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Sir Graham Vick, une vie pour l’opéra – 1. Le parcours

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Actualité
15 septembre 2021
Sir Graham Vick, une vie pour l’opéra – 1. Le parcours

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De Liverpool où il est né, jusqu’à Birmingham, siège de son enfant privilégié, la Birmingham Opera Company, Graham Vick a suivi une trajectoire internationale qui l’a conduit sur trois continents, sur les plus grandes scènes, du Met à La Scala, et ses mises en scène se comptent par centaines. 


Des origines populaires et une vocation précoce

Né dans la grande banlieue de Liverpool en 1953, il découvre le théâtre à 5 ans, et en a 12 quand ses parents l’emmènent voir Peter Pan. Il dira plus tard que ce sera son épiphanie, le choc qui déterminera toute sa vie. Il est totalement absorbé par cette idée de pouvoir ouvrir une fenêtre sur un autre monde, que chacun porte en soi, où tout est permis, où on peut voler, créer et imaginer. Pour lui, cet appel de Neverland ne constitue aucunement une tentative de fuir une réalité pénible. Il dira qu’il ne va pas à l’opéra pour s’échapper de la réalité du monde mais au contraire pour appréhender ce monde au travers d’un prisme lui ouvrant d’autres perspectives, des éclairages enrichissants. D’ailleurs, il chérit le souvenir d’une enfance heureuse. Son père travaille dans un magasin de vêtements et sa mère au service du personnel d’usine. Ses parents respectent et soutiennent ses choix, même s’ils n’en saisissent pas toute la portée. Cet autre monde fait de création prend son essor définitif lorsqu’il découvre l’Italie, l’art de la Renaissance et le monde de l’opéra, vers 13 ans. C’est aussi à cette époque qu’il tombe sur des émissions de télévision dans lesquelles Tito Gobbi explique comment le texte constitue la base de tout, et comment le jeu d’acteur et le maquillage permettent de construire le personnage de Gianni Schicchi ou celui de Scarpia. Graham Vick tombe complètement sous le charme. C’est encore l’époque où les maisons d’opéras comme Saddler’s Wells, Glyndebourne ou le Welsh Opera tournent dans le pays et Vick casse sa tirelire pour s’immerger dans le répertoire qu’elles proposent. Il se voit alors chef d’orchestre et suit les cours du College of Music de Manchester. Mais c’est comme assistant à la mise en scène qu’il se réalise pleinement. Sur les recommandations de David Pountney1, Il débarque au Scottish Opera à 23 ans et se voit confier la direction d’une initiative minimaliste, soutenue par des fonds publics destinés à créer de l’emploi : Opera Go Round (5 chanteurs, un pianiste, un régisseur et lui) apporte l’opéra dans les coins les plus reculés d’Ecosse, dans des usines, des écoles ou des prisons. Il rejoint ensuite le Scottish Opera à temps plein et sa première mise en scène est une rareté : l’opéra de chambre Savitri, de Gustav Holst, avec Janet Baker et John Shirley-Quirk. Il est désormais fixé sur son destin : metteur en scène d’opéra.

Engagement à gauche et action sociale 

La même année, en 1984, il monte West Side Story dans une énorme usine désaffectée du Yorkshire avec 300 personnes sans emploi. A part un chorégraphe, les musiciens et lui, tous les interprètes sont des non-professionnels. La totalité de son budget est absorbée par le chauffage, mais l’expérience rencontre un formidable succès et est largement médiatisée.

Ces premières expériences renforcent sa profonde conviction que l’opéra doit toucher tous ceux dont le cœur est ouvert, sans qu’une instruction préalable soit nécessaire. Il vit mal l’initiative du Scottish Opera de recruter le public par une formule d’abonnement, la première maison britannique à se lancer dans ce type de billetterie. Il a connu le public des représentations scolaires ou celui des cantines en usines, un public vrai avec lequel on ne peut pas tricher, qui vient au spectacle avec une véritable attente. Pas comme ces abonnés, dénués d’envie, qui sont là parce qu’on est le 3ème mardi du mois, le n°5 de leur abonnement. Quand il crée en 1987 la City of Birmingham Touring Company, il se souvient que Pierre Boulez a déclaré qu’il faut « faire sauter les maisons d’opéras » . Après de nombreuses expériences d’ouverture dans des lieux inhabituels, des œuvres qui sortent des sentiers battus, il est déçu et interpellé par l’absence de renouvellement du public : il touche encore et toujours le même public, aisé et blanc, habitué des opéras. Il renégocie avec son pouvoir de tutelle, pour produire moins de représentations, mais pouvoir mettre sur pied des spectacles qui impliquent des centaines d’habitants locaux, toujours dans des lieux inattendus, pas destinés aux représentations scéniques. C’est ainsi que naît qui en 2001 la Birmingham Opera Company. Lui qui n’est pas issu des grandes écoles anglaises, il est déjà persuadé que l’avenir de l’opéra ne se jouera pas dans les ors et le velours rouge des théâtres classiques. Il invite le public à savourer FalstaffRing Saga (une réduction sur deux soirs de la Tétralogie de Wagner, chantée en anglais), Wozzeck ou Fidelio dans des lieux improbables : sites désaffectés, hangars abandonnés, centres commerciaux. Il implique des centaines de bénévoles locaux pour réaliser ses productions, plus d’une cinquantaine d’expérimentations passionnantes au cours desquelles il repousse sans cesse les limites du spectacle traditionnel.  Il restera attaché toute sa vie à Birmingham, mais la qualité de son travail, sa capacité à fonctionner avec des budgets étriqués et le succès qui l’accompagne le plus souvent l’entraînent vers ces sanctuaires de l’opéra pour lesquels il a peu d’estime, en Grande-Bretagne d’abord, en Italie ensuite puis dans le monde entier. En 1999, quand Covent Garden rouvre après des années de rénovation, c’est à lui qu’on fait appel pour un Falstaff mémorable, avec Bryn Terfel en titulaire et Haitink à la direction. A Glyndebourne, sa Dame de Pique rencontre un tel enthousiasme en 1992 qu’on lui propose la direction artistique de ce festival, qu’il acceptera de 1994 à 2000. Cela peut surprendre qu’il s’attache à un lieu aussi huppé, mais cela lui permet de mettre en scène dans des conditions qu’il maîtrise pleinement, l’activité saisonnière lui laissant par ailleurs le champ libre pour courir le monde le reste de l’année. En dehors de Birmingham – son centre affectif, et lieu de ses principales expérimentations – il refusera de s’attacher à une autre maison, ne voulant pas sacrifier son espace de créativité dans un quelconque cadre administratif. Il mène donc une vie de perpétuelle itinérance, ne passant que quelques semaines par an chez lui : l’essentiel de son temps est accaparé par toutes les scènes de la planète lyrique. Ces vingt dernières années, 1245 représentations sont données de ses mises en scène dans 19 pays différents, sur 3 continents. Rien qu’en Italie, 22 villes ont accueilli ses spectacles.

En juin, il est hospitalisé à Londres des suites du Covid, qui finira par l’emporter, à l’âge de 67 ans.

Honneurs et récompenses

Son portrait se trouve dans la National Portrait Gallery, ce musée qui rassemble depuis plus de 150 ans les portraits des personnalités britanniques remarquables. Pour l’occasion, il a été photographié par Lorentz Gullachsen.

Graham Vick est Chevalier des Arts et des Lettres, professeur honoraire de musique à l’Université de Birmingham et titulaire de la Chaire d’Opéra International au Royal Northern College of Music. En 2016 la Royal Philharmonic Society l’accueille comme Membre Honoraire, après l’avoir invité à donner une conférence en 2003. En 2009 il est nommé Commander of the Order of the British Empire et annobli en 2021.


Graham Vick – National Portrait Gallery  © Lorentz Gullachsen
David Pountney (1947- ), metteur en scène de théâtre et d’opéra britannique. Il est à l’époque directeur de production du Scottish Opera. Il deviendra par la suite intendant du Festival de Bregenz et dirigera le Welsh National Opera
 

Sources

The Lebrecht interview

The Guardian

Le site de la BOC

Opera in conversation with Sir Graham Vick

Operabase.com

Remerciements 

Christophe Rousset, Emöke Baráth, Bernard Foccroulle, Rita de Letteriis, pour leur témoignage.

Rossini Opera Festival, Pesaro : Giacomo Mariotti

Birmingham Opera Company : Hannah Griffiths

National Portrait Gallery

Lorentz Gullachsen (www.gullachsen.com)

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