je pleurais devant l’accueil du public ». Malheureusement, il ne subsiste aujourd’hui que des enregistrements privés de cette prise de rôle, aucun n’ayant été mis en ligne pour le plaisir du plus grand nombre, du moins à ce jour. JMP