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GOUNOD, Le Tribut de Zamora — Munich

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Spectacle
28 janvier 2018
Berlioz aux Anglais, Gounod aux Allemands

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en quatre actes, livret de Jules Brésil et Adolphe d’Ennery

Créé à l’Opéra de Paris, le 1er avril 1881

Détails

Xaïma

Judith van Wanroij

Hermosa

Jennifer Holloway

Manoël

Edgaras Montvidas

Ben-Saïd

Tassis Christoyannis

Hadjar

Boris Pinkhasovich

Iglesia / Une esclave

Juliette Mars

L’Alcade Mayor / Le Cadi

Artavazd Sargsyan

Le Roi / Un soldat arabe

Jérôme Boutillier

Chœur de la Radio bavaroise

Orchestre de la Radio de Munich

Direction musicale

Hervé Niquet

Prinzregententheater, Munich, dimanche 28 janvier, 19 heures

Pour 2018, la France a choisi son camp : en matière de commémorations musicales officielles, il n’y en aura que pour Debussy. Le grand Claude-Achille est certes digne de tous les éloges, la question n’est pas là, mais n’y avait-il vraiment pas la moindre place pour honorer en même temps Gounod, né cent ans avant la mort du compositeur du Prélude à l’après-midi d’un Faune ? Certes, personne n’a envie que Bastille ressorte son Faust, ou que Garnier repropose sa Mireille, mais était-il impossible d’envisager à l’Opéra de Paris un Roméo et Juliette, que la capitale n’a pas revu depuis les représentations de 1994 à Favart ? A part La Nonne sanglante, les théâtres subventionnés ont décidé d’ignorer Gounod. Soit, les mélomanes iront l’entendre ailleurs, et cela risque de devenir une habitude. Pour entendre et surtout pour voir Cinq-Mars, c’est à Munich en 2015 (puis Versailles), ou à Leipzig en 2016 qu’il fallait aller : cette saison, aucun théâtre français n’a eu le courage d’accueillir la résurrection de l’ultime opéra de Gounod. Le Tribut de Zamora n’aura donc été donné qu’à Munich, et l’on en vient à songer que les Allemands feront peut-être pour Gounod ce que les Anglais ont jadis fait pour Berlioz.

Sans parler de révélation ou de chef-d’œuvre injustement négligé, l’œuvre révélée ce 28 janvier grâce à l’action du Palazzetto Bru Zane possède un immense mérite, que n’avait pas tout à fait Cinq-Mars : malgré le côté parfois caricatural du livret, malgré des facilités et des faiblesses dans l’inspiration musicale, Le Tribut de Zamora fonctionne à merveille, avec cette même efficacité indéniable dont fait souvent preuve la peinture du XIXe siècle longtemps méprisée comme « académique ». Au terme du premier acte, on se dit que Gounod a fait preuve d’une grande retenue : il y a bien l’air de Xaïma, jadis enregistré par Joan Sutherland, et l’on entend une première fois « l’hymne nationale ». Mais à partir du deuxième, espagnolade et orientalisme sans vergogne s’installent enfin, avec des résultats on ne peut plus voluptueux (l’entrée des esclaves pour la vente aux enchères ! le ballet et ses danses « nationales », elles aussi…). A force d’être répété, Debout, enfants de l’Ibérie finit par prendre, et l’on comprend que la création en 1881 ait été un succès. Bien sûr, Gounod fait du Gounod, et cela se reconnaît, mais ce n’est pas un défaut. Et à condition de trouver le bon metteur en scène, Le Tribut de Zamora pourrait se révéler tout aussi prenant à voir qu’à écouter.

Peut-être l’effet produit par cette partition tient-il en grande partie à la direction énergique et sans temps mort qu’impose Hervé Niquet. La vigueur constante dont fait preuve le chef évite toute longueur, déchaînant des ensembles tonitruants et frappant de grands coups de théâtre, mais sait aussi mettre en valeur les pages les mieux venues, les morceaux où Gounod puise dans une veine mélodique point tarie (même s’il ne devait plus composer d’autre œuvre lyrique pendant les douze années qui lui restaient à vivre). L’orchestre de la Radio bavaroise commence à avoir l’habitude de l’opéra français du XIXe siècle, et le Chœur, très sollicité dans les trois premiers actes, remplit parfaitement sa mission.

Outre le chef d’orchestre, la distribution compte trois artistes français, mais dans de petits rôles. C’est un régal d’entendre le Cadi d’Artavazd Sargsyan faire l’article et conduire la vente des esclaves au deuxième acte ; Jérôme Boutillier se montre tout aussi éloquent en roi des Asturies. La mezzo Juliette Mars n’a qu’un bref récit pour camper le personnage d’Iglesia, mais elle bénéficie, dans le rôle d’une esclave, d’une superbe barcarolle au troisième acte. Dans les cinq rôles principaux, aux côtés d’artistes familiers des productions du Palazzetto Bru Zane, on rencontre deux nouveau-venus. Par rapport à Sigurd à Genève en 2013, Boris Pinkhasovich a accompli d’énormes progrès dans la maîtrise du français, surtout dans le récitatif, car l’air rapide sur lequel il fait son entrée ne lui simplifie pas la tâche ; pour le reste, le timbre est toujours d’une richesse impressionnante et fait de Hadjar un vrai protagoniste. Vue en 2007 au Châtelet dans un rôle secondaire de La Pietra del paragone, Jennifer Holloway est la révélation de la soirée : cette mezzo américaine évolue désormais vers les rôles de soprano, notamment la Salomé de Strauss, comme son éclatante aisance dans l’aigu le lui autorise. Avec elle, « la folle », comme l’appellent tous les autres personnages, acquiert une véritable consistance, et chacune de ses interventions est un moment de théâtre. On espère la retrouver bientôt dans d’autres œuvres du répertoire français. En Manoël, Edgaras Montvidas n’a guère que sa cavatine du dernier acte pour se mettre en avant, mais le ténor lituanien semble à son aise dans cette partition où il s’exprime surtout dans des duos et des ensembles. Tassis Christoyannis commence en lointain cousin du Méphistophélès de Faust dont il a les intonations narquoises, mais tout change au troisième acte quand Ben-Saïd se montre plus amoureux que tyraniques, et le baryton grec fait merveille dans la romance où il dit tendrement sa flamme à Xaïma. Pour Judith van Wanroij, enfin, l’enjeu était de taille car c’est le premier grand rôle qu’elle incarne dans un opéra du XIXe siècle. Le défi est relevé avec panache : comme on pouvait s’y attendre, elle y déploie les mêmes qualités que dans les œuvres du siècle précédent, mais à la fraîcheur du timbre et au charme de la voix s’adjoint l’aplomb nécessaire dans les moments où Xaïma s’affirme.

On attend maintenant la sortie du disque, qui donnera peut-être à des théâtres – hors de France, bien sûr – l’idée de remonter ce Tribut de Zamora

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Créé à l’Opéra de Paris, le 1er avril 1881

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Judith van Wanroij

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Ben-Saïd

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