Hosannah! Commençons par une action de grâce envers la direction de l’Opéra de Marseille, qui a conçu la distribution de ce Roberto Devereux et donné à Mariella Devia avec ses débuts dans le rôle d’Elisabetta l’occasion d’une performance qui laisse ébloui et pantelant. Dès son entrée, les perplexités s’évanouissent : qu’il s’agisse de son état vocal ou de l’adéquation de ses moyens aux exigences du rôle, à chaque seconde elle convainc et conquiert. C’est une suprême leçon d’interprétation vocale que cette technicienne hors pair dispense, et on devrait obliger bien des chanteurs, aspirants ou confirmés, à venir l’entendre. D’une fraîcheur miraculeuse, sans le moindre vibrato, la voix conserve toute la souplesse requise pour exécuter en se jouant les sauts d’octave et les vocalises rapides, et la longueur du souffle semble tenir du prodige tant les respirations sont imperceptibles. Pris directement, les aigus nombreux sont tous brillants, justes et tenus. A ces qualités s’ajoute ce que le temps qui passe a donné à Mariella Devia, une fermeté dans le grave qui lui permet de soutenir dignement les passages à risque pour elle. Mais la puissance, dira-t-on ? Ce qui émerveille dans ce chant, c’est justement que, dépourvu du volume sonore de certaines de ses consœurs il ne s’en impose pas moins par la qualité de la projection et la netteté de l’articulation. Cette interprétation vocale ciselée accompagne, d’une inflexion à l’autre, les nuances psychologiques du personnage. L’Elisabetta de Mariella Devia a l’autorité de la souveraine et les élans de la femme amoureuse, toute la complexité voulue par Donizetti. Sans jamais forcer sa nature ni sacrifier la beauté du chant à une intention expressionniste la cantatrice impose son interprétation comme une référence indiscutable. Révérence, Madame ! A ses côtés, des partenaires qui, sans l’égaler, font mieux que ne pas démériter. Stefano Secco est un Devereux viril, nuancé et élégant; la voix a gagné en ampleur, les aigus sont assurés, le legato exemplaire et le chant pur de toute recherche d’effet Après son Adalgisa de Lausanne Béatrice Uria-Monzon aborde Sara. Peut-être ce personnage de victime est-il si éloigné de son tempérament qu’elle le charge un peu en intensité sonore, donnant aux plaintes de la malheureuse une vigueur excessive alors que la clarté de l’émission n’est pas absolue. Cependant la qualité de la voix demeure et l’engagement de l’interprète emporte la conviction. Il en est de même pour Fabio Maria Capitanucci, dont le Nottingham large et noble du premier acte se charge justement de courroux par la suite sans perdre la pureté de la ligne de chant. Le jeune Julien Dran, enfin, tire Cecil de son relatif effacement par la vigueur et la clarté de son timbre. Pourtant le bonheur n’est pas sans mélange. Si les chœurs sont bien préparés, au premier acte, l’orchestre et le chef semblent renouer avec de vieux démons. Certains pupitres semblent engagés dans une joute à qui jouera sans finesse et la direction impose – ou obtient – des volumes sonores violemment contrastés sur des harmonies et des rythmes de fanfare à des lieues de l’atmosphère voulue par le compositeur. Que s’est-il passé à l’entracte ? Les deuxième et troisième actes sont aussi satisfaisants que possible. Alain Guingal soutient mot à mot les chanteurs, les musiciens font assaut de souplesse et de mesure, la musique chante enfin et tout concourt à exalter l’œuvre de Donizetti. Alors on peut s’abandonner au culte que l’on célèbre sous le magistère de Mariella Devia. Avec la carrière que l’on sait, qu’a-t-elle à prouver ? Rien, évidemment. Mais qu’est-ce qui l’anime, la pousse à prendre les risques de nouveaux rôles, quand elle pourrait se reposer sur ses lauriers ? Quoi d’autre que l’amour inconditionnel qu’elle porte à son art ? Sait-on que chaque jour elle s’astreint à trois heures d’exercices ? Nous parlions de miracle, de prodige. Non, il n’y a dans cette longévité vocale rien de surnaturel: c’est seulement le fruit d’une vocation portée à son comble et poursuivie jour après jour avec abnégation. C’est cet engagement mystique, presque monastique, qui permet aujourd’hui à Mariella Devia de nous dispenser des merveilles. Ses fans italiens l’ont bien compris, qui en parlent comme d’une sainte. Sans verser dans l’adulation, c’est lui rendre justice que de lui dire qu’elle est l’honneur du théâtre lyrique. |
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DONIZETTI, Roberto Devereux — Marseille
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- Orchestre
Note ForumOpera.com
Infos sur l’œuvre
Détails
Gaetano DONIZETTI
Roberto Devereux
Opéra en trois actes
Livret de Salvatore Cammaranno
D’après la tragédie de J.F.Ancelot Elisabeth d’Angleterre
Création à Naples le 29 octobre 1837
Version de concert
Elisabetta
Mariella Devia
Sara
Béatrice Uria-Monzon
Roberto Devereux
Stefano Secco
Nottingham
Fabio Maria Capitanucci
Lord Cecil
Julien Dran
Raleigh
Jean-Marie Delpas
Chœur de l’opéra de Marseille
Direction, Pierre Iodice
Orchestre de l’Opéra de Marseille
Direction musicale
Alain Guingal
Marseille, le 22 novembre 2011, 20h
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Gaetano DONIZETTI
Roberto Devereux
Opéra en trois actes
Livret de Salvatore Cammaranno
D’après la tragédie de J.F.Ancelot Elisabeth d’Angleterre
Création à Naples le 29 octobre 1837
Version de concert
Elisabetta
Mariella Devia
Sara
Béatrice Uria-Monzon
Roberto Devereux
Stefano Secco
Nottingham
Fabio Maria Capitanucci
Lord Cecil
Julien Dran
Raleigh
Jean-Marie Delpas
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Alain Guingal
Marseille, le 22 novembre 2011, 20h
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