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Questionnaire de Proust – Eléonore Pancrazi : « Le livre qui a changé ma vie est Le Petit Prince »

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Interview
19 juillet 2023
C’est sur la lancée d’un Urbain triomphal dans Les Huguenots à Marseille qu’Eléonore Pancrazi prend la route des festivals.

Infos sur l’œuvre

Détails

Mercédès aux Chorégies d’Orange a donné le coup d’envoi d’un programme qui la conduira de Soustons dans les Landes jusqu’à sa Corse natale. Le 7 août, au pied du massif du Monte Rotondo, une édition spéciale des Nuits d’été de Corté – le festival fondé par ses parents – réunira autour de la pétillante mezzo-soprano, des partenaires et amis chers : les chanteurs Jodie Devos, Kaêlig Boché, Anas Seguin, les pianistes Antoine Alerini et Eléonore Luciani,  la violoniste Valeria Alerini et  la danseuse Stéphanie Valentini. L’intégralité de la recette sera reversée à la Marie Do, une association qui aide à la lutte contre le cancer. Eleonore Panzacri accompagne ses réponses à notre questionnaire de Proust de vifs remerciements à ses amis artistes pour avoir accepté de mettre gracieusement leur talent au service de cette noble cause.

 Mon meilleur souvenir dans une salle d’opéra.

Dans la seule réelle salle d’opéra que nous avons en Corse, au Théâtre de Bastia : la première œuvre lyrique que j’ai vue de ma vie, La Périchole d’Offenbach, mise en scène par Jérôme Savary. J’avais 10 ans, j’étais éblouie par tous ces costumes, cette énergie, ce burlesque propre à Savary ! J’en étais sortie des étoiles plein les yeux, émue et émerveillée, et mes parents m’ont emmenée féliciter Jérôme et la troupe… dont faisait partie Eric Huchet, avec qui j’ai eu la chance et le privilège de partager la scène 20 ans plus tard dans Katia Kabanova à Nancy et dans La Vie Parisienne au TCE. Cette expérience a changé ma vie !

Mon pire souvenir sur scène.

Mon pire souvenir sur scène remonte à ce début de saison. En raison d’un problème technique, durant une répétition générale (c’est-à-dire avec public dans la salle), une grosse planche en bois s’est détachée d’un bout de décor, d’une hauteur d’à peu près quatre mètres et complètement à la verticale. Cette planche a atterri littéralement à mes pieds, j’ai vraiment failli la prendre sur la tête. Et vu son poids et la hauteur d’où elle tombait, j’ai vraiment frôlé la catastrophe !

Le livre qui a changé ma vie.

Le livre qui a changé ma vie est Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. C’est un livre à lire à tous les âges, que je lisais enfant avec mon père. Mon père utilisait Le Petit Prince à des fins pédagogiques pour nous apprendre, ma sœur et moi, le fonctionnement des rapports entre les êtres humains, et les principes fondamentaux de la vie, comme l’amitié, l’amour, le fait de grandir, le rapport aux choses matérielles. Tout est évoqué dans ce livre. Sa philosophie et sa poésie sont intemporelles et intergénérationnelles.

Le chanteur du passé avec lequel j’aurais aimé me produire.

Aucune idée. J’admire les chanteurs du passé en tant que chanteuse mais surtout en tant que lyricomane. Je n’ai donc jamais fantasmé de chanter avec l’un d’entre eux.

Mon plus grand moment de grâce face à une œuvre d’art.

Justement, devant les « Trois Grâces » de Rubens au Musée du Prado à Madrid, alors que j’avais 16 ans. Adolescente j’étais « pulpeuse », je ne correspondais pas aux standards de beauté de l’époque et j’en étais très complexée.  Je dessinais beaucoup durant cette année de Première en Arts Plastiques, et j’étais très attirée par la peinture. La découverte de ce tableau, lors de cette visite du Prado, et de toute la peinture de cette époque, a été un choc pour moi ! Les canons de la beauté aux XVIe et XVIIe correspondaient à une beauté féminine dont je me sentais plus proche, cela m’a beaucoup émue…. Et presque rassurée !

La ville où je me sens chez moi.

Il n’y a qu’une ville où je me sens chez moi, parce que je suis chez moi, c’est à Corté en Haute Corse, là où j’ai grandi.

La ville qui m’angoisse.

Même si j’adore Paris, son architecture, ses lieux de culture, quand j’y reviens, notamment de production en province, je ressens toujours une grande angoisse. La pollution, la circulation, le bruit, l’incivilité, tout y est malheureusement devenu anxiogène.

Ce qui, dans mon pays, me rend le plus fier.

La richesse de notre culture dans son sens le plus large : notre répertoire lyrique et musical est extraordinaire, notre école de peinture est incroyable, notre littérature est fabuleuse, notre architecture est monumentale, notre gastronomie est l’une des plus variées et des plus savoureuses au monde ! Certes je suis fière d’être corse avant tout, mais je trouve que la culture française est extraordinaire.

Le metteur-en-scène dont je me sens le plus proche.

Mireille Larroche, qui fut mon professeur d’art lyrique à l’Ecole Normale de Musique de Paris. Parce qu’ayant grandi théâtralement à ses côtés, je peux dire que nous sommes « proches » mais aussi parce que j’ai toujours trouvé que sa façon de diriger les chanteurs était idéale. Elle n’oublie jamais, quand elle donne une instruction de jeu, que tout est dirigé vers un public d’opéra, dans une salle d’opéra, ce qui est évidemment très différent du monde du théâtre.

Mon pire souvenir avec un chef.

Durant une représentation, nous nous sommes décalées, la soprano et moi-même, pendant un duo. Cela fait vraiment partie des aléas du spectacle vivant, hélas.  A l’entracte, le chef nous a couru après pour nous hurler dessus. J’ai dû aller m’enfermer aux toilettes pour échapper à sa colère en plein spectacle !

Le chef ou la cheffe qui m’a le plus appris.

Les trois premiers chefs avec qui j’ai eu la chance de travailler au tout début de ma carrière, quand je n’avais encore qu’une vingtaine d’années : Gaspard Brécourt, Denis Comtet et Takénori Némoto. Quand on commence le chant, on travaille beaucoup avec un piano, et on s’habitue vite à avoir quelqu’un pour nous rattraper et nous suivre. Chanter avec un orchestre est une tout autre histoire. Ces trois chefs m’ont appris à chanter de façon claire et précise, de manière à pouvoir être comprise par les musiciens dans la fosse. Je leur dois beaucoup !

À part chanter, ce que j’ai dû faire de plus compliqué sur scène.

Il y a dix ans, j’ai intégré pour une saison entière la troupe de La Belle et la Bête au Théâtre Mogador à Paris, une comédie musicale comme on les fait à Broadway et dans le West End, car j’adore le « musical ». Intégrer cette troupe était un vrai challenge ! J’avais passé onze tours d’audition mélangeant le chant, le théâtre et la danse. C’était un spectacle très physique que l’on jouait sept fois par semaine. Lors d’un numéro phare de la production, je devais danser avec une assiette électrisée de douze kilos sur le dos, et en chantant évidemment ! C’est de loin la chose la plus compliquée que j’ai eu à gérer sur scène !

Si je pouvais apprendre un instrument du jour au lendemain, lequel serait-il ?

La basse ! J’adore le Rock, depuis presqu’aussi longtemps que j’aime l’opéra, et j’ai fait ma toute première scène à l’âge de seize ans, pendant mon lycée, au sein d’un groupe de rock. Je suis toujours restée très nostalgique de cette époque et me suis toujours dit que si je devais apprendre un nouvel instrument (je joue déjà du piano et de la batterie, et j’ai même appris le violon !) ce serait la basse, pour pouvoir recréer un groupe !

Un opéra dont j’aurais voulu être le créateur du rôle-titre.

La Périchole évidemment.

Le chanteur du passé dont l’écoute m’a le plus appris.

Dame Janet Baker. Sur chacun de ses enregistrements, quel que soit le répertoire qu’elle interprète, on sent toujours un investissement émotionnel incroyable, comme une question de vie ou de mort. Ce qui fait, selon moi, la différence entre un grand chanteur et un grand artiste.

Le chanteur du présent que je trouve d’une générosité rare.

Marie-Nicole Lemieux. J’ai eu la chance de chanter tout récemment à ses côtés, dans Carmen aux Chorégies d’Orange, et je dois dire que ce fut une énorme claque. Tout son jeu, son chant, sa musicalité partent d’une extrême générosité ; elle se donne littéralement !!

Si j’étais un personnage de Disney.

C’est un personnage que seuls les grands amateurs de Disney connaissent car il est un des héros de Kuzco, un Disney moins célèbre qu’Aladin ou La Petite Sirène : je serais Yzma, la conseillère de l’empereur, au caractère exécrable mais drôle à souhait!

Mon plus grand moment d’embarras.

Mon plus grand moment d’embarras eut lieu le soir de la première d’un opéra dans lequel je jouais un rôle important, dans un théâtre important aussi. Je m’étais réveillée le matin avec des maux de gorge très douloureux. Lors de la représentation, je décide de ne pas demander à faire une annonce, car il y a clairement un tabou à ce sujet. J’ai donc essayé de chanter comme je pouvais avec une énorme pharyngite. Ma voix était clairement affaiblie et ce fut un combat de trois longues heures pour arriver jusqu’au bout de la représentation. J’ai tout de même tiré une bonne leçon de cet embarras : il est très important de faire une annonce quand on se sait diminuée !

Le compositeur auquel j’ai envie de dire « mon cher, ta musique n’est pas pour moi ».

Claude Debussy. Ce qui peut m’attirer généralement dans un langage musical sera souvent le coté rythmique… or, chez Debussy, nous sommes dans des ambiances, très belles certes, mais très éthérées, une sorte de nuage permanent. Ce qui n’est pas forcément pour déplaire à mon oreille mais qui me correspond moins en tant qu’interprète.

Ma personnalité historique préférée.

C’est assez cliché en tant que corse de le dire mais j’assume : Napoléon Bonaparte. Son parcours est tellement incroyable : né à Ajaccio, à l’époque petite ville de pêcheur, sur cette île de Corse qui vient à peine de devenir française, parlant à peine le français, il est devenu un des plus grands stratèges militaires de son temps, s’est fait sacré empereur des français alors que ces derniers  venaient de faire la révolution pour abolir la monarchie à peine quinze ans auparavant, véritable icône internationale, aussi connu dans le monde que Jésus Christ… Etant née à Ajaccio aussi, et toute proportion gardée, je ne peux m’empêcher d’être fascinée par le destin exceptionnel de Napoléon.

Si l’étais un Lied ou une Mélodie.

« Die zwei blauen Augen von meinem Schatz » (« Les Yeux bleus de ma fiancée »), extrait des Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant). La musique de Mahler est une incroyable catharsis. Je peux être quelqu’un de très positif et très sociable, mais comme beaucoup d’artistes sans doute, je peux être aussi très mélancolique et très renfermée. Quand je vais bien, je vais très bien, et quand je vais mal, je vais très mal. J’ai toujours eu la sensation que la musique de Mahler était la seule à me permettre d’être en paix avec mon mal être.

Mon pire souvenir historique des 40 dernières années.

Les attentats du 13 novembre 2015.

Le rôle que je ne chanterai plus jamais.

Il ne faut jamais dire jamais !

Ma devise.

Quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a !

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