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Bellini, Rossini, Donizetti — Liège

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Spectacle
5 décembre 2008
Luxueuse routine

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Juan Diego Florez (Mariotti – Liège)

Détails

Juan Diego FLOREZ

Ténor

Vincenzo Bellini (1801-1835): I Capuleti ed i Montecchi

Sinfonia

“E serbata a questo aciaro”

Gioacchino Rossini (1792-1868): Il Signor Bruschino

Sinfonia

« Deh tu m’assisti amore »

Gioacchino Rossini (1792-1868): Guillaume Tell

« Asile héréditaire, …Amis, amis »

Gaetano Donizetti (1797-1848): La Favorite

« La maîtresse du roi »

Ouverture

Gaetano Donizetti (1797-1848): Lucrezia Borgia

« Partir degg’io, t’amo qual s’ama un angelo »

Gaetano Donizetti (1797-1848): La Figlia del Reggimento

Sinfonia

« Amici miei »

Encores :

Gaetano Donizetti (1797-1848): « Una furtiva lacrima » L’Elisir d’Amore

Gioacchino Rossini (1792-1868): thématique extraite du « Cessa di più resistere » Il Barbiere di Seviglia

Giuseppe Verdi (1813-1901): « La donna e mobile » Rigoletto

Débuts à l’Opéra Royal de Wallonie, Liège

Michele Mariotti

Orchestre de l’ORW

Vendredi 5 décembre 2008

Luxueuse routine…

Après avoir une nouvelle fois constaté l’indigence et le manque total d’imagination du rayon lyrique de la FNAC locale, nous nous sommes rendus à ce que l’on nous promettait comme un des évènements de la saison lyrique de l’ORW. Au sein d’une politique voulant avant tout attirer les grands noms médiatiques du moment, Stefano Mazzonis Di Pralafera avait convaincu Juan Diego Florez de faire escale en la cité mosane. Entre son rendez-vous annuel au Théâtre des Champs Elysées à Paris et quelques dates en Teutonie toute proche, pratiquement, cela ne présentait guère de difficultés pour le ténor. Pour l’Opéra Royal de Wallonie et son public, la venue d’une star comme Florez c’est un peu comme annoncer Céline au Forum (celui de Liège pas Opera …). Les tarifs prohibitifs mais indispensables pour tenter de rentabiliser l’opération, refroidirent quelque peu les ardeurs des Liégeois pourtant réputés valeureux… On s’étonna beaucoup de constater que le sold out n’était pas au rendez-vous à la lecture des mails de relance du bureau de location… Finalement, les publics fidèles et friands de Maastricht mais également d’Aix-la-Chapelle, furent au rendez-vous pour offrir une bonbonnière remplie à satiété pour les débuts in loco de Juan Diego.

Bien entendu, il nous fallut composer avec le lot habituel d’ouvertures et autre Sinfonia… Si un jeune chanteur désirait créer la sensation et entraîner un buzz immédiat, nous lui conseillerions simplement de réaliser l’exploit inhumain d’enchaîner DEUX airs d’opéra. Cela est devenu un fait tellement rarissime, qu’une notoriété et une réputation de vaillance lui seraient immédiatement et mondialement reconnues. Les ouvertures de ce soir permettent de retrouver le pas même trentenaire Michele Mariotti. Le jeune chef, originaire de Pesaro, n’a encore que quelques saisons professionnelles derrière lui. Il fait partie de l’écurie Palacio, ce qui explique la majorité de son calendrier et de ses projets au côté de Florez (existe-il un meilleur moyen de le mettre rapidement en lumière ?). Mariotti vient tout juste de débuter à l’ORW dans Il Barbiere di Seviglia, contrat rempli de manière plus que satisfaisante et qui se négocia vraisemblablement au moment des tractations pour la venue de Florez. Pour revenir à sa prestation, à défaut d’être passionnante, elle a le mérite de ne pas engendrer l’ennui et soulignons même qu’elle souleva l’enthousiasme de quelques-uns au sein de l’auditoire (La Favorite). Il émet un certain nombre de propositions musicales, malheureusement, il doit composer avec la bonne volonté de l’orchestre. Hormis quelques flingages en règle chez les cuivres, le résultat ne dépassera pas l’exécution correcte. Au souvenir du calamiteux accompagnement des débuts de Patrizia Ciofi par la même phalange, nous nous estimons heureux… Une fois encore, nous pensons qu’attirer de beaux et grands noms (Ciofi, Anderson, Cura ?) n’est pas une mauvaise idée en soi, encore faut-il pouvoir les soutenir musicalement de manière adéquate. Il nous tarde d’entendre le Maestro Arrivabeni à l’œuvre et mettons beaucoup d’espoir dans le nécessaire travail de fond qui l’attend au sein des différents pupitres de l’orchestre.

Florez se présenta en bonne forme vocale et apparemment remis des sérieux problèmes gastriques dont il fit lui-même la confidence à son public parisien, problèmes qui entachèrent sans doute le programme du TCE.

Soulagés, nous le fûmes de même en constatant que l’entièreté du programme serait consacré à des pages opératiques. Même si les extraits promis de I Puritani se muent en Capuleti et La Donna del Lago en Il Signor Bruschino, on nous évite Zarzuela, Paloma, Granada, Flor de la Canela, Tarantella (au temps pour nous, là, ce n’est pas lui), bref, toutes ces œuvres en « a » ma foi, fort sympathiques mais ne nous apprenant guère de choses sur l’art de Florez et une éventuelle évolution vocale ou artistique.

Première partie ? Trois airs et basta cosi… Juan Diego Florez offre une belle page de Capuleti ed I Montecchi. Tebaldo définit son exacte identité vocale, celle d’un ténor contraltino rossinien. Dans cette page relativement centrale, le chanteur exhibe le meilleur de lui-même et démontre que ce qu’il a à offrir, repose avant tout sur un timbre encore juvénile et un art du chant qui, sans être complet au niveau de la thématique romantique belcantiste, s’avère un des mieux dotés dans notre époque de disette. La qualité du legato va régulièrement au cours de la soirée, servir un phrasé élégant. A l’actif du chanteur, une grande sobriété en scène, du moins quand il est dans son répertoire. Son Tebaldo est une réussite mais, va rapidement démontrer que musicalement et expressivement, en un air, Florez a déjà proposé tout ce qu’il avait à offrir… Vont s’ensuivre avec divers bonheurs, quelques pages plus ou moins connues, ardues ou adéquates où le ténor s’avère totalement incapable de varier l’accent, d’iriser la couleur, d’alterner la nuance. Où se trouve le piano ou la demi-teinte de Florez ? Ses quelques tentatives conduiront immanquablement à un détimbrage complet ou une mise en péril de l’émission. Cela est produit avec une des belles voix du moment et devant un auditoire totalement acquis pour ne pas dire matraqué médiatiquement (On a évité de peu les bravi avant que Florez n’ouvre la bouche… Liège est toujours un des publics le plus adorable qui soit), mais, cette couleur aussi belle soit-elle (quand il ne force pas ses moyens…), définit rapidement le monolithisme vertical et relativement étroit d’un chant monochrome et uni expressif. Le bref extrait d’Il Signor Bruschino ne convainc pas et souligne, fait nouveau, que Florez a davantage de difficultés à négocier ses passages dans le cantabile lent. La présomptueuse scène de Guillaume Tell est à oublier, en tout cas dans sa seconde partie. Au concert, on peut encore admettre qu’il exécute la première partie intimiste «Asile héréditaire » (promotion commerciale oblige) mais, avec la meilleure volonté du monde, dès la partie centrale, on réalise, si besoin était, combien cette écriture, cette orchestration submerge et tsunamise totalement un chanteur dépassé par la largeur d’un rôle que jusqu’ici, il a très sagement et judicieusement refusé aux rivages de Pesaro. La cabalette courageusement tentée dans ses deux strophes, voit ténor et public se crisper. Chanteur, et émission se raidissent de concert pour offrir dans l’aigu, des sonorités indignes de Florez. Au-delà des nasalités insupportables, l’accroche des notes et la vaine tentative de convaincre, se font tout simplement au prix de franches laideurs. L’amour rend, paraît-il, aveugle. A Liège, la surdité semble également parmi les dégâts collatéraux. Chanteur et public terminent la première partie avec une satisfaction partagée.

En aparté, quand on se trouve dans une maison d’opéra possédant un chœur d’hommes à demeure, est-il impossible de convier celui-ci à l’exécution de pages conçues avec cet intervenant ? Notre époque ne s’embarrasse plus de ce genre de «détail ».

Après l’entracte, Florez chantera dans un français plus qu’acceptable, un extrait de La Favorite. Il y retrouve dignité et stabilité. Un des beaux moments de la soirée sur le plan vocal. Sans même nous référer à d’illustres prédécesseurs, comment expliquer ce qui nous manque au-delà de cette prestation plus qu’appréciable ? Les mots nous venant à l’esprit ? Aura, aristocratie et sans doute plus cruel encore : émotion. Toujours cette unique dimension qui nous empêche de pleinement nous évader et de nous émouvoir une seule fois… Le meilleur de la soirée sera atteint avec le rare air de Gennaro. Florez y fait aisément valoir toutes les qualités de son chant et curieusement, on constatera que c’est dans ce type d’écriture donizettienne qu’il excelle le plus… Dans cet extrait de Lucrezia Borgia, Florez assume enfin le statut qui est le sien. Le coup fatal sera porté au public avec la version italienne de l’air de Tonio. Curieux choix idiomatique car si Florez croît y être plus à l’aise, il se trompe. Le mauvais collage de la traduction italienne finit par lui empêtrer les pieds (syllabiques) dans le tapis. Tonio reste à juste titre, son cheval de bataille. Ah, les 9 contre-uts ! On va le dire rapidement, car honnêtement et cela aussi est nouveau chez lui, il n’en assume vraiment que 5… Systématiquement, empruntant une ficelle régulièrement tirée par les ténors s’aventurant dans ce trophée pavarottien dont Florez revendique l’héritage (lui aussi…), il escamote allègrement le premier des deux uts de « mon âme »… Tonio révèle également que dès que le ténor quitte l’extatique et l’élégiaque pour aborder une écriture plus « dramatique », les moyens de la voix, aigu compris, s’étriquent sensiblement. Avant d’envisager d’éventuels dangers sur la qualité et la pérennité des moyens, cette caractéristique est sans doute le frein principal de « l’évolution » de son répertoire (notamment l’inscription avortée du Duc verdien). Florez, son agent et sa maison de disque ne veulent pas envisager une évolution de répertoire préromantique. Comme si regarder du côté de Mozart, de Haydn, de Paisiello et d’autres contemporains, sans parler des oubliés, serait un recul de carrière, comme un constat d’échec ? Naturellement, il faudrait passer au dessus des clichés du répertoire immédiatement collé aux termes Divo et Primo Uomo… Nous ne pensons pas qu’un jour, Florez aura cette curiosité, cette envie, cette audace (ce courage ?) Pourquoi l’aurait-il ? Dès lors, il nous paraît écrit qu’une certaine stagnation artistique l’attend, tandis qu’il partage désormais son trône avec un Kunde toujours véritable dépositaire de l’héritage des Merritt et Blake, d’un Siragusa bien plus probant dans le serio qu’ils ont en commun, ou davantage encore d’un Lawrence Brownlee désormais bien supérieur vocalement et stylistiquement dans Almaviva, Ramiro, Lindoro ou encore Arturo d’I Puritani

Florez répondant aux ovations de plus en plus tumultueuses, va offrir trois bis ou plutôt terminer une seconde partie digne de ce nom. La romance de Nemorino est proprement somptueuse et atteint l’autre sommet de cette soirée, Juan Diego y délivre serein, en toute simplicité, un propos à fleur de lèvres. Ajoutons à cela que la naïveté du personnage convient particulièrement à sa nature. Il propose ensuite un joli bricolage maison, un savant découpage du « Cessa di più resistere » dont apparemment même lui, n’en peut plus de l’entendre. On coupe donc le premier air, on file droit au « Ah il più lieto istante » histoire de montrer qu’on sait encore vocaliser plus – ou moins – proprement, on recoupe accessoirement les vocalises finales, où il y a de la gêne, y’a point de plaisir et on délivre enfin, un aigu final qui apparemment faisant plaisir à une majorité démocratique, aura atteint son but. « La donna e mobile » lui colle assez bien dans son expression d’autosatisfaction, il la délivre avec humour et élégance dans un dernier clin d’œil au public convaincu d’avoir assisté à un moment historique. Acclamations de rigueur pour un très beau succès personnel. Entre la satisfaction directoriale, le sentiment du devoir accompli du chanteur et le regard plein d’étoiles de Noël du public, l’essentiel n’était-il pas atteint ?

Philippe PONTHIR

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