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Puccini 100 : l’effet Papillon

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Actualité
17 février 2024
17 février 1904 : l’échec retentissant (mais provisoire) de Madama Butterfly

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Après le triomphe public (sinon critique) de Tosca, que faire ? Puccini se met un peu en pause et, pendant dix-huit mois, ne travaille guère. Il lui faut néanmoins penser à la suite. Il consulte donc beaucoup et semble attiré par des sujets qui sont soit pris par d’autres, soit sans lendemain. Il est bientôt question d’une collaboration avec Gabriele d’Annunzio alors en pleine gloire, et que Puccini reçoit pour la première fois chez lui à Torre del Lago en février 1900.

Mais le compositeur est surtout accaparé par la supervision des reprises de Tosca partout en Italie. Le voici à Turin, Milan, Vérone, Gênes, Bologne. Il se rend aussi à Bruxelles pour une représentation de La Bohème et où il rencontre Richard Strauss.

Durant ce périple éreintant, il fait une halte à Londres en juin 1900. C’est là qu’il assiste au théâtre du Duc d’York à une représentation de Madame Butterfly, de David Belasco. Le sujet l’enthousiasme et le bouleverse, mais il a d’abord un gros doute : « Si cela n’était pas japonais, cela me plairait tant c’est une chose magnifique, mais pas pour l’Italie », écrit-il à sa femme, Elvira. Belasco, dramaturge mais surtout businessman adepte de mises en scènes célèbres pour leur gigantisme et leur réalisme, avait adapté une nouvelle d’un avocat américain, John Luther Long, qui avait allègrement plagié le roman de Pierre Loti, Madame Chrysanthème. La pièce, comme la nouvelle et le roman, s’inspire de faits réels, évoqués dans les chroniques de Nagasaki. Puccini demande les droits qu’il va avoir bien du mal à obtenir après de longues négociations.

Giacosa, Puccini et Illica

Malgré ses doutes initiaux, l’idée avait donc fait son chemin chez Puccini. Il sollicite à nouveau Giacosa et Illica, ses deux librettistes fétiches depuis Manon Lescaut, et Illica commence à travailler sur l’adaptation entre février et mars 1901, avant d’être rejoint par Giacosa en mai. Le travail est rapide, car la structure de la pièce se prête bien à la transposition.

Puccini, lui, s’est définitivement installé dans sa grande villa de Torre del Lago, où il a fait aménager un cabinet de travail. C’est là qu’il composera tout son nouvel opéra. Il est dans une phase de grande évolution de ses goûts artistiques, garnissant sa villa d’œuvres nombreuses. Puccini étudie de près les us et coutumes tout comme la musique nippone.  Il demande à un ami ethnologue qui travaille en Asie du Sud-Est qu’il lui envoie des détails sur les chants folkloriques, les caractéristiques techniques de la musique de l’archipel. La femme de l’ambassadeur du Japon en Italie, Sada Yacco, l’encourage et, tout en lui chantant elle-même des airs de son pays, lui fait parvenir des partitions de chants traditionnels qui arriveront chez le compositeur une fois l’opéra achevé, début 1904. Mais Puccini se renseigne sans cesse, comme assoiffé.

Elvira Puccini

Début 1903, il a un grave accident de voiture avec le tout nouveau modèle qu’il a acheté, lui qui est passionné par ces nouveautés. Après avoir manqué un virage, le véhicule s’est fracassé contre un arbre. Elvira et Tonio, leur fils, bien que propulsés hors de la voiture, sont indemnes et Puccini s’en sort le moins mal possible, sauvé in extremis par les secours alors qu’il s’asphyxiait, bloqué sous la voiture, le nez sur les gaz d’échappement. Il en est quitte pour une jambe cassée, mais avec une mauvaise blessure. La double opération qu’il subit révèle qu’il est atteint de diabète et il ne peut plus travailler pendant plusieurs mois. Il boîtera toujours ensuite. Une grave crise conjugale se déclenche également, en raison de la liaison du compositeur avec une jeune turinoise. Son moral est au plus bas et il écrit à l’automne 1903 plusieurs lettres très déprimées.. « Je suis seul ici, et triste ! Si tu connaissais mes souffrances ! » écrit-il à Illica « j’aurais besoin d’écrire à un ami, mais je n’en ai pas ; ou alors si quelqu’un m’aime bien,  il ne me comprend pas… ».

La voiture de Puccini après l’accident de février 1903

Puccini ne se marie pas moins avec Elvira en janvier 1904, alors qu’il est en pleine préparation de la création de son nouvel opéra pour la Scala de Milan. L’équipe entretient un secret total autour de ces préparatifs. Des trois actes initiaux, Puccini a finalement exigé qu’on en fasse deux, contre l’avis très ferme de Giacosa, qui trouve l’idée mauvaise. Mais rien à faire, Puccini impose sa volonté.

Hélas, la création est un désastre. Un fiasco complet.

« Grognements, rugissements, rires, gloussements, ricanements, les habituels cris épars de bis ! faits pour exciter le public davantage encore » ponctuent la représentation, comme le raconte la revue Musica e musicisti. Exemple de cette cohue, lorsque durant l’interlude du second acte de véritables chants d’oiseaux se font entendre, selon une idee de Tito Ricordi, la salle se transforme en volière bruyante et hilare. Et le calvaire dure ainsi jusqu’au bout, sous les huées.

L’œuvre est retirée de l’affiche dès le lendemain et Ricordi stoppe l’édition. La presse se déchaine, avec une cruauté impitoyable : « Butterfly, opéra diabétique résultat d’un accident ! » n’est qu’un exemple des titres assassins qui parsèment les journaux.

« Nous sommes plus morts que vivants, écrit la sœur de Puccini à son mari.(…) Et dire que nous étions si sûrs ! (…) Le public était contre dès le début, nous nous en sommes rendus compte tout de suite. (…) Public honteux, abject, vilain. Pas même une preuve d’estime ! »

Puccini, lui, prend du champ. Il sait que même certains de ses habituels soutiens ont hurlé avec les opposants. Etait-ce une cabale des rivaux de  l’éditeur Ricordi ? L’hypothèse est plausible tant le barouf semblait anormal.  Mais le compositeur, sous ses dehors impassibles, est bouleversé. Puccini veut faire vite. Il reprend la partition et la modifie substantiellement en vue d’une représentation à Brescia le 28 mai suivant, pour un public plus petit, mais qui compte énormément de journalistes milanais qui ont fait le voyage. Les trois actes sont rétablis et quelques aménagements sont apportés à certains airs. Cette fois, le triomphe est total. Madama Butterfly peut prendre son envol, avec le destin que l’on sait.

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