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RAVEL : L’Heure espagnole / L’Enfant et les sortilèges – Avignon

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Spectacle
27 novembre 2023
Ça déménage et ça émeut

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Maurice Ravel

 

L’heure espagnole

Opéra en un acte

Livret de Franc-Nohain

Créé le 19 mai 1911 à Paris, Opéra-Comique

Arrangement pour petit orchestre de Klaus Simon

 

L’enfant et les sortilèges

Fantaisie lyrique en deux parties

Livret de Colette

Créée le 21 mars 1925 à l’Opéra de Monte-Carlo

Arrangement de Thibault Perrine

 

Détails

Mise en scène

Jean-Louis Grinda

Décors et costumes

Rudy Sabounghi

Chorégraphie 

Eugénie Andrin

Lumières

Laurent Castaingt et Julien Soulier

Dessin et ambiances aquarellées projetées

Louis Lavedan

 

[L’heure espagnole] (1)

Concepcion

Marie-Catherine Gillet

Gonzalve

Carlos Natale

Torquemada

Kaëlig Boché

Ramiro

Ivan Thirion

Don Inigo Gomez

Jean-Vincent Blot

 

[L’enfant et les sortilèges] (2)

L’enfant

Brenda Poupard

Maman

Aline Martin

La tasse chinoise, la libellule, le pâtre

Albane Carrère

Le feu, le rossignol, la princesse

Amélie Robins

La chatte, l’écureuil

Ramya Roy

La pastourelle, la chauve-souris

Héloïse Poulet

La bergère, la chouette

Anne-Catherine Gillet

Le fauteuil, l’arbre

Jean-Vincent Blot

L’horloge comtoise, le chat

Ivan Thirion

La théière, la rainette, le petit vieillard

Kaëlig Boché

 

 

Orchestre national Avignon Provence

Chœur, ballet et maîtrise de l’Opéra Grand Avignon

Danseurs du Conservatoire du Grand Avignon

 

Direction musicale

Robert Tuohy

 

  • En coproduction avec l’Opéra de Tours, l’Opéra de Monte-Carlo et l’Opéra royal de Wallonie
  • Production de l’Opéra de Monte-Carlo

 

Avignon, Opéra Grand Avignon, le 24 novembre 2023, 20 h

 

 

 

 

 

Le mariage des deux seuls ouvrages lyriques de Ravel, distants de quatorze ans, est rare, tant leur caractère, sinon leur opposition, les différencient. Cette magnifique réalisation, parfaitement aboutie, réjouit l’œil autant que l’oreille, et permet d’apprécier les constantes comme l’évolution de son écriture, magique. Certes, les puristes pourront faire valoir que ce n’est pas la partition originale, mais un arrangement que restitue l’orchestre réduit (1). On leur répondra que ces versions sont maintenant éprouvées et reconnues comme valides. En effet, la taille réduite des fosses d’orchestre des théâtres à l’italienne n’autorise pas la formation nombreuse pour laquelle Ravel écrit, qui serait – du reste – sur-dimensionnée pour le volume de la salle (2). C’est même une prouesse que de restituer la richesse de la palette orchestrale avec les timbres voulus par le compositeur.

Jean-Louis Grinda, qui signe la mise en scène, a confié à Louis Lavedan la réalisation d’un décor de bande dessinée, peint à l’aquarelle, pour l’Heure espagnole. La projection sur le rideau de scène du dessin d’un orchestre vide, où deux personnages s’entretiennent devant l’estrade du chef, introduit la comédie musicale. Pour la fantaisie lyrique qui constitue la seconde partie du programme, soucieux d’une approche fidèle, mais renouvelée, il « ne voulait pas voir de chaise qui chante, d’horloge qui parle, de tapisserie qui s’exprime ». La réalisation de Rudy Sabounghi, inventive à souhait, est d’une beauté et d’une efficacité rares. Les costumes sont à l’avenant. Le pari est gagné de nous offrir un Ravel allusif, d’une élégance raffinée malgré l’apparent fossé qui sépare les livrets.

Le vaudeville de Franc-Nohain, dont chaque réplique fait mouche, est d’une constante drôlerie, toujours ça pétille. Le décor projeté est savoureux, valorisé par des éclairages pertinents. Deux comtoises, refuge des amants frustrés, un canapé, une table et une chaise se marient remarquablement au dessin, fausse perspective, dont la verrière supérieure et la vitrine dispensent la lumière, changeante. Chacun connaît l’intrigue, où Conception attend impatiemment le départ de son mari pour satisfaire son appétit sexuel avec son amant-poète. L’arrivée inopinée d’un brave muletier au magasin, avant l’amant attitré, puis d’un riche banquier en quête d’aventure galante, va troubler ses plans. Les espagnolades de la farce, dès la charge du taureau contre l’oncle de Ramiro, sont remarquablement traduites par le jeu et les chorégraphies des chanteurs. Chaque mouvement est réglé avec une précision d’horloger qu’eût aimé le compositeur. Pour autant, Conception, son mari et ses amants sont de chair et de sang, même si le parti est pris de leur refuser l’échange de regards. La direction d’acteur y est magistrale.

La Concepcion qu’incarne Marie-Catherine Gillet est des plus belles que l’on ait vues et écoutées, sensuelle, aux aigus radieux, d’une assurance vocale et dramatique exemplaire. Son désarroi et le comique de situation et de langue n’excluent pas la sensibilité ni le pathétique. L’égalité et l’homogénéité de la voix, l’expression physique naturelle de son jeu, s’ils ne séduisent pas son poète prétentieux, conquièrent le public, après avoir ravi notre bonhomme de muletier « seul amant efficace ». Carlos Natale donne à Gonzalve, le ridicule versificateur vocalisant, une vérité burlesque. Le propos est toujours intelligible, le chant clair, virtuose, poussé à la caricature jusqu’au contre-utKaëlig Boché nous vaut un Torquemada affairé, habile commerçant, burlesque témoin sinon complice des appétits sexuels de sa bouillante épouse, insatisfaite. La composition en est remarquable. Le banquier Don Inigo Gomez, est confié à Jean-Vincent Blot, voix aussi forte que l’homme est corpulent et prétentieux. Le personnage est vrai, jusqu’à sa touchante sérénade (« Oui, fou de toi », avec le basson). Le muletier-déménageur débonnaire, sensible et complexé, Ramiro, Ivan Thirion, est le plus attachant des hommes, avec une fraîcheur d’émission, une naïveté juste qui réjouissent.

Nous retrouverons les trois derniers, respectivement la Théière, la Rainette et le Petit vieillard (Kaëlig Boché), le Fauteuil et l’Arbre gémissant (Vincent Blot), et l’Horloge comtoise, le Chat (Ivan Thirion) dans la seconde partie, où leurs dons de comédien et leur voix font merveille, dans un tout autre registre.

L’enfant semble perdu dans une chambre monumentale, richement décorée où de nombreux domestiques s’affairent. Sa solitude, malgré sa violence, n’en est que plus perceptible. La chorégraphie de l’Enfant et les sortilèges, réglée par Eugénie Andrin participe au régal, tout comme la vidéo qui submerge progressivement l’arithmétique de ses chiffres, en ronde folle. Tous les tableaux sont également séduisants, traduisant les climats renouvelés de l’histoire. On glisse du réel vers un merveilleux onirique à la faveur d’animations et d’éclairages magistraux. Les costumes sont plus inventifs et colorés les uns que les autres, ainsi la Princesse, le Feu, la libellule, très proche de celle de la création. Si elle souffre parfois de quelques répliques d’une intelligibilité insuffisante, la distribution, dont l’engagement est total, s’affirme de très haut vol.

© Studio Delestrade

Brenda Poupard est bien cet enfant au seuil de l’adolescence, violent, révolté, dont l’agressivité se mue en compassion, puis en amour. Son jeu, servi par une morphologie idéale pour le rôle, s’appuie sur une émission admirable, sûre et habitée. « Toi le cœur de la rose » après que le rêve de l’Enfant ait été brisé, nous émeut. L’apparition, magique, de la Princesse d’Amélie Robins (qui chante aussi le Feu et le Rossignol) émergeant lentement du sommet d’une armoire, participe aussi à ce merveilleux poétique dont l’expression vocale agile et suraigüe est l’illustration. Chacune mériterait d’être citée, d’Anne-Catherine Gillet, que nous retrouvons en bergère, puis en chouette, à Alina Martin, en Maman lointaine mais aimante, sans oublier Albane Carrère (La tasse chinoise, la libellule, le pâtre), ni Ramya Roy (La chatte, l’écureuil), et enfin Héloïse Poulet (Pastourelle, puis Chauve-souris).

Pour ponctuelle que soit l’intervention du chœur, il faut en souligner l’excellence. La participation des danseurs du Conservatoire d’Avignon, de la maîtrise de l’opéra ajoute à la féérie de l’Enfant et les sortilèges. Artisan essentiel de ce succès, Robert Tuohy anime les musiciens de l’orchestre national du Grand Avignon pour créer ces ambiances changeantes, colorées, où les vents chambristes et les percussions nous régalent. Ravel comme on l’aime.

(1) Celui de l’Heure espagnole est signé Klaus Simon, celui de l’Enfant et les sortilèges est dû à Thibault Perrine. Tous deux sont aussi soignés, exemplaires. Pour avoir connu d’autres arrangements, dont une version piano quatre mains, flûte et violoncelle de la fantaisie lyrique, celle-ci est somptueuse.
(2) Pour l’Heure espagnole : 2 flûtes, petite flûte, 2 hautbois, cor anglais, 2 clarinettes, clarinette basse, 2 bassons, sarrusophone ou contrebasson, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba contrebasse, timbales, batterie, célesta, accessoires divers, 2 harpes, quintette à cordes. 
Pour l’Enfant et les sortilèges : 2 flûtes, petite flûte, 2 hautbois, cor anglais, 2 clarinettes, petite clarinette, clarinette basse, 2 bassons, contrebasson, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba, 3 timbales, triangle, tambour, cymbales, grosse caisse, tam-tam, fouet, crécelle, râpe à fromage ( ! ), wood-block, éoliphone, crotales, flûte à coulisse, xylophone, célesta, harpe, luthéal (piano), quintette à cordes.


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L’heure espagnole

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Créé le 19 mai 1911 à Paris, Opéra-Comique

Arrangement pour petit orchestre de Klaus Simon

 

L’enfant et les sortilèges

Fantaisie lyrique en deux parties

Livret de Colette

Créée le 21 mars 1925 à l’Opéra de Monte-Carlo

Arrangement de Thibault Perrine

 

Détails

Mise en scène

Jean-Louis Grinda

Décors et costumes

Rudy Sabounghi

Chorégraphie 

Eugénie Andrin

Lumières

Laurent Castaingt et Julien Soulier

Dessin et ambiances aquarellées projetées

Louis Lavedan

 

[L’heure espagnole] (1)

Concepcion

Marie-Catherine Gillet

Gonzalve

Carlos Natale

Torquemada

Kaëlig Boché

Ramiro

Ivan Thirion

Don Inigo Gomez

Jean-Vincent Blot

 

[L’enfant et les sortilèges] (2)

L’enfant

Brenda Poupard

Maman

Aline Martin

La tasse chinoise, la libellule, le pâtre

Albane Carrère

Le feu, le rossignol, la princesse

Amélie Robins

La chatte, l’écureuil

Ramya Roy

La pastourelle, la chauve-souris

Héloïse Poulet

La bergère, la chouette

Anne-Catherine Gillet

Le fauteuil, l’arbre

Jean-Vincent Blot

L’horloge comtoise, le chat

Ivan Thirion

La théière, la rainette, le petit vieillard

Kaëlig Boché

 

 

Orchestre national Avignon Provence

Chœur, ballet et maîtrise de l’Opéra Grand Avignon

Danseurs du Conservatoire du Grand Avignon

 

Direction musicale

Robert Tuohy

 

  • En coproduction avec l’Opéra de Tours, l’Opéra de Monte-Carlo et l’Opéra royal de Wallonie
  • Production de l’Opéra de Monte-Carlo

 

Avignon, Opéra Grand Avignon, le 24 novembre 2023, 20 h

 

 

 

 

 

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