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Impempe Yomlingo — Paris (Châtelet)

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Spectacle
9 octobre 2009
Une Flûte inouie

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Impempe Yomlingo (Mozart, Dyantyis – Paris)

Impempe Yomlingo

(d’après La Flûte Enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart)

 

Opéra en deux actes

Adapté et mis en scène par

Mark Dornford-May

Spectacle chanté en anglais et en xhosa.

 

Livret et musique de Mandisi Dyantyis, Mbali Kgosidintsi,

Pauline Malefane, Nolufefe Mtshabe

 

Une production d’Eric Abraham et Isango Portobello Company of Cape Town

créé en association avec le Young Vic Theatre de Londres

 

 

 

Chorégraphie, Lungelo Ngamlana

Costumes, Leigh Bishop

Lumières, Mannie Manim

Conseiller technique, Dan Watkins

Assistant du metteur en scène, Gbolahan Obisesan

Conseiller musical, Charles Hazlewood

 

Sonwabo Ntshata, Tamino

Noluthando Sigonya, 1ère Dame

Lungelwa Mdekazi,  2e Dame

Unathi Habe, 3e Dame

Phumzile Theo Magongoma, Papageno

Bongiwe Mapassa, Reine de la Nuit

Portia Shwana, Pamina

Thozamo Mdliva, Papagena

Malungisa Balintulo, Monostatos

Sebastian Zokoza, Sarastro

Bulelani Madondile, Sprecher

Luthando Mthi, Prêtre

Tembisa Mlanjeni, Poseltso Sejosingoe, Noluthando Boqwana, les Esprits

Luvo Rasemeni, Thamsanqua Ntoninji, Deux Hommes d’Armes et toute la troupe.

 

 Troupe de 33 musiciens, danseurs, chanteurs solistes

et choristes des townships d’Afrique du Sud

Orchestre de 12 marimbas et percussions africaines

 

Direction musicale, Mandisi Dyantyis

 

Paris, le 9 octobre 2009

 

Une Flûte inouïe !

 

 

Il faut savoir recevoir et mériter ce spectacle que propose la troupe de Théâtre Musical « Isango Portobello » de Cape Town (Afrique du Sud). On ne vient pas ici en espérant entendre un nouveau Wunderlich en Tamino ou une nouvelle Edda Moser en Reine de la Nuit. On peut avoir parfois les oreilles mises à mal par des intonations plus que hasardeuses ou des techniques vocales trop sommaires encore pour s’attaquer à la vocalité périlleuse de certains rôles comme la Reine de la Nuit ou Tamino. C’est parfois dérangeant il est vrai, mais ces écueils font partie du jeu et peuvent même émouvoir tant ce qui se passe sur scène est fascinant à plus d’un titre. Même la musique du glockenspiel, joué sur des bouteilles vides en fond de scène, sonne faux à ravir et la trompette, qui donne de la voix à la flûte muette de Tamino, n’hésite pas à s’envoler comme celle de Satchmo ! Quelle belle leçon de vie, quelle belle façon de faire de la musique, car c’est bien ce que le public, ce 9 octobre, a ovationné au Châtelet : l’essence même de la musique avec tout ce qu’elle comporte d’ivresse, de joie de vivre, d’émotion et, plus que tout, de partage et d’échange !

  

Dès l’ouverture, le son profond et velouté de douze marimbas, fabriqués spécialement pour la production, et l’élan que leur imprime le chef Mandisi Dyantyis nous font dire qu’un Fritz Busch, par exemple, aurait beaucoup aimé ce Mozart-là car il a gardé la verdeur et la fraîcheur que devait avoir la création de la Flûte dans les faubourgs de Vienne. Le rythme, l’énergie, la magie et le partage, maîtres mots du metteur en scène Mark Dornford May, sont ici au rendez-vous. Pas une baisse de tension, mais une savante alliance d’atmosphères très différentes, de ruptures, de recueillements et d’émerveillements, portent l’empreinte d’un grand homme de théâtre et on se réjouit de voir à Paris, en mars prochain, sa mise en scène de Tremonisha de Scott Joplin.

 

Un praticable en pente, deux trappes, des échafaudages, de beaux éclairages (Mannie Manim) : c’est tout ce qu’il lui faut pour donner à ce conte magique un rythme soutenu qui ne laisse pas le temps d’applaudir avant le salut final. Outres les premiers rôles (signalons la belle voix de la Pamina de Portia Shwana et le touchant Papageno de Phumzile Theo Magomgoma) les artistes sont à la fois chanteurs, acteurs, danseurs et joueurs de marimbas ou de percussions. L’adaptation musicale est intelligemment réalisée. Rien n’est laissé au hasard ou à l’à-peu-près. De temps en temps, l’orchestre de Mozart est confié aux voix et les musiciens prennent un malin plaisir à s’approprier certaines formules rythmiques à leur manière, avec un joli clin d’œil (on s’amuse beaucoup durant cette Flûte) qui force la sympathie. Aucun exotisme bon marché, aucune démagogie dans ce spectacle : il est tout simplement humain, merveilleusement et noblement humain.

 

A l’instar des mythes, les grandes oeuvres théâtrales et musicales doivent être en permanence revisitées. C’est en exil que Mark Dornford May a songé au lien entre le conte de Schikaneder et le joueur de flûte de la tradition Tsonga d’Afrique du Sud, chargé de chasser les oiseaux qui provoquent les orages. Et c’est à Londres que cette distance imposée lui a fait prendre conscience qu’à son retour, il allait devoir participer à la création d’un théâtre national sud-africain noir et ce, avec l’aide de l’art le plus universel qui soit : la musique. Cette Flûte en est l’embryon et on imagine aisément les chemins qui s’ouvrent aujourd’hui. On songe aux artistes brésiliens des années 20 qui établirent les bases d’un nouvel art authentiquement national en « dévorant », par ce mouvement qu’ils avaient appelé « anthropophage », tout ce que l’art européen pouvait leur apporter. Nul doute que c’est à leur image et au prisme d’un tel syncrétisme, que les artistes de cette Flûte de Cape Town, élaborée au carrefour de plusieurs cultures, sauront forger un Théâtre à la fois sud-africain et universel.

 

Paris peut s’enorgueillir d’avoir enfin, au Châtelet, un Théâtre Musical, comme toutes les grandes capitales européennes (Londres, Berlin, Madrid, Vienne) où l’on peut découvrir, outre les opéras, de beaux spectacles musicaux venus d’ailleurs et, bien sûr, ces grandes comédies musicales américaines dont la capitale a été trop longtemps privé. Ce faisant, le public du Châtelet a pratiquement doublé. Rien d’étonnant ! Le 9 octobre, la salle entière s’est levée pour remercier ces musiciens qui se sont approprié Mozart d’aussi belle manière. Ils nous ont donné, le temps d’un soir, ce qui nous manque trop souvent au théâtre, à l’opéra surtout: la générosité. 

 

Marcel Quillévéré

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