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Cinq questions à Alain Lanceron

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Interview
2 décembre 2020
Cinq questions à Alain Lanceron

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Alors qu’une nouvelle version de Mitridate de Mozart vient d’être enregistrée à la Philharmonie de Paris en plein reconfinement et sous la baguette de Marc Minkowski accompagné de ses Musiciens du Louvre, le président de Warner Classics & Erato Alain Lanceron revient pour Forumopera.com sur la genèse de cette nouvelle production et de sa distribution quasiment 100% française. 
 


Quel est la genèse de ce nouvel enregistrement de Mitridate ?

Cet enregistrement n’était pas prévu. Il a été décidé en dernière minute. Mitridate était programmé en novembre au Staatsoper de Berlin dans la mise en scène de Satoshi Miyagi avec Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre et une distribution qui comprenait : Pene Pati, Julie Fuchs, Elsa Dreisig, Anna Prohaska, Jakub Jósef Orliński,, Jonathan Winell et Adriana Bignani Lesca. Les représentations berlinoises devaient être suivies d’une tournée en version concert : Moscou, Paris‎, Valencia et Barcelone. Malheureusement, le confinement a annulé les représentations berlinoises et les 2 premiers concerts. Les 2 dates en Espagne ont été maintenues. Comme pour d’autres théâtres (j’ai en tête Bordeaux, Rouen et Lyon‎, mais il y en a sans doute d’autres) l’idée a germée d’utiliser tout ce temps libre pour réaliser un enregistrement des représentations sacrifiées. Les Musiciens du Louvre m’ont contacté pour me proposer ce projet, que l’on pouvait enregistrer à Paris dans la grande salle de répétition de la Philharmonie. J’ai accepté avec d’autant plus d’enthousiasme que deux artistes exclusifs Erato se trouvaient dans la distribution, et que j’avais envie de retravailler avec Marc Minkowski. 

Comment s’est constituée la distribution de l’opéra ?

Nous avons dû procéder à des changements de dernière minute : nous avons d’abord eu la chance de nous assurer la participation de Cyrille Dubois pour le rôle de Marzio. Puis Pene Pati a dû partir précipitamment en Nouvelle Zélande pour raisons familiales : nous voilà sans rôle-titre ! J’ai appelé Michael Spyres qui était rentré chez lui aux USA après l’annulation de son Roméo viennois : il était donc libre et m’a confirmé tout de suite son accord. Une semaine avant l’enregistrement, patatras ! Jakub nous fait savoir qu’il a été testé positif au Covid et qu’il ne peut donc venir à Paris. Avec Marc, nous avonc décidé pour le remplacer, ‎de donner sa chance au jeune contre-ténor français Paul Antoine Benos-Djian, que j’avais auditionné juste avant le premier confinement et que j’avais trouvé excellent. Paul Antoine a appris le rôle en 3 jours et est arrivé fin prêt aux séances, comme s’il chantait le rôle depuis des années !  Enfin, 3 jours avant le début de l’enregistrement, Anna Prohaska nous fait savoir qu’elle doit annuler à cause d’une laryngite. Là encore, un coup de fil à Sabine Devieilhe (quel luxe !) a réglé le problème : in fine 4 remplacements sur 7 chanteurs ! A noter que 3 des 4 remplaçants, Michael, Sabine et Cyrille, avaient, il y a quelques années, participé à la production du Mitridate du Théâtre des Champs-Élysées dirigée par Emmanuelle Haïm, que nous avions éditée en DVD.  Nous sommes ainsi arrivés avec ces changements à une distribution presque entièrement française (mais Michael est français de cœur !) preuve irréfutable du dynamisme de l’école française de chant d’aujourd’hui! L’enregistrement s’est donc déroulé en 4 jours, dans cette ambiance d’euphorie et de concentration qui font les grands projets – des moments intenses qu’on n’est pas près d’oublier.

Quelle place accordez-vous aux enregistrements des opéras baroques ?

Depuis quelques années, il y a eu prolifération d’enregistrements d’opéras baroques, live ou studio. Des merveilles nous ont ainsi été révélées – Vivaldi avant tout, mais aussi Vinci, Porpora, Stradella, et j’en passe, et des compositeurs majeurs comme Haendel ou Rameau ont vu leur discographie s’enrichir d’une manière phénoménale. Tous les opéras de Haendel bénéficient aujourd’hui d’au moins un enregistrement, alors qu’il y a 50 ans, juste avant l’explosion du baroque, il n’y avait que 5 ou 6 opéras de ce compositeur connus des discophiles, et souvent dans des versions stylistiques pour le moins douteuses. Idem pour la plupart des Rameau, dont nous réaliserons d’ailleurs dans quelques jours, en collaboration avec le CMBV‎, le premier enregistrement mondial de son opéra Achante et Céphise, encore inédit au disque. Pour l’opéra baroque, il a donc fallu des pionniers comme Harnoncourt, puis des fortes personnalités comme Christie, Malgloire, Minkowski et Gardiner, qui ont ensuite ouvert la voix à toute une série de chefs et d’ensembles dynamiques et talentueux, pour éclairer les opéras majeurs d’une lumière nouvelle et fait découvrir des dizaines de chefs-d’œuvre oubliés. A l’inverse, les grands opéras des 19e et 20e siècles, qui bénéficiaient ‎d’une discographie pléthorique, ont ces dernières années très peu été enregistrés en studio. Pas beaucoup plus en live d’ailleurs. Nous y avons largement participé avec, par exemple, l’Aida 100% studio de Pappano à Rome, ou les Berlioz de John Nelson – Les Troyens et La damnation de Faust à Strasbourg, en semi-live. ‎

Quelle place accordez-vous aux opéras enregistrés en studio ?

Avec l’explosion du DVD, la vidéo a un temps sinon remplacé du moins servi de cache-misère aux enregistrements audio, dont les coûts de production étaient devenus inabordables compte tenu de la baisse des ventes.  Mais l’essoufflement du marché et des parutions pléthoriques et anarchiques – où des productions majeures alternaient avec d’autres d’un intérêt très anecdotique ont eu raison de ce support qui s’est aujourd’hui effondré. 

Comme je l’ai déjà mentionné, les règles du confinement en vigueur depuis le mois dernier, où théâtres et orchestres peuvent répéter et enregistrer mais pas jouer en public, ont redonné momentanément des couleurs aux enregistrements studio, qui ont pu être réalisés dans des conditions financières exceptionnelles pour les éditeurs, théâtres et orchestres préférant investir dans une captation pour que leurs programmations laissent finalement une trace plutôt que de partir en fumée.  Les enregistrements dans tous les genres de la musique classique – opéras, concertos, symphonique, musique de chambre, récitals… se sont ainsi multipliés ces temps derniers, ce qui posera certainement à terme un double problème : d’une part, un embouteillage des sorties à l’automne prochain :  il y aura des gagnants mais aussi beaucoup de perdants ! Et d’autre part, pour l’audiovisuel, le casse-tête de la consommation gratuite de la musique avec les nombreuses initiatives des théâtres, des orchestres, voire des musiciens eux-mêmes, pour des captations sans public destinées au streaming.

Comment se porte le marché du disque à l’heure de la Covid-19 ?

A l’échelon international, le marché du disque classique se porte plutôt bien. Sans la Covid, l’année 2020 aurait été sans aucun doute l’année du redressement tant attendu, avec un marché à nouveau à la hausse, alors qu’il en en baisse depuis 20 ans. Ce même redressement que le marché de la variété a connu il y a quelques années déjà. Dans les pays où le streaming est dominant – comme les USA par exemple, le marché a explosé. Dans les pays où le physique est encore tout puissant, certains ont peu souffert comme le Japon, d’autres beaucoup plus comme la France où pratiquement pas un seul CD ne s’est vendu pendant 2 mois, de mi-mars à mi-mai. L’embellie que nous avons connue ensuite durant l’été s’est volatilisée avec le 2eme confinement, mais les magasins pouvant rouvrir depuis samedi dernier, nous espérons bien un décembre explosif au niveau des ventes. J’attends donc que le chiffre d’affaire classique 2020 –je parle au niveau du marché, pas seulement Warner – soit le plus proche possible de celui de 2019, malgré 3 mois inexistants.  ‎Et 2021 devrait être, sauf mauvaise surprise, l’année qui fixera définitivement, et pour longtemps j’espère, l’embellie de la musique classique enregistrée. 

 

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