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WAGNER, Tristan und Isolde — Luxembourg

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Spectacle
1 mars 2023
Situations étranges, émotions fortes

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes de Richard Wagner, sur un livret du compositeur

Création à Munich au Königlichen Hof und National Theater le 10 Juin 1865

Détails

Mise en scène

Simon Stone

Décors

Ralph Myers

Lumières

James Farncombe

Costumes

Ralph Myers, Blanca Anon Garcia

Vidéo

Luke Halls

Chorégraphie

Arco Renz

Assistants à la mise en scène

Robin Ormond et Ewa Rucinska

Tristan

Daniel Frank

Isolde

Ann Petersen

Brangäne

Katarina Karnéus

Kurwenal

Josef Wagner

König Marke

Franz-Josef Selig

Melot

Leon Košavić

Le matelot / un berger

Joel Williams

Le pilote

James Atkinson

Orchestre Philharmonique du Luxembourg

Chœur de chambre philharmonique d’Estonie

Chef de chœur
Tonü Kaljuste

Direction musicale
Lothar Koenigs

Théâtre de la Ville de Luxembourg, Lundi 27 février 2023, 19h00

Reprise d’une production du Festival d’Aix-en-Provence où le spectacle fut créé la saison dernière, cette mise en scène controversée fait en ce moment étape à Luxembourg pour trois représentations. En ce jour de première, la salle n’est pas pleine, hélas, et s’éclaircira même en cours de route ; une partie des spectateurs aura été déroutée par l’audace ou la complexité du propos du metteur en scène. On peut le comprendre tant la transposition est radicale et peut praraître éloignée de la tradition. Pourtant, le visuel est splendide de bout en bout, l’émotion est sans cesse au cœur du spectacle, chaque détail fait sens pour qui veut se donner un peu de  peine et chercher à comprendre, et jamais l’œuvre n’est rabaissée.

La conception même du spectacle, telle qu’elle apparait dans les notes d’intentions du metteur en scène Simon Stone, est assez complexe en effet pour qu’on prenne le temps de l’expliquer. Durant le prologue, une femme entre deux âges s’aperçoit que son mari la trompe : elle aime toujours mais ne se sent plus aimée. Elle va puiser dans le mythe wagnérien le matériau d’une longue réflexion métaphysique sur le sens de l’amour, du désir, du temps qui passe et du vieillissement, nourrissant ainsi sa décision de rupture qui interviendra tout à la fin du spectacle, par un glissement progressif entre le mythe et la réalité au cours du long monologue de la mort d’Isolde. On peut juger qu’une telle mise en abîme n’est pas strictement nécessaire, ou même qu’elle jette un peu de confusion dans le spectacle. Mon avis est plutôt qu’elle ajoute une dimension très contemporaine et presque psychanalytique sans dévoyer l’œuvre, et qu’elle sollicite de la part du spectateur une réflexion approfondie sur ce qu’est un mythe, ce qu’il peut apporter à nos vies contingentes, et comment il devient intemporel à travers la plus belle des musiques.

Le spectacle commence par une petite fête entre amis dans l’appartement d’une femme. Décor somptueux, en format cinémascope, vue à 180 degrés sur la ville, éclairages magnifiques, tout concourt à une atmosphère d’aisance et de luxe qui bien entendu ne préserve pas des affres du désamour et de la trahison. Le même appartement devient alors le bateau qui amène Isolde en Cornouailles par une terrible nuit d’orage, où s’établit le rapport de force entre les futurs amants, le lieu de l’échange du philtre, de leur attirance irrésistible et soudaine. Tout le premier acte est passé sans aucune longueur, déroulant des images magnifiques de mer déchaînées ou de soleil radieux.


Ann Petersen, Isolde et Daniel Frank, Tristan © Philharmonie Luxembourg/Eric Devillet

Le deuxième acte se déroule dans un bureau open-space avec vue panoramique sur les toits de Paris. C’est dans la clandestinité, après les heures de travail, qu’Isolde retrouve son amant, c’est au bureau qu’ils passent leur nuit torride. Le metteur en scène, dans une sorte de délire onirique, va démultiplier ce couple, le représenter aux divers âges de la vie, dans différentes configurations, pour en faire une sorte de couple universel. Ici aussi, les images défilent à travers les fenêtres, du crépuscule à l’aube, créant des tableaux magnifiquement éclairés (James Farncombe) avec des ciels à couper le souffle. Aussi soudainement que l’éclatement d’une bulle, l’atmosphère bascule complètement dès que les amants sont surpris. Le travail de caractérisation de chaque personnage et les interactions entre eux est particulièrement bien soigné ; la consternation générale face à la trahison, le désespoir du Roi Marke sont tangibles et bouleversants, de même que l’escalade de violence qui conduit au geste de Melot. Le spectateur est comme au cinéma, complètement happé par la mise en scène en même temps qu’il est envoûté par la musique.


Josef Wagner, Kurwenal, Daniel Frank, Tristan et Joel Williams, un marin © Philharmonie Luxembourg/Eric Devillet

Et la magie continue au troisième acte. Toute la dernière partie du spectacle est menée avec une grande maestria, une parfaite adéquation entre mise en scène et ligne musicale, le cheminement d’une rame de métro amplifiant le déroulement de la partition. Le spectateur est pris par la main, aspiré par le mouvement. Nous voici à présent à la Porte des Lilas, dans un wagon du métro parisien, avec ses voyageurs et son musicien ambulant (le cor anglais) ; une rixe éclate et Melot réédite son coup de couteau vengeur. Dans une accélération du temps, les stations vont alors défiler, comme les stations d’un chemin de croix, celui de l’agonie de Tristan. Télégraphe, Place des Fêtes, des passagers entrent et sortent, Jourdain, l’agonie se prolonge ; fidèle et magnifique, Kurwenal est aux côtés de son Prince. Pyrénées, au plus mal Tristan quitte un peu la réalité. Par les fenêtres du métro, il est transporté dans un paysage de montagnes. Belleville, Goncourt, Isolde embarque, dans une somptueuse robe de lamé or, la raison de Tristan vacille, il retrouve la mer du premier acte, le sentiment d’urgence est de plus en plus présent, le défilement des stations s’accélère. République, Rambuteau, c’est le grand air de la mort d’Isolde, paroxysme de trouble, d’angoisse et d’émotion. Hôtel de Ville, Châtelet : revenue à la vie civile, redevenue le personnage contemporain qu’on a vu pendant le prologue, elle quitte la rame sans se retourner. La rupture avec Tristan est consommée. Rideau. 

Le casting, différent de celui d’Aix en Provence, est assez homogène, avec même quelques éléments exceptionnels : saluons tout d’abord la très belle performance de Ann Petersen en Isolde, puissante, maternante, dominatrice, très à l’aise vocalement et dominant le rôle jusqu’au bout sans faillir. A ses côtés, le Tristan de Daniel Frank est un peu moins héroïque : la voix, parfois aux limites de sa capacité, ne disconvient pas au rôle mais présente peu de variété de couleurs, peu d’inflexions expressives, de sorte que la prestation paraît globalement un peu terne. Le rôle de Brangäne est chanté par Katarina Karnéus, dont la belle voix grave au timbre ambré opère avec charme. Fort bien distribué également, le Kurwenal de Josef Wagner (il tenait déjà le rôle à Aix), peu présent au début, se révèle au dernier acte suscitant beaucoup d’émotion. Magistrale à tout point de vue, la prestation de Franz-Josef Selig en Roi Marke impressionne par l’ampleur caverneuse de la voix, somptueuse, par le physique, imposant, et par l’autorité du chanteur. Leon Košavić (Mélot) réussit à donner une véritable présence et beaucoup de relief au rôle du mauvais tandis que le jeune Joel Williams, fidèle et discrète présence tout au long du dernier acte, prête son physique avantageux au double rôle du berger et du marin.

Une telle réussite ne serait pas possible, c’est évident, sans la complicité de la fosse et de l’orchestre dont Lothar Koenigs tire le meilleur parti possible. Avec des tempi relativement lents au début (en particulier pour l’ouverture donnée avec beaucoup de solennité), une grande attention portée à la synchronisation des éléments visuels et musicaux, comme au cinéma, le chef contribue pour beaucoup à la solidité de l’édifice global. La profondeur des timbres, la réalisation de quelques solo instrumentaux laissent parfois un peu à désirer, mais l’ensemble est de belle tenue, assurant la cohérence musicale d’un bout à l’autre du spectacle.

 

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Création à Munich au Königlichen Hof und National Theater le 10 Juin 1865

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Décors

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Lumières

James Farncombe

Costumes

Ralph Myers, Blanca Anon Garcia

Vidéo

Luke Halls

Chorégraphie

Arco Renz

Assistants à la mise en scène

Robin Ormond et Ewa Rucinska

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Daniel Frank

Isolde

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Katarina Karnéus

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