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BACH, Cantates de jeunesse – Le Puy-en-Velay

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Spectacle
25 août 2024
Méditations métaphysiques

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Jean-Sébastien Bach
Cantates BWV 4 (Christ lag in Todesbunden), 106 (Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit) et 131 (Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir) – 1707

Ensemble Correspondances

Caroline Weynants, soprano

Lucile Richardot, alto

Raphaël Höhn, ténor

Sebastian Myrus, basse

Direction musicale
Sébastien Daucé

Cathédrale Notre-Dame, Le Puy-en-Velay, mercredi 21 août 2024, 21h

 

La valeur n’attend pas le nombre des années, dit-on ; c’est certainement le cas pour Bach, comme en a témoigné le programme préparé par Sébastien Daucé, à la tête de l’ensemble Correspondances pour le concert de pré-ouverture du Festival de la Chaise-Dieu, donné dans le cadre somptueux de la cathédrale du Puy-en-Velay. Ce concert était consacré à trois cantates de jeunesse, écrites autour de 1707 alors que Jean-Sébastien Bach, alors âgé de 22 ans, était organiste à Mülhausen : Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir (BWV 131), Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit, dite Actus Tragicus (BWV 106), et Christ lag in Todesbunden (BWV 4). D’une grande cohérence, ce concert a donné à entendre un dialogue profond et intense, dialogue thématique entre la vie et la mort, et dialogue musical entre chœur et orchestre, solistes vocaux et instrumentaux, cantus firmus des divers chorals et flamboiement polyphonique des fugues, ainsi qu’entre cantates elles-mêmes qui déclinent chacune à leur manière ces thèmes universels que sont la détresse de l’humanité face à sa destinée mortelle et l’espérance en un au-delà. La connaissance intime qu’a Sébastien Daucé de ces œuvres, la précision de sa direction et l’intelligence de ses choix musicaux, l’engagement et la finesse de ses musiciens, la ferveur délicate de ses chanteurs ont permis au public très nombreux de goûter une soirée d’une grande richesse, malgré quelques problèmes d’équilibre et de volume dans l’effectif vocal.

En ce qui concerne les solistes tout d’abord, tous n’ont pas réussi à maîtriser l’acoustique d’un lieu aussi impressionnant, moins généreuse que celle de l’abbatiale Saint-Robert à La Chaise-Dieu. En fait, seule Lucile Richardot possédait le volume nécessaire pour faire entendre, sur toute la tessiture, son alto profond et son expressivité bouleversante dans l’air « In deine Hände » (BWV 106), dont chaque note, déployée sur la ligne dépouillée tracée par la viole de Mathias Ferré, frémissait d’espoir (« Entre tes mains je remets mon esprit », dit le texte) ; ce fut l’un des grands moments de la soirée. Dommage, car le ténor Raphaël Höhn et la basse Sebastian Myrus, davantage sollicités, ont fait preuve tous deux d’un grand engagement au service du texte, servi par un timbre très agréable, du moins quand il était audible ; trop souvent couverts par l’orchestre, par le chœur (aria 4a de la cantate BWV 131, « Meine Seele wartet auf den Herrn ») ou par un instrument soliste (le ravissant hautbois de Johanne Maître, pourtant tout en délicatesse, pour l’arioso 2a de la même cantate, « So du willst »), ils ne ressortaient vraiment que dans le registre aigu ; l’air 3b de l’Actus Tragicus, « Heute wirdst du mit mir », correspondant davantage à une tessiture de baryton, a ainsi permis à Sebastian Myrus de vraiment briller dans ce fervent appel au paradis (« Aujourd’hui je serai avec toi au paradis »). Même problème de volume pour la soprano Caroline Weynants, qu’on n’entendait que dans l’aigu, ou presque. En outre, son interprétation du délicieux solo de la cantate 106 (2e) n’était pas totalement convaincante : en réponse au sombre trio des voix graves insistant sur le tragique de la vie humaine (« Mensch, du musst sterben », « homme, tu dois mourir », dont l’interprétation empreinte d’inquiétude fut particulièrement saisissante), la ligne de soprano affirme son acceptation de ce destin et accueille joyeusement la mort du Christ comme prélude à la vie éternelle : « Ja, ja, komm, Herr Jesu, komm », « Oui, oui, viens, Seigneur Jésus, viens », texte ici rendu avec un sérieux, voire une tristesse, qui atténuait considérablement le contraste entre les deux. En revanche, son duo avec Raphaël Höhn dans la cantate BWV 4 (7), très allant, lui a permis de faire la démonstration de ses qualités vocales (pureté du timbre, aigu éclatant, précision dans les vocalises et expressivité).

Le chœur, dont chaque pupitre était composé de trois chanteurs, parmi lesquels les solistes, n’a pas complètement séduit en raison du même problème d’équilibre et de volume, malgré une prestation très solide : autour d’un pupitre d’alto souverain, les autres n’ont pas toujours eu la puissance nécessaire pour faire nettement entendre les départs, problème récurrent dans les fugues, ou pour faire ressortir le cantus firmus. C’était notamment le cas des sopranos, si désincarnées qu’elles en disparaissaient presque, comme dans le premier chœur de la cantate BWV 4. Pourtant, ce choix vocal s’est révélé particulièrement judicieux dans le justement célèbre duo (3) de la même cantate, « Den Tod niemand zwingen kunnst » (« Personne ne peut vaincre la mort »), où le chant éthéré des sopranos venait frotter contre les couleurs beaucoup plus charnelles des altos, de dissonance en dissonance, comme dans une lutte entre le corps et l’âme qui s’apaise et se résout dans un « Halleluja » final à l’unisson totalement extatique. Moment suspendu, magnifique, d’une immense poésie.

Autour d’un Sébastien Daucé inspiré, chœur et solistes ont été portés par un ensemble instrumental de très grande qualité : les violons tour à tour brillants et déchirants de Simon Pierre et de Paul Monteiro, les flûtes exquises de Lucile Perret de de Matthieu Bertaud dans l’Actus Tragicus, dont la symphonie d’ouverture était particulièrement adorable, le hautbois de Johanne Maître, que l’on a déjà évoqué, ont trouvé un écrin particulièrement seyant avec le tapis chatoyant des instruments plus graves, de l’alto de Josèphe Cotte au violoncelle de François Gallon, en passant par les deux violes de Mathilde Vialle et de Mathias Ferré, le violone d’Étienne Floutier et le basson de Mélanie Flahaut. Le continuo était complété par Mathieu Valfré à l’orgue positif et Thibaut Roussel au théorbe, à l’ornementation subtile et pertinente.

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